Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Technique traditionnelle de jeu à l’harmonica

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Harmonica trad

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression
  • Pratique
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Musique > Musique instrumentale

Éléments associés

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Inventaires associés (1)

Description

La technique de jeu traditionnelle à l'harmonica, au Québec, se distingue des autres techniques relatives à la pratique de cet instrument. En effet, la maîtrise de ce qui est parfois appelé « musique à bouche » ou « ruine-babines » s'est développée dans le but d'interpréter fidèlement les airs du répertoire folklorique québécois. Ces airs sont destinés d'abord et avant tout à faire danser, lors des veillées de danse. La technique, fort probablement née vers la fin du XIXe siècle, n'a cessé d'évoluer au fil du temps. Elle s'est généralement transmise oralement d'un musicien à l'autre. De nombreux harmonicistes ont appris à jouer de façon autodidacte, en écoutant ou en observant leurs semblables.

L'harmonica fait partie, au même titre que le violon et l'accordéon, des principaux instruments mélodiques de la musique traditionnelle québécoise, même si sa présence dans le paysage des arts traditionnels est plus faible. Bien que la plupart des harmonicistes aient un style qui leur est propre, comme c'est le cas chez d'autres instrumentistes (violoneux, accordéonistes, etc.), il existe dans leur pratique certains éléments communs permettant de définir un style de jeu bien québécois. La technique est complexe et allie le « swing » produit par le souffle, une panoplie d'ornementations et, parfois, des accords produits avec la langue.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Les origines de l'harmonica sont lointaines : des instruments constitués d'anches libres actionnées par le souffle existent en Asie, entre autres, depuis l'Antiquité. Or, l'harmonica tel qu'il est connu aujourd'hui aurait été inspiré d'une invention datant des années 1820 attribuée à l'Allemand Christian Friedrich Buschmann (1805-1864). La production d'harmonicas a connu, durant la deuxième moitié du XIXe siècle, un essor considérable en Europe compte tenu du succès retentissant de l'instrument.

Les premières traces confirmant la présence de l'harmonica au Québec sont difficiles à situer dans le temps. Si des auteurs comme David et Gérard Herszhaft mentionnent que les premiers harmonicas (de marque Hohner) semblent être apparus au Canada vers 1857, d'autres, comme l'harmoniciste, collectionneur et auteur Gabriel Labbé, évoquent plutôt l'année 1886 pour traiter du même phénomène. Vraisemblablement, les premiers harmonicas ont été disponibles et distribués au Québec durant la deuxième moitié du XIXe siècle. Puis l'instrument a rapidement gagné en popularité, notamment auprès de ceux qui désiraient apprendre à jouer de la musique traditionnelle. À titre d'exemple, l'ethnomusicologue Lisa Ornstein écrivait en 1985, dans un mémoire de maîtrise sur le célèbre violoneux saguenéen Louis « Pitou » Boudreault (1905-1988), que plusieurs membres de la famille de ce dernier, tous nés entre 1881 et 1902, jouaient de l'harmonica. D'une part, cet instrument permet d'interpréter fidèlement la grande majorité des mélodies faisant partie du répertoire des violoneux québécois. D'autre part, il est peu dispendieux, plutôt résistant et facile à transporter.

Les premiers enregistrements commerciaux sur lesquels il est possible d'entendre des airs folkloriques joués à l'harmonica datent des années 1920. Il s'agit de disques 78 tours, plusieurs de ces enregistrements ont été numérisés par Bibliothèque et Archives Canada. Les « pionniers de la musique à bouche » sont nombreux. Certains, dont la façon de jouer est remarquable, ont connu un succès immédiat et continuent aujourd'hui d'exercer une influence considérable sur bon nombre d'harmonicistes. C'est entre autres le cas de Louis Blanchette, né à Rivière-du-Loup, de Henri Lacroix, de Montréal, et de Mary Travers ou « La Bolduc », originaire de Newport en Gaspésie.

Entre les années 1940 et 1960, de nombreux enregistrements sonores mettant en vedette des harmonicistes, tels que Aldor Morin (« l'Oncle Adhémar »), Oscar Morin ou encore Gaston Tessier, sont produits. Ces musiciens s'illustrent parfois seuls, parfois au sein d'un ensemble folklorique, une formule qui devient de plus en plus répandue sur disque, à la radio et sur scène. Les harmonicistes amateurs, quant à eux, ont la chance de faire valoir leur talent dans le cadre de concours organisés aux quatre coins du Québec. Certains revendiqueront le titre incontestable de champion régional ou provincial de l'harmonica.

Les années 1970 marquent un tournant majeur pour la musique traditionnelle. Dans la foulée du « folk revival » et du mouvement nationaliste, cette musique connaît un important regain au Québec. Des musiciens âgés sont redécouverts et sont invités à participer à des festivals et à des émissions télédiffusées ou radiodiffusées. Quelques-uns d'entre eux feront paraître des albums. C'est ainsi que des harmonicistes comme Wilbrod Boivin se feront connaître. Par ailleurs, plusieurs groupes composés de jeunes musiciens déterminés à reprendre le flambeau de la tradition naîtront à cette époque et dans la décennie qui suivra. L'harmonica y occupera une place de choix parmi d'autres instruments comme le violon, l'accordéon et la guitare. Depuis les années 1980, nombreux sont les harmonicistes ayant connu leur heure de gloire, à savoir : Gabriel Labbé, Yves Lambert et Mario Forest (La Bottine souriante), Robert Legault, Jean-François Lemieux, Louis-Simon Lemieux (Les Chauffeurs à pieds), Pierre-Luc Dupuis (De Temps Antan), etc.

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Contexte

L'harmoniciste, communément appelé « joueur ou joueuse de musique à bouche », est une personne qui participe à la mise en valeur et à la transmission du savoir-faire que constitue l'interprétation de la musique traditionnelle à l'harmonica. Le contexte dans lequel cet individu met en pratique son savoir-faire varie d'un musicien à l'autre.

À l'origine, l'interprétation de la musique traditionnelle était principalement réservée à la veillée de danse, un évènement parfois familial, parfois communautaire, qui survenait habituellement lors de différentes festivités. Autrement dit, cela faisait partie intégrante de la culture du divertissement. Dans ces occasions, l'harmoniciste avait pour rôle d'accompagner, seul ou en compagnie d'autres musiciens, différentes danses comme des parties de quadrille, des gigues, des contredanses ou encore des cotillons, à l'aide des mélodies appropriées. Cette pratique est toujours observable aujourd'hui. Partout au Québec, des veillées de danse traditionnelle continuent d'être organisées par différents organismes (la Société pour la promotion de la danse traditionnelle québécoise, le Centre de valorisation du patrimoine vivant, le Réseau Québec folklore, etc.) et la tenue de veillées en milieu communautaire ou familial persiste.

De nos jours, certains harmonicistes traditionnels québécois se produisent également sur scène, dans le cadre de spectacles, de festivals ou de galas folkloriques, ainsi que sur disque, le tout en solo ou en groupe. Pour d'autres, jouer de l'harmonica demeure un loisir pratiqué à la maison ou entre amis. Dans tous les cas, l'harmoniciste doit avoir une bonne connaissance de son instrument et de ses différentes possibilités techniques. De plus, l'instrument requiert une excellente maîtrise de la respiration. Il est aussi nécessaire pour l'harmoniciste de connaître le répertoire traditionnel et d'être en mesure de le jouer et de le transmettre.

L'importance accordée à la pratique de l'harmonica varie d'un musicien à l'autre. Évidemment, si des musiciens continuent de jouer de l'harmonica, c'est parce qu'ils aiment la musique traditionnelle et que cela leur procure du plaisir. Toutefois, leur pratique peut également traduire leur volonté de léguer aux nouvelles générations leur répertoire et leur style de jeu. Il s'agit donc d'un moyen d'assurer la pérennité de leur savoir-faire.

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Apprentissage et transmission

L'apprentissage de l'harmonica traditionnel québécois peut se faire de différentes façons. La première méthode, qui existe depuis l'intégration de l'harmonica aux instruments traditionnels durant le XIXe siècle, consiste en l'apprentissage par le biais de la transmission orale. Ici, l'initié acquiert sa technique et son répertoire auprès d'un harmoniciste accompli, un « porteur de tradition », qui joue alors le rôle de mentor. La transmission du savoir-faire se décline en plusieurs étapes : l'initié apprend en écoutant, en observant, puis en imitant son maître, tout en suivant les explications et conseils de ce dernier.

Plusieurs harmonicistes ont appris à jouer de façon autodidacte, sans nécessairement bénéficier des enseignements d'un mentor. Avec l'avènement de la diffusion de la musique traditionnelle par la radio et les disques, durant la première moitié des années 1900, ce mode d'apprentissage est devenu assez courant. Dans ce cas aussi, l'harmoniciste s'initie par l'écoute et l'imitation. Il arrive également que des harmonicistes se forment en passant par les deux méthodes d'apprentissages précédemment mentionnées. Certains, par exemple, développent leur technique de jeu de façon autodidacte, mais sont les détenteurs d'un répertoire d'airs musicaux qui leur a été transmis par un proche (harmoniciste, violoneux, accordéoniste, etc.).

Le processus d'apprentissage peut durer une vie entière, car l'harmoniste ne cesse de perfectionner son art au gré des rencontres et de la découverte de nouvelles sources d'inspirations et de répertoire. Au fil du temps, il se forge un style personnel et unique. Le développement de son style est long et parfois ardu, dépendamment des difficultés de sa technique de jeu et de son degré de virtuosité. Souvent, les joueurs d'harmonica les plus expérimentés ne se contentent pas que d'interpréter des mélodies les en jouant « trou à trou ». Ils travaillent continuellement à agrémenter leurs morceaux par l'ajout de nombreuses ornementations et d'accords produits par un mouvement de va-et-vient de la langue qui bloque et débloque le passage de l'air dans les trous de l'instrument.

Le modèle d'harmonica utilisé par l'harmoniciste relève de son choix. La plupart des harmonicistes jouent ou bien avec un harmonica diatonique à anches doubles (trémolo), un modèle fréquemment utilisé autrefois, ou bien avec un harmonica diatonique 10 trous, plus commun de nos jours, voire avec les deux. L'harmonica chromatique est également utilisé par quelques harmonicistes contemporains, mais son utilisation reste peu courante. Généralement, l'harmoniciste possède plusieurs instruments dans différentes tonalités, dépendamment de son répertoire. Les tonalités les plus communes dans le répertoire traditionnel québécois sont sol, ré, la, do et fa majeur.

L'enseignement de l'harmonica demeure assez rare au sein des écoles et des camps spécialisés en musique traditionnelle québécoise. Il y a également très peu de formations et de stages en la matière qui sont donnés. Cela témoigne en partie de la rareté des harmonicistes traditionnels au Québec, tant du côté des harmonicistes confirmés que ceux de la relève, en comparaison avec d'autres types d'instrumentistes. Au milieu des années 1980, l'organisme Les danseries de Québec (aujourd'hui le Centre de valorisation du patrimoine vivant), offrait des cours d'harmonica, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Depuis la fin des années 1990, l'École des arts de veillée, située à Montréal, permet à quiconque souhaitant apprendre l'harmonica traditionnel de suivre des cours. En 2019, le Conseil québécois du patrimoine vivant organisait une formation professionnelle portant sur l'harmonica en musique traditionnelle.

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Références

Notices bibliographiques :

  • DUVAL, Jean. Porteurs de pays à l’air libre : jeu et enjeux des pièces asymétriques dans la musique traditionnelle du Québec. Université de Montréal, 2012. 470 p.
  • HART, Laurie et Greg SANDELL. Danse ce soir! Fiddle and Accordion Music of Québec. Pacific, Mel Bay Publications, 2001. 192 p.
  • HERZAFT, David et Gérard. Le livre de l’harmonica. Paris, Fayard, 2018. 359 p.
  • KOWALCZYK, Bruno et Raymond LAMBERT. L’harmonica dans la musique traditionnelle québécoise : histoire, techniques, partitions, musiciens. Voutré, Kowalczyk, 2010. 312 p.
  • LABBÉ, Gabriel. Les Pionniers du disque folklorique québécois, 1920-1950. Montréal, Les Éditions de l’Aurore, 1977. 216 p.
  • ORNSTEIN, Lisa. A life of Music: History and Repertoire of Louis Boudreault, Traditional Fiddler from Chicoutimi, Québec. Université Laval, 1985. 301 p.

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