Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Pilotage sur le fleuve Saint-Laurent

Type :

Patrimoine immatériel

Thématique :

  • Patrimoine maritime et fluvial

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques techniques > Liées au transport (métiers inclus) > Maritime et fluvial > Navigation

Éléments associés

Patrimoine immobilier associé (1)

Plaques commémoratives associées (1)

Inventaires associés (1)

Description

Le pilotage sur le fleuve Saint-Laurent existe depuis le XVIIe siècle, alors qu'on a commencé à confier à des marins familiers avec les conditions locales de navigation, la conduite des navires qui remontaient ou descendaient le fleuve. Car naviguer sur le Saint-Laurent n'a jamais été facile. Depuis ce temps, la plupart des navires qui transitent sur le fleuve entre le golfe du Saint-Laurent et Montréal sont guidés par des pilotes possédant une vaste expérience des nombreux obstacles qui parsèment ce cours d'eau majestueux. Ces experts de la navigation montent à bord des navires pour en assurer la direction en mettant à profit les savoirs et savoir-faire acquis au fil des générations. Grâce à leurs connaissances très précises des côtes, des îles, de l'hydrographie, des reliefs, des courants et des chenaux à emprunter, les pilotes du Saint-Laurent perpétuent l'une des plus anciennes traditions maritimes qui soit parvenue jusqu'à nous.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié Élément du patrimoine immatériel
 

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Historique

Le recours à des pilotes capables de guider les navires sur le fleuve Saint-Laurent remonte au XVIIe siècle. Le pilotage fait en effet partie des premières mesures mises en place par les autorités de la Nouvelle-France pour assurer le développement de la colonie et réduire les naufrages. C'est surtout en côtoyant le fleuve de près que les premiers pilotes acquièrent des connaissances concernant les nombreux dangers que recèle le Saint-Laurent, seule voie d'accès à l'intérieur du continent. À cette époque, le pilotage ne s'effectue que dans le secteur compris entre le golfe du Saint-Laurent et Québec et il s'exerce seulement quelques mois par année, car on ne navigue pas l'hiver. Il ne se pratique aussi que le jour et par beau temps, les pilotes utilisant surtout des éléments du paysage (îles, montagnes, caps, baies) pour déterminer leur position sur le fleuve et se guider.

Au XVIIIe siècle, diverses mesures sont prises afin d'assurer la sécurité de la navigation et constituer un véritable service de pilotage. Des expéditions sont organisées pour dresser des cartes marines et tracer des routes permettant aux navires de circuler sur le fleuve. Le fleuve est balisé à certains endroits. Le trafic fluvial s'accroît mais la navigation en amont de Québec demeure difficile. On met sur pied une station de pilotage à l'île du Bic et le pilotage devient plus strictement règlementé : désormais, il faut détenir un brevet de pilote pour diriger un navire sur le fleuve. La colonisation s'intensifiant, les pilotes peuvent compter sur la présence de nouveaux repères visuels (églises, moulins, granges, maisons) pour se guider, mais les navires doivent encore jeter l'ancre dès qu'il fait nuit ou que la visibilité est réduite. La saison de pilotage ne dure encore que quelques mois par année, la navigation d'hiver étant impossible.

Au XIXe siècle, les grands voiliers cèdent peu à peu la place aux navires à vapeur. L'ajout de phares et de bouées aux endroits stratégiques et le dragage du chenal entre Québec et Montréal permettent d'améliorer les conditions de navigation sur le fleuve. Les navires peuvent désormais se rendre jusqu'à Montréal et circuler la nuit. Le trafic fluvial devient si important qu'on divise le fleuve en deux circonscriptions de pilotage, l'une s'étendant du golfe du Saint-Laurent jusqu'à Québec, l'autre couvrant le secteur entre Québec et Montréal. Les pilotes ne sont autorisés à travailler que dans une seule de ces circonscriptions. Le pilotage demeure un travail saisonnier.

Au XXe siècle, la station d'embarquement des pilotes est déplacée du Bic à Pointe-au-Père avant d'être transférée aux Escoumins. L'ouverture de la Voie maritime et l'entrée en scène de brise-glaces entraînent une augmentation de l'importance du pilotage qui s'effectue même en hiver à partir de 1959. À cause de la longueur du trajet, la circonscription de pilotage entre Québec et Montréal est divisée en deux sections : Québec/Trois-Rivières et Trois-Rivières/Montréal, tandis qu'un groupe distinct de pilotes est rattaché au port de Montréal. Des Escoumins à Montréal, les pilotes, qui sont formés pour naviguer dans une seule section, se relaient pour assurer un service efficace aux navires qui circulent sur le fleuve. La présence de pilotes aptes à affronter les obstacles et caprices du fleuve, peu importe les saisons, s'avère d'autant plus essentielle que les navires sont de plus en plus imposants et certains transportent d'importantes quantités de matières dangereuses.

Au cours des dernières années, de nouveaux instruments de navigation ont fait leur apparition. Ces appareils (carte électronique, ordinateur personnel de pilotage) permettent aux pilotes d'accomplir des exploits qu'il aurait été impossible de réaliser autrefois, mais leurs connaissances du fleuve et de ses rives demeurent leurs principaux atouts pour affronter les défis de la navigation sur le Saint-Laurent.

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Contexte

La circonscription de pilotage desservie par les pilotes du Saint-Laurent s'étend des Escoumins jusqu'à l'écluse de Saint-Lambert, porte d'entrée pour la Voie maritime du Saint-Laurent. Cette circonscription est divisée en trois secteurs : Les Escoumins-Québec (120 milles nautiques), Québec-Trois-Rivières (68 milles nautiques) et Trois-Rivières-Montréal (70 milles nautiques). Les pilotes, qui sont tous des marins expérimentés, sont affectés à un seul de ces secteurs. Pour accomplir leur travail, ils partent des postes de pilotage situés aux Escoumins, à Québec, à Trois-Rivières ou à Saint-Lambert. Quelques pilotes sont aussi rattachés au secteur du port de Montréal.

Experts du secteur dans lequel ils naviguent, les pilotes sont appelés à travailler à toute heure du jour ou de la nuit, beau temps, mauvais temps, sur des navires de tous types (porte-conteneurs, vraquiers, pétroliers, navires de croisière, navires de guerre, grands voiliers) transportant parfois des matières dangereuses. Ils côtoient des équipages provenant d'un peu partout à travers le monde. La plupart du temps, ils travaillent seuls, mais ils sont parfois jumelés à un autre pilote pour des raisons de sécurité.

Une mission de pilotage se passe habituellement de la façon suivante. Les pilotes sont avisés quelques heures à l'avance de l'arrivée du navire sur lequel ils devront embarquer. Ils planifient leur trajet en tenant compte des marées, de la météo, des navires qu'ils vont croiser et des difficultés qu'ils pourraient rencontrer, puis ils se rendent au poste de pilotage pour attendre l'arrivée du navire. Dès que celui-ci est en vue, ils montent à bord d'un bateau-pilote qui les transporte jusqu'au navire. Ils ont souvent à grimper dans une échelle de corde pour atteindre la timonerie. Une fois à bord, ils s'informent auprès du capitaine des caractéristiques du navire et de l'état des instruments de navigation, puis ils prennent rapidement en charge la conduite du navire en donnant au timonier les indications concernant les courses à suivre et les vitesses à observer. Tout au long du trajet, ils veillent à ce que leurs directives soient respectées, car naviguer dans un milieu restreint comme le Saint-Laurent exige beaucoup d'attention. En cours de route, ils communiquent avec le service de contrôle du trafic maritime et avec les autres pilotes ou navigateurs pour les aviser de leur position, planifier une rencontre ou préparer un accostage. Ils prennent soin d'éviter plusieurs obstacles qui parsèment le fleuve (hauts-fonds, rochers submergés, îles) et s'assurent de maintenir le cap malgré la présence de forts courants qui rendent certains passages difficiles à franchir. Tout dépendant du secteur où ils naviguent, ils doivent prendre en considération les marées qui font varier le niveau d'eau, s'aventurer dans un chenal étroit et sinueux ou encore procéder à plusieurs changements de course en peu de temps. Ils doivent aussi parfois composer avec des conditions difficiles, car il n'est pas rare que la pluie, le vent, la neige ou le brouillard rendent la visibilité réduite ou même nulle, sans compter les amoncellements de glaces qui peuvent bloquer le passage des navires en hiver. Même s'ils disposent d'instruments électroniques sophistiqués, les pilotes se basent en grande partie sur leur connaissance approfondie du fleuve et de ses rives pour diriger le navire. Car ces instruments peuvent tomber en panne ou transmettre des informations erronées. La carte marine de leur secteur n'a d'ailleurs plus de secret pour eux et ils ont en tête une foule d'informations qui leur permettent de se débrouiller en toutes circonstances. Arrivés au terme de leur mission, les pilotes demandent au navire de ralentir pour qu'ils puissent descendre et prendre place à bord du bateau-pilote venu les accueillir. Le navire poursuit alors sa route vers le large ou sur le fleuve en compagnie d'un autre pilote monté à bord au même moment.

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Apprentissage et transmission

Les pilotes du Saint-Laurent perpétuent une des formes les plus anciennes de transmission des savoirs et savoir-faire : celle du maître à l'apprenti. Apprendre à piloter un navire ne s'apprend pas dans les livres, mais plutôt par observation et imitation. C'est principalement en voyageant sur le fleuve avec des pilotes expérimentés que les apprentis s'initient aux secrets de cette profession. Et tout au long de ce processus, les pilotes veillent à transmettre à leurs apprentis les connaissances acquises depuis les débuts de la navigation sur le Saint-Laurent et mises à jour continuellement. Car même si les navires et les équipements ont beaucoup changé au fil du temps, le fleuve est resté sensiblement le même.

Devenir pilote sur le fleuve Saint-Laurent exige un long cheminement. Il faut détenir un brevet d'officier de navigation et avoir accumulé plusieurs années d'expérience à titre de capitaine, premier officier ou officier de navigation avant de pouvoir postuler pour devenir apprenti. Et ce n'est qu'après avoir réussi différents tests visant à évaluer leur expérience, leur personnalité et leur condition physique que certains candidats sont admis au pilotage, le nombre d'apprentis étant limité.

Les apprentis pilotes doivent suivre un programme de formation dispensé par des pilotes brevetés qui connaissent bien le secteur du fleuve où ils seront appelés à travailler. Cette formation, d'une durée de deux ans, comprend un volet théorique et un volet pratique. Ce sont des pilotes possédant une vaste expérience de la navigation sur le fleuve qui donnent les cours théoriques. Les matières enseignées portent sur l'utilisation des cartes et des aides à la navigation, l'usage du radar, la connaissance des marées et des courants locaux, les règlements de la navigation, les particularités des navires, ainsi que l'étude approfondie des eaux et des ports du secteur concerné.

La formation pratique est aussi assurée par des pilotes brevetés qui transmettent leurs savoirs et savoir-faire aux apprentis en effectuant plusieurs voyages avec eux dans le cadre de leur travail. En accomplissant de nombreuses missions sur le fleuve en compagnie de pilotes expérimentés, les apprentis apprennent à travailler sur des navires de toutes catégories dans des conditions qui peuvent continuellement changer. Ils sont confrontés aux difficultés de la navigation sur le fleuve : présence de hauts-fonds, de récifs et de nombreuses îles, amplitude des marées, force des vents et des courants prédominants, étroitesse de certains chenaux, densité du trafic maritime, sans compter le brouillard et les glaces qui ajoutent une grande part de risques à certaines périodes de l'année. C'est aussi au cours de ces voyages que les apprentis découvrent les nombreux repères visuels utilisés par les pilotes (arbres, maisons, églises, granges, montagnes, routes) pour se situer et se diriger sur le fleuve. Ces repères, dont certains ont été transmis de génération en génération depuis l'époque de la Nouvelle-France, sont importants car même si les pilotes bénéficient aujourd'hui d'instruments électroniques perfectionnés, ils doivent être en mesure d'effectuer leur travail si cette technologie tombe en panne. Ces voyages permettent aussi aux apprentis de se familiariser avec les manœuvres d'accostage et de départ dans les ports situés sur leur parcours.

Ce n'est qu'au terme de ce long cheminement que les apprentis peuvent finalement passer les examens écrits et oraux qui leur permettront d'obtenir leur brevet de pilote. Ils pourront dès lors perpétuer une tradition vieille de plus de quatre siècles en transmettant à leur tour aux nouveaux apprentis les nombreux savoirs et savoir-faire acquis dans le cadre de leur formation et de leur travail sur le fleuve. Mais il leur faudra au moins huit autres années pour obtenir le brevet de classe A leur donnant le droit de piloter la totalité des navires transitant sur le fleuve, quelles qu'en soient les dimensions.

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Références

Notices bibliographiques :

  • AUGER, Cléophas. Le pilotage du Saint-Laurent de Québec à Montréal. Lévis, 1900. 49 p.
  • BÉLANGER, Diane. « Les pilotes du fleuve Saint-Laurent ». s.a. Traditions maritimes au Québec. Québec, Commission des biens culturels du Québec, 1985, p. 461-470.
  • Enregistrement avec BELISLE, Jean, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Trois-Rivières, 16 février 2022.
  • Enregistrement avec BELLEY, Joé, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Baie-Saint-Paul, 15 décembre 2021.
  • Enregistrement avec BERGERON, Éric, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Trois-Rivières, 16 février 2022.
  • Enregistrement avec BLANCHETTE, Benoit, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 4 novembre 2021.
  • Enregistrement avec CARON, Réginald, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 17 novembre 2021.
  • CLOUTIER, Jean. « Métier : pilote ». HALLEY, Patrice. Les sentinelles du Saint-Laurent : sur la route des phares du Québec. Montréal, Éditions de l'Homme, 2002, p. 48-53.
  • Enregistrement avec CLOUTIER, Jean, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 24 novembre 2021.
  • FRANCK, Alain. « La navigation sur le fleuve Saint-Laurent ». Histoire Québec. Vol. 6, no 2 (2000), p. 13-17.
  • Enregistrement avec HARDY, Jacquelin, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 21 octobre 2021.
  • Enregistrement avec LEBLANC, Bruno, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 1 décembre 2021.
  • LECLERC, Jean. Le Saint-Laurent et ses pilotes, 1805-1860. Montréal, Leméac, 1990. 232 p.
  • LECLERC, Jean. Les pilotes du Saint-Laurent de Québec à Montréal au XIXe siècle : la circonscription de pilotage de Montréal. Sainte-Foy, La Liberté, 1996. 355 p.
  • LECLERC, Jean. Les pilotes du Saint-Laurent, 1762-1960. L'organisation du pilotage en aval du havre de Québec. Sainte-Foy, Les Éditions GID, 2004. 855 p.
  • Enregistrement avec LEMAY, François, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Sutton, 23 février 2022.
  • Enregistrement avec MARMEN, Guy, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 25 novembre 2021.
  • Enregistrement avec NOËL, Carol, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 20 octobre 2021.
  • Enregistrement avec PELLETIER, Simon, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 9 février 2022.
  • Enregistrement avec PLOURDE, Yves, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 13 octobre 2021.
  • Enregistrement avec POULIOT, Charles, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 10 novembre 2021.
  • Enregistrement avec POULIOT, François, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 18 novembre 2021.
  • Enregistrement avec POULIOT, Michel, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 8 décembre 2021.
  • Enregistrement avec RHÉAUME, Louis, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 11 novembre 2021.
  • Enregistrement avec ROBITAILLE, Carl, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 9 décembre 2021.
  • ROY, Joseph-Edmond. « Le pilotage sur le Saint-Laurent ». Bulletin des recherches historiques. Vol. 18, no 4 (1913), p. 113-123.
  • Enregistrement avec ST-AUBIN, Ghislaine, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 2 décembre 2021.
  • Enregistrement avec TESSIER, Amélie, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « Savoirs et savoir-faire des pilotes du Saint-Laurent », Québec, 16 décembre 2021.

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