Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Biens mobiliers à caractère religieux (Tabernacles anciens des XVIIe et XVIIIe siècles)

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Description

Le tabernacle désigne principalement l'armoire fermée à clef servant à contenir les hosties consacrées et les vases sacrés nécessaires au rituel de l'eucharistie du rite catholique romain. Par extension, le mot désigne aussi l'ensemble du meuble qui est déposé sur un autel (parfois appelé tombeau). Représentant la demeure de Dieu, le tabernacle imite une architecture élaborée et possède une riche ornementation. Les tabernacles anciens fabriqués au Québec sont faits de pin blanc, de noyer cendré ou de tilleul d'Amérique, des espèces indigènes de la vallée du Saint-Laurent. Ceux faits de chêne proviennent généralement d'Europe.

Dans une église, il existe deux types d'autels et de tabernacles : le maître-autel trône au centre du chœur et prend des dimensions souvent imposantes, et les autels latéraux ou secondaires, généralement de taille plus modeste, qui sont placés de part et d'autre du choeur.

Un tabernacle est composé de plusieurs éléments posés les uns sur les autres et assemblés avec des tenons. Il comporte trois parties horizontales. L'étage des gradins, fabriqué à la manière d'un caisson, court sur toute la largeur du meuble. Ensuite, l'étage de l'ordre est composé d'une colonnade soutenant un entablement et est aussi large que les gradins ou légèrement plus étroit. Dans ce cas, des ailerons placés aux extrémités de l'étage servent à accentuer le profil pyramidal du meuble. Les colonnettes sont généralement d'ordre corinthien ou composite et cannelées. Des ressauts, des panneaux ou des niches abritant des statuettes logent dans l'entrecolonnement. Finalement, l'étage du couronnement est posé sur l'entablement. D'ordinaire, des pots à feu y sont posés et servent d'amortissement aux colonnes. Le meuble est aussi composé de trois parties verticales, soit deux ailes latérales et un corps central. Les ailes latérales sont en retrait par rapport au corps central et sont normalement couronnées par d'imposants reliquaires sur pied. Le corps central comporte la réserve eucharistique, au bas, qui est logée au centre des gradins. L'armoire de l'ostensoir ou la niche centrale est posée sur cette dernière, au centre de l'étage de l'ordre. Finalement, le couronnement, consistant en un dôme ou une impériale et parfois une niche d'exposition, complété d'une croix faîtière, surmonte cet agencement vertical. La porte de l'armoire de l'ostensoir est parfois conçue afin de pivoter sur un axe, révélant un miroir ou une surface réfléchissante au revers, créant une aura lumineuse autour de l'ostensoir lors des cérémonies.

Le bois du tabernacle est généralement doré à la feuille, et parfois peint. Il peut être doré à la colle ou sur mixtion. La dorure à la colle nécessite une couche de préparation faite d'un mélange de craie, d'argile colorée et de colle animale. Cette technique permet de polir la feuille d'or et de jouer avec les effets de brillance. La dorure sur mixtion utilise un adhésif à base d'huile siccative et de résine, et offre une apparence plus mate. La feuille d'argent est parfois utilisée pour certains détails, mais elle sert surtout à recouvrir les garnitures d'autel. Quelques rares tabernacles reçoivent aussi de la polychromie réalisée à la peinture à l'huile.

Les thèmes iconographiques représentés sur les tabernacles font toujours référence au divin et à l'eucharistie. Le corps central ne peut recevoir que des symboles représentant Dieu, tels qu'un agneau mystique, un ostensoir, un ciboire, le Christ, etc. Les prédelles reçoivent généralement une ornementation végétale rappelant les saintes espèces, souvent des pampres symbolisant le vin et des gerbes de blé, le pain. Des angelots, ainsi que des représentations de saints peuvent occuper les ailes latérales. Des objets liturgiques peuvent aussi être représentés.

Finalement, lors de fêtes religieuses, le tabernacle peut être orné de nombreuses décorations temporaires, telles que des cierges, des fleurs naturelles ou de papier, un dais, des anges adorateurs.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Informations historiques

Le corpus des tabernacles anciens du Québec des XVIIe et XVIIIe siècles couvre près de 200 ans de pratique artistique. Suivant l'évolution de l'architecture québécoise ainsi que les différents changements des décors des églises, leur production, proportions et usage évoluent au cours des siècles.

Le Concile de Trente (1545-1563) amène des changements importants pour la célébration de l'eucharistie : les hosties consacrées, autrefois conservées dans une « suspense » au-dessus de l'autel, doivent dorénavant être conservées dans un tabernacle. D'abord prenant l'aspect d'une tour, la forme du tabernacle évolue pour prendre celle d'un ensemble architectural. L'Église catholique du Québec étant issue de ce mouvement de Contre-Réforme, ces changements sont intégrés dans la colonie en adoptant le tabernacle posé sur l'autel pour conserver les hosties consacrées.

Au départ, les tabernacles étaient importés de France et prenaient des formes plus horizontales. Vers 1675, les premiers sculpteurs arrivent en Nouvelle-France à la demande de Mgr François de Laval (1623-1708) pour enseigner leur métier. En 1703, Mgr Jean-Baptiste de La Croix de Chevrière de Saint-Vallier (1653-1727) en dicte la forme dans son édit « Rituel du diocèse de Québec ». Ce dernier définit les principes d'aménagement du meuble contenant les Saintes Espèces. Le tabernacle doit être fermé à clef, doit être doré ou peint, avoir au moins deux gradins et deux chandeliers, ainsi qu'un crucifix d'autel.

Les spécialistes définissent généralement trois grandes époques de l'histoire du tabernacle au Québec. La première période s'étend de 1690 à 1720 et correspond aux années productives de François de Lajoùe (1660-1719), Claude Baillif (vers 1635-1698) et Jacques Leblond de Latour (1671-1715). La deuxième période est celle où la production des tabernacles est dominée par la famille Levasseur, de 1720 à 1790. Jean Valin (1691-1759) et Charles Vézina (1685-1755) produisent aussi durant cette période, de même que Paul Jourdain, dit Labrosse (1697-1769), à Montréal, et Gilles Bolvin (1711-1766) à Trois-Rivières. La troisième période est celle des membres de la famille Baillairgé, vers la fin du XVIIIe siècle, ainsi que de Philippe Liébert (1733-1804). Pour la dorure, les Ursulines de Québec obtiennent la plupart des contrats aux XVIIe et XVIIIe siècles, puis sont remplacées par les Augustines de l'Hôtel-Dieu par la suite.

Puisque le tabernacle est le meuble le plus sacré de l'église, il est l'un des objets les plus protégés. Ainsi, si le meuble devient excédentaire ou s'il ne répond plus aux besoins de la paroisse, celle-ci le fera d'abord modifier, restaurer ou le donnera à une jeune paroisse dans le besoin. Un tabernacle ancien sera alors souvent couvert de plusieurs couches de dorure et de peinture et portera les traces d'agrandissements ou de changements dans l'ornementation.

Au XXe siècle, le concile de Vatican II (1962-1965) apporte plusieurs changements dans la liturgie catholique romaine. Entre autres, la messe est dite face aux fidèles, sur des autels placés au centre du choeur. Toutefois, malgré ces changements, plusieurs lieux de culte conservent leurs anciens tabernacles, qui servent encore parfois de réserve eucharistique.

Les tabernacles, contrairement à la plupart des objets faisant partie du patrimoine mobilier religieux, sont relativement bien documentés. Dans les années 1920-1940, Ramsay Traquair (1874-1952) étudie l'architecture religieuse et amasse une importante documentation visuelle des tabernacles anciens. Gérard Morisset (1898-1970), grâce à l'inventaire des oeuvres d'art (1937-1969), contribue grandement au domaine. En 1974, Raymonde Gauthier dresse un premier état des lieux de ce corpus, puis John R. Porter nourrit la thématique des tabernacles dans quelques ouvrages. Finalement, Claude Payer et Daniel Drouin dressent un inventaire complet et fouillé du corpus, en y ajoutant les connaissances techniques des restaurateurs d'art.

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Références

Notices bibliographiques :

  • BELISLE, Jean et John R. PORTER. La sculpture ancienne au Québec : trois siècles d'art religieux et profane. Montréal, Éditions de l'Homme, 1986. 503 p.
  • CASTONGUAY, Denis, Luc NOPPEN et René VILLENEUVE. Le trésor du grand siècle: l'art et l'architecture du XVIIe siècle à Québec. Québec, Musée du Québec, 1984. 182 p.
  • GAUTHIER, Raymonde. Les tabernacles anciens du Québec des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Québec, Ministère des Affaires culturelles, 1974. 112 p.
  • KAREL, David. Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord : peintres, sculpteurs, dessinateurs, graveurs, photographes et orfèvres. Québec, Musée du Québec / Les Presses de l'Université Laval, 1992. 962 p.
  • LABIAU, Jean-Pierre. Analyse stylistique des tabernacles de la Nouvelle-France: recherche des traits de dépendance et d'originalité par rapport aux tabernacles métropolitains. Université Laval, 1989. 141 p.
  • PAYER, Claude et Daniel DROUIN. Les tabernacles du Québec des XVIIe et XVIIIe siècles. Québec, Les publications du Québec, 2016. 271 p.
  • PORTER, John R. L’art de la dorure au Québec du XVIIe siècle à nos jours. Québec, Éditions Garneau, 1975. 211 p.
  • TRAQUAIR, Ramsay. Old Architecture of Québec : A study of the buildings erected in New France from the earliest explorers to the middle of the nineteenth century. Toronto, Macmillan Company of Canada, 1947. 353 p.
  • VILLENEUVE, René. Du baroque au néo-classicisme. La sculpture au Québec. Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada, 1997. 220 p.

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