Ministère de la Culture et des Communications
Répertoire du patrimoine culturel du Québec

Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Inscrit au Registre du patrimoine culturel

Gigue

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • « clogging » (Angleterre; Appalaches, États-Unis)
  • « step dancing » (Irlande, Canada anglais)
  • « tap dance / claquette » (États-Unis)
  • « treepling » (Écosse)

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Connaissance
  • Expression
  • Pratique

Classification :

  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Danse > Danse à deux
  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Danse > Danse solo

Éléments associés

Patrimoine mobilier associé (1)

Patrimoine immatériel associé (1)

Inventaires associés (1)

Images

Description

La gigue est une danse de pas, souvent pratiquée en solo devant un groupe de personnes. Le corps du danseur demeure droit alors que les jambes et les pieds s'activent au rythme vif de la musique.Le soulier frappe ou frotte le plancher rapidement, en alternant talons, semelles et pointes de pieds. Le gigueur enchaîne des pas simples ou complexes. Il démontre son agilité par la maîtrise et la souplesse du mouvement, le sens de l'équilibre de même que l'endurance physique. Il s'agit d'une danse de performance qui met en valeur la virtuosité et la qualité rythmique d'un danseur devant un public.

La gigue se différencie de la podorythmie. La première est un type de danse qui produit généralement un accompagnement rythmique, tandis que la seconde s'exécute assis, par des musiciens ou des chanteurs, qui tapent des pieds, en suivant le rythme de la mélodie.

La pratique de la gigue s'insère traditionnellement dans le cadre d'une veillée de danse. Pratiquée à deux (gigue à deux), la gigue peut faire l'objet de concours ou de défi. Elle peut être exécutée tout le long d'une danse (ex.: Brandy) ou servir de pas de transition dans une danse de figures. Un chanteur peut aussi animer le refrain d'une turlutte avec quelques pas de gigue ou un calleur, ses explications.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Désignation Élément du patrimoine immatériel Ministre de la Culture et des Communications 2023-10-26

Statuts antérieurs

  • Dossier initié par le ministre, 2023-04-20
 
Inventorié --
 

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Valeur patrimoniale

La gigue est une forme d'expression artistique qui apparaît au Québec après l'arrivée des immigrants en provenance des îles britanniques au XIXe siècle. Ces derniers pratiquent plusieurs danses percussives comme le « stepdancing » et le « clogging », lesquelles sont à l'origine de la gigue québécoise. Marquée d'emprunts et de métissages culturels, la gigue se transmet de génération en génération depuis ses premières manifestations sur le sol québécois. Elle est recréée en permanence par ceux et celles qui la pratiquent dans la sphère privée, au cours d'une veillée de danse publique ou encore sur scène. L'apprentissage de la gigue se fait souvent dans un contexte de loisir culturel et, plus rarement, au sein de la famille. Des gigueuses et des gigueurs d'expérience offrent des cours et transmettent leurs savoir-faire à des apprentis qui les observent, les imitent et renouvellent parfois le genre. Depuis les années 1950, et encore aujourd'hui, des travaux ethnologiques attestent de l'ancienneté, la diversité et la vitalité de la gigue dans différentes régions du Québec. Cette danse traditionnelle s'exprime souvent dans la bonhomie et la gaieté, avec fougue et légèreté. Vibrante et énergique, elle suscite un sentiment de continuité, d'appartenance, d'identité et de fierté. Sa résonance dans la société québécoise et son rayonnement à l'étranger contribuent à l'intérêt public à l'égard de la gigue comme élément du patrimoine immatériel et renforcent l'importance de la valoriser et de la sauvegarder.

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Historique

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les maîtres de danse d'Irlande, d'Écosse et d'Angleterre ont contribué à composer et transmettre les danses de pas, en anglais «step dances». Accompagnés d'un musicien, les maîtres de danse itinérants arpentaient les campagnes et enseignaient des pas de gigue aux familles en échange de quelques pièces de monnaie.

Les francophones du Québec seraient entrés en contact avec la gigue au deuxième quart du XIXe siècle, lors des grandes vagues d'immigration en provenance des Îles Britanniques. Dès cette époque, il est probable que plusieurs pas aient été partagés par ces trois nations (Écosse, Irlande, Angleterre) ou seulement deux d'entre elles.

Dans les chantiers forestiers du XIXe siècle, la gigue est populaire parmi les travailleurs. Les violoneux, un accordéoniste ou un harmoniciste accompagnent volontiers les gigueurs qui manifestent leurs talents.

Des témoignages rapportent que des quêteux pouvaient giguer le soir pour amuser leur hôte. Certains quêteux exécutaient une gigue devant des spectateurs improvisés, pour ensuite récolter quelques dons en passant le chapeau.

Traditionnellement, un bon gigueur demeure un personnage important dans une célébration. L'ethnologue Jean Trudel décrit en 1975 les conditions d'une gigue réussie : « il est essentiel que tout le mouvement soit exécuté par le bas du corps (des hanches aux pieds). Les chevilles doivent être très souples, l'observateur doit avoir l'impression que les pieds sont comme de la guénille; aucune raideur ne doit être apparente.» Léon Pamphile LeMay (1837-1918), écrivain et bibliothécaire de l'Assemblée législative du Québec, estime, pour sa part, que la gigue est «la plus difficile, la plus belle, et la plus honnête des danses».

Les ethnologues Simonne Voyer et Madeleine Doyon-Ferland ont contribué à étudier l'évolution de la danse traditionnelle au Québec en menant les premières collectes dans les années 1950. Dans les années 1970, d'autres praticiens se sont engagés dans une démarche ethnographique tels que Normand Legault, danseur, chorégraphe et maître à danser. Ce dernier a collecté in situ des danses lors de veillées familiales de diverses régions du Québec comme la Beauce, Charlevoix, la Gaspésie et Lotbinière. L'ethnologue et maître à danser Pierre Chartrand a poursuivi des études sur la gigue québécoise dans les années 1990. Son étude du «pas de reel», le pas de base le plus pratiqué au Québec, concède une origine anglaise à ce pas largement répandu au Canada.

Au Québec, des familles de danseurs réputés ont perpétué la tradition de la gigue. Les frères Grenier, natifs de la Beauce, ont multiplié les spectacles et les performances télédiffusées des années 1960 aux années 1980, notamment à l'émission «À la canadienne».

Dans la foulée du revivalisme qu'a connu le folklore dans les années 1960 et 1970, des maîtres à danser vont à la rencontre de porteurs de traditions de diverses régions du Québec, des danseurs exceptionnels. Les écoles de danse traditionnelle se développent et les ensembles folkloriques se multiplient. La tenue de grandes fêtes rassembleuses marquent l'imaginaire, comme par exemple l'édition de 1975 de La Veillée des veillées à Montréal, captée sur pellicule par Bernard Gosselin de l'Office national du film.

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Contexte

Le gigueur répète les mêmes pas, tantôt d'un pied, puis de l'autre. Il ponctue souvent la phrase mélodique avec des pas plus énergiques et sonores. La gigue est souvent pratiquée en solo. Elle peut être interprétée à deux, notamment dans le contexte d'un concours où l'audience (ou un jury) détermine la meilleure performance. Les gigues de groupe font l'objet de spectacles, notamment par des troupes de danses de loisir ou professionnelles. Les pas de gigue accompagnent aussi les danses collectives de figures, notamment durant le Brandy ou la contredanse, comme par exemple au Saguenay, ou encore avant le swing ou en faisant la grande chaîne, dans la région d'Inverness.

Le type de chaussures employées pour giguer peut varier. Pour accroître l'intensité sonore des pas lors des performances, les danseurs ont adopté les souliers ferrés, à la pointe et au talon, dès leur commercialisation dans la deuxième moitié du XXe siècle. Les semelles ferrées permettent d'entendre parfaitement tous les sons produits par les frottements ou les battements de pied. Les semelles de cuir rigide, quant à elles, rendent bien toutes les nuances de sons. D'autres danseurs ont exploré des lamelles de différentes essences de bois sous les semelles ou d'autres types de chaussures tels que des bottes cloutées. Certains danseurs portent des chaussures avec une semelle de résine de synthèse imitées du «hard shoe» de la gigue irlandaise. Depuis quelques années, les gigueurs retournent à la semelle de cuir. Des maîtres à danser rapportent que des gigueurs ont déjà dansé en enlevant leurs chaussures lors de veillées.

Le langage de la gigue repose sur le rythme des sons produits par le jeu de pieds, ainsi que sur le dessin gestuel propre à chaque pas. Les mouvements paraissent légers pour le spectateur. La gigue québécoise peut s'exécuter sur des musiques qui battent les mesures 2/4, 3/2, 6/8 ou 3/4 (valse-clog). Certaines mélodies comme la Grande gigue simple (3/2), le Brandy (3/2), le Money Musk (2/4) ou Big John McNeil (2/4) furent longtemps les préférées pour ce type de danse.

Une certaine notion de jeu peut s'installer entre le musicien et le gigueur. Lors d'un tel duel amical, le gigueur va au bout de ses forces et varie les figures au fil des variations de la musique. Chacun tient le rythme jusqu'à l'essoufflement. Alexis le Trotteur, figure légendaire de Charlevoix, aurait gigué de 10 heures du soir à 5 heures du matin…

Les enquêtes de l'ethnologue Simonne Voyer rapportent des danses-jeux, par exemple «la danse du verre de vin». Le gigueur doit alors s'exécuter sans renverser un verre de vin placé sur sa tête. Il existe des variantes de ce défi avec des verres d'eau dans les mains, alors que les bras du gigueur sont placés en croix.

Les concours de gigue qui avaient lieu dans différentes régions du Québec dans la seconde moitié du XXe siècle ont participé à transposer la gigue de l'univers traditionnel au monde du spectacle. Les concours requièrent d'apprendre une chorégraphie et restreignent donc le recours à l'improvisation comme le faisait la gigue traditionnelle. Les juges des concours étaient sensibles à l'exécution des pas, la qualité du mouvement, la précision rythmique des danseurs.

Depuis les années 1960, des troupes pratiquent la gigue de groupe, c'est-à-dire qu'ils exécutent des danses collectives employant des pas gigués. Les festivals culturels et les activités publiques de veillées de danse sont l'occasion d'offrir des spectacles. De nos jours, la gigue connaît de nouveaux contextes sur la scène grâce aux artistes de la relève. La gigue se métisse avec d'autres styles de danse. Par exemple, depuis 2005, Bigico, un diffuseur spécialisé basé à Montréal, contribue à explorer de nouvelles avenues pour la gigue contemporaine, par exemple en fusionnant danse contemporaine et gigue.

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Apprentissage et transmission

Bon nombre de gigueurs autodidactes se sont formés par observation et imitation de membres de leur famille ou d'amis. À l'ouïe, l'aspirant gigueur reconnaît la sonorité des différents pas et s'accorde à la musique; à l'oeil, la personne retient le dessin du pas. La mémoire fait le reste du travail pour assimiler les enchaînements. Les écrits d'ethnologues rapportent des témoignages de gigueurs qui pratiquaient en secret leurs jeux de pas, dans la chambre ou dans la grange, avant de révéler leur savoir-faire à l'occasion d'une veillée dansante.

De nos jours, rares sont les gigueurs issus d'une tradition familiale. Les danseurs s'initient à la gigue par loisir et développent leur savoir-faire le plus souvent au sein d'une troupe de danse. En 2016, le Conseil québécois du patrimoine vivant répertorie vingt-neuf troupes de danse actives au sein du secteur de la danse traditionnelle québécoise.

Dans un contexte pédagogique, l'enseignant décortique les pas de gigue un à un. L'enchaînement est d'abord très lent, puis il s'accélère pour s'ajuster à la musique.

La gigue s'enseigne aussi dans quelques écoles de danse ou lors de stages de perfectionnement dispensés par des organismes spécialisés, par exemple l'École des arts de la veillée à Montréal. La danse traditionnelle québécoise, incluant la gigue ou le call, ne figure pas nommément dans la description des cours des institutions d'enseignement publiques.

Les veillées, comme celles organisées par le Centre de valorisation du patrimoine, par la Société pour la promotion de la danse traditionnelle québécoise ou par certains festivals, rendent accessibles des activités de danse publiques. Ces moments permettent aux néophytes de s'initier à la danse traditionnelle, par le biais des danses de figures. Elles peuvent présenter des occasions d'expérimenter la gigue. Ainsi, l'organisation de veillées de danse et les activités des troupes de danse, y compris leurs écoles, contribuent à la vitalité et à la transmission de la gigue au Québec.

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Références

Notices bibliographiques :

  • CHARTRAND, Pierre. Gigue et revivalisme au Québec. L’exemple du Brandy. Université La Sorbonne, 1990. 170 p.
  • CHARTRAND, Pierre et Normand LEGAULT. La danse traditionnelle dans le Bas-Saint-François (MRC Drummond et Nicolet-Yamaska). Traditions régionales. Drummondville, Mnémo, 1996. 150 p.
  • CHARTRAND, Pierre. La danse traditionnelle québécoise; définitions et concepts, portrait de la situation. Rapport commandé par le Conseil des arts et des lettres du Québec, 2014. 48 p.
  • CHARTRAND, Pierre. « La gigue québécoise dans la marge de celle des îles Britanniques ». Centre Mnémo. Bulletin Mnémo [En ligne]. mnemo.qc.ca/bulletin-mnemo/article/la-gigue-quebecoise-dans-la-marge
  • CHARTRAND, Pierre. « Le quiproquo de la gigue au Québec ». Centre Mnémo. Bulletin Mnémo [En ligne]. mnemo.qc.ca/bulletin-mnemo/article/le-quiproquo-de-la-gigue-au-quebec/
  • Conseil québécois du patrimoine vivant. La danse traditionnelle québécoise. Vol. 2. Les traditions culturelles du Québec en chiffres. Québec, 2016. 46 p.
  • JUTRAS, Monique et Nathalie LAMPRON. Recherches et réflexions sur la gigue québécoise. Archives de folklore et d'ethnologie de l'Université Laval, 1984. 52 p.
  • LEMAY, Léon Pamphile. Fêtes et corvées. Lévis, Pierre-Georges Roy Éditeur, 1898. 84 p.
  • MAYRAND, Josée. Portrait de l’enseignement de la danse traditionnelle au Québec. Conseil de la culture de Lanaudière, 2005. s.p.
  • SÉGUIN, Robert-Lionel. La danse traditionnelle au Québec. Québec, Presses de l'Université du Québec, 1986. 176 p.
  • TREMBLAY, Ginette et Simonne VOYER. La danse traditionnelle québécoise et sa musique d'accompagnement. Explorer la culture. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001. 159 p.
  • TRUDEL, Jean. « La danse traditionnelle au Québec ». Forces. No 32 (1975), p. 33-43.
  • VOYER, Simonne. La gigue : danse de pas. Sainte-Foy, Les Éditions GID, 2003. 133 p.

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