Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Podorythmie

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • « cognage de pieds »
  • « frappage de pieds »
  • « jouer de la planche »
  • « pas d’accord »
  • « tapage de pieds »
  • « tapement de pieds »
  • « tapia »

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression
  • Pratique
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Musique > Musique instrumentale

Éléments associés

Patrimoine immatériel associé (1)

Inventaires associés (1)

Description

La podorythmie est une pratique dans laquelle une personne produit un rythme avec ses pieds sur une surface dure, tout en étant assise. Les tapements de pieds accompagnent le plus souvent la chanson, la danse et la musique traditionnelles. Elle se différencie de la gigue, qui, bien que sonore, est avant tout une danse, alors que la podorythmie tient le rôle d'instrument percussif d'accompagnement.

L'expression «tapeux de pieds» est communément utilisée afin de désigner les personnes pratiquant la podorythmie. Le terme de podorythmie, beaucoup plus récent que «tapeux de pieds», a été développé et mis de l'avant vers la fin des années 1970 par Alain Lamontagne, un harmoniciste et podorythmiste reconnu.

Trois pas de base définissent la podorythmie pratiquée au Québec. Le premier pas, le 2/4 ou le 4/4, se joue souvent sur des «reels». Il est constitué d'une série répétée de mouvements. Le plein pied droit fait généralement le premier tapement, suivi d'une pause, puis d'un tapement plus léger avec la pointe du pied droit et finalement d'un tapement du pied gauche, que ce soit avec la pointe, le talon ou le plein pied. Le temps fort est marqué par le premier tapement du pied droit. Ce pas est fréquemment nommé « le ti-galop » ou le tapement simple. Il est aussi possible de taper «en double» sur les mêmes airs. Le deuxième pas, plus marginal, est exécuté sur des airs à rythme ternaire, comme le 6/8. Différentes manières de taper sont possibles. Le troisième pas, également peu fréquent, est celui de la valse. Le pied droit tape les trois temps d'une mesure de valse, suivi d'un tapement du pied gauche.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Il n'existe aucune certitude concernant les origines possibles de la podorythmie au Québec. Son histoire reste entourée d'un certain mystère. Plusieurs hypothèses sont avancées. L'une d'elles suppose que le violoneux, étant souvent assis sur une chaise placée sur une table lors des soirées de danse afin que le son du violon se propage mieux, aurait commencé à marquer le rythme de la musique avec ses pieds. Cela permettait aux danseurs de clairement discerner la cadence. Une autre hypothèse se rattache à l'interdiction de danser formulée dans le discours ecclésiastique au Canada français. Ainsi, au lieu de giguer, les participants aux veillées auraient commencé à taper des pieds. Une troisième lie le rythme joué au tambour à mailloche irlandais, le «bodhran», au rythme du tapement de pieds. Les pas de gigue, selon une autre hypothèse, ont pu influencer de la même façon ceux des tapements de pieds, leurs rythmes étant très semblables. Finalement, la cohabitation des bûcherons dans des campements éloignés et la présence parmi eux de plusieurs danseurs de talent ont pu être un terrain fertile pour le développement du tapement de pieds.

Des écrits du début du XXe siècle attestent de l'usage du tapement de pieds au Québec. Il s'agit notamment du texte « Les violons d'autrefois : essai de folklore musical » publié par Joseph-Évariste Prince, avocat et professeur à l'Université Laval, en janvier 1908 dans le Bulletin du parler français au Canada. Il y est question du battement des pieds qui serait un accompagnement obligé de tout joueur de violon. En effet, sans celui-ci, les danseurs ne se sentiraient pas assez soutenus. Quelques années plus tard, en 1926, le chroniqueur, agronome et homme politique, Georges Bouchard (1888-1956) publie son ouvrage «Vieilles choses, vieilles gens». Il y décrit le violoneux qui, assis sur une chaise rustique, frappe en cadence le plancher de ses lourdes bottes tout en maniant l'archet à une rapidité prodigieuse.

Le tapement de pieds aurait eu pour principale fonction de souligner le rythme et d'accompagner les danseurs. Ces dernières décennies, la podorythmie a évolué, s'affirmant davantage et se complexifiant dans l'exécution. Nombre de musiciens et de groupes québécois ont intégré la podorythmie à leurs prestations musicales. Depuis le milieu des années 1970, le Rêve du Diable et la Bottine souriante, deux groupes marquants dans la revitalisation de la musique traditionnelle québécoise, utilisent très fréquemment le tapement de pieds dans leurs pièces. Michel Bordeleau, qui se joint à La Bottine souriante dans les années 1980, innove en proposant notamment des solos de tapements de pieds. À cette même époque, Alain Lamontagne donne un autre élan à la podorythmie par ses explorations originales. Par cette impulsion commune, la podorythmie devient en quelque sorte un instrument à part entière. D'autres porteurs de cette tradition se démarquent, notamment le musicien Jean-François Berthiaume (aussi percussionniste au tambour ou sur une valise de cuir) et le groupe De Temps Antan, actif depuis le début des années 2000, qui compte trois tapeux de pieds.

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Contexte

Les veillées de danse, de musique et de chant constituent un moment privilégié pour la pratique de la podorythmie pour quiconque désire se livrer à cette activité, musicien ou non. Les rassemblements peuvent avoir lieu soit dans un contexte festif en famille, soit lors de rencontres informelles ou encore dans le cadre d'événements publics, notamment sur scène. Outre les pas de base, les «tapeux de pieds» peuvent varier les pas, selon leur inspiration et le rythme de la musique ou du chant.

La podorythmie demande quelques qualités physiques. Le corps entier est en effet sollicité, tout particulièrement du dos jusqu'aux pieds. La position adoptée et la manière de taper du pied sont très importantes puisqu'elles permettent d'éviter les blessures et de réduire grandement la fatigue. Il est alors possible de taper du pied durant de longues heures. Certains recommandent également de faire rebondir les pieds au sol et de travailler avec la jambe entière, non seulement les muscles des cuisses. De fait, un savoir-faire spécifique à cette pratique s'est développé au fil des générations.

Les seuls outils nécessaires pour la podorythmie sont une chaise, des chaussures et un plancher. Certains «tapeux de pieds» expérimentent des accessoires de diverses composition matérielle pour améliorer la sonorité, augmenter l'efficacité des mouvements et accroître le confort. Par exemple, certains utilisent une planche qu'ils posent par-dessus le plancher. La taille de la planche varie légèrement, de même que l'essence de bois utilisée (souvent du contreplaqué). Afin de la maintenir en place, il est possible pour son utilisateur d'appuyer les pattes avant de la chaise sur le bord de la planche, donnant du même coup une inclinaison à la chaise et aidant à taper des pieds. D'autres utilisateurs percent des trous dans la planche et y placent les pattes avant de la chaise. Les chaussures utilisées et surtout leur semelle influencent également grandement le son produit par les tapements de pieds. Idéalement, les chaussures devraient générer trois fréquences de son : une haute fréquence produite par la pointe du pied, une moyenne fréquence produite par le pied gauche et une basse fréquence produite par le talon ou le plein pied droit. Les semelles en cuir sont souvent privilégiées. Certaines personnes ajoutent des fers à leurs chaussures pour augmenter le volume sonore produit.

Les nouvelles technologies, particulièrement les technologies numériques, sont la base d'expérimentations et d'innovations. À titre d'exemple, une planche de podorythmie électronique (avec contrôleur MIDI) comprenant 1440 carrés d'aluminium a ainsi été mise au point en 1991 par Alain Lamontagne, musicien, et Eric Johnstone, technicien en musique électronique à l'Université McGill. Chaque carré de cette planche peut produire jusqu'à quatre sons. Une autre initiative, développée par Le violon de Jos en 2018, a modifié la planche en y plaçant des capteurs sous le bois afin de détecter les tapements de pieds. Les signaux ainsi produits sont modulés selon la vélocité des tapements. Ils peuvent ensuite être utilisés pour une variété d'usages notamment la création d'une ambiance multimédias avec des projections ou encore le contrôle d'un bonhomme gigueur mécanisé.

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Apprentissage et transmission

Que ce soit entre participants lors d'une veillée ou par l'écoute d'enregistrements sonores ou audiovisuels, l'apprentissage et la transmission de la podorythmie se font généralement de manière informelle par observation et par imitation. L'utilisation des jambes et des pieds pour produire des séries rythmées de sons demande une coordination qui se développe par la pratique. À cette coordination s'ajoute l'apprentissage afin de bien entendre et d'accompagner le rythme de la musique ou de la chanson.

Chaque personne peut personnaliser sa manière de taper du pied afin de développer une manière de faire qui lui convient. Certaines astuces sont partagées par les personnes ayant une plus grande expérience, notamment pour éviter de se fatiguer trop rapidement.

Les personnes qui apprennent le tapement de pieds proviennent de tous les milieux et de tous les âges. Même si elles sont généralement amatrices de musique traditionnelle, elles ne jouent pas nécessairement d'un instrument.

La transmission de la podorythmie passe aussi, depuis peu, par des cours et des ateliers. Plusieurs démonstrations ou séries de cours sont organisées au fil des ans lors de différents événements, entre autres par le festival Mémoire et racines à Saint-Charles-Borromée, le Centre de valorisation du patrimoine vivant à Québec ainsi que la Société pour la promotion de la danse traditionnelle québécoise à Montréal. Les camps musicaux présentent aussi des contextes d'apprentissage tels que le camp de Souches à Oreilles dans la région de Kamouraska, le stage hivernal Danse-Neige ou le camp Violon Trad Québec dans la région de Lanaudière. Quelques tutoriels vidéo expliquant les pas de base de la podorythmie sont également accessibles sur Internet.

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Références

Notices bibliographiques :

  • BOUCHARD, Georges. Vieilles choses, vieilles gens. Montréal, Librairie Granger Frères limitée, 1943. 184 p.
  • FORGET, Célia. La podorythmie. Étude pour le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2010. 24 p.
  • LAMONTAGNE, Alain. Le musicien et ses histoires. Montréal, Fides, 2007. 189 p.
  • Le violon de Jos. Planche de podorythmie numérique [En Ligne]. https://leviolondejos.wiki/index.php/Planche_de_podorythmie_numérique_Le_violon_de_Jos
  • PRINCE, J.E. « Les violons d’autrefois : essai de folklore musical ». Bulletin du parler français au Canada. No 6 (1908), p. 330-337.

Multimédias disponibles en ligne :

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