Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Pratique du conte (récits traditionnels de langue française au Québec)

Type :

Patrimoine immatériel

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression
  • Pratique

Classification :

  • Pratiques expressives > Pratiques langagières > Narratives ou lyriques > Conte

Éléments associés

Inventaires associés (1)

Description

Le conte est une pratique culturelle relevant de la tradition orale. C'est un court récit d'aventures imaginaires, de caractère souvent merveilleux ou légendaire. D'une portée universelle, fondamentalement populaire, anonyme quant à ses origines, le conte apparaît à travers différentes versions, généralement localisées. Depuis quelques décennies, la pratique du conte est passée de la « cuisine » à la scène publique.

Les récits traditionnels se trouvent au cœur de la culture québécoise. Ils sont une façon de se raconter, de se perpétuer à travers la mémoire de ceux qui prendront le relais. Les grands récits marquent l'imaginaire populaire et deviennent des référents culturels. La tradition orale du conte, comme celle de la chanson folklorique, rappelle l'importance du divertissement; cette pratique est un art de proximité misant sur l'interaction du conteur avec son public. Les récits traditionnels de langue française découlent d'une pratique narrative langagière, passant tantôt par l'oral, tantôt par l'écrit.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Au Canada, la découverte de la pratique du conte comme objet de culture populaire est attribuée à Marius Barbeau qui voyait les dangers encourus pour les grandes traditions orales, soit le conte populaire et la chanson folklorique, par l'avènement de la modernité qui touche les sociétés en phase d'industrialisation. Barbeau perçoit le conte comme une survivance du passé, étant appelé à disparaître comme bien d'autres pratiques culturelles qui se transmettent par la parole et l'exemple. C'est lors d'une entreprise de collecte, menée en 1914, qu'il découvre une tradition orale, bien vivante, de conteurs parmi la population canadienne-française qui peuple les diverses régions rurales du Québec; tradition dont il est impératif de préserver les témoignages.

C'est sous l'égide de Luc Lacourcière qu'est fondé le centre de recherche en ethnographie canadienne-française articulé autour des Archives de folklore à l'Université Laval. Y sont aujourd'hui conservées des centaines d'heures d'enregistrement de performances de conteurs et de conteuses qui ont marqué l'histoire de la discipline ethnologique en Amérique du Nord.

Il existe une classification internationale offrant une typologie des récits traditionnels en fonction de plus de 2500 contes types, c'est-à-dire en une organisation stable de motifs narratifs — un motif est le plus petit élément, ou épisode, divisible d'un récit traditionnel, identifiable dans les contes populaires du monde entier en dépit de variantes locales. Les grandes catégories de contes populaires sont : les contes d'animaux, les contes merveilleux, les contes religieux, les contes réalistes, les contes de l'ogre dupé, les contes à formule et les contes facétieux. À ce chapitre se trouvent les contes du « Petit Poucet », de « La Belle au bois dormant », du « Chat botté », de « Cendrillon », de « Peau d'Âne », de « Blanche-Neige », de la « Bête-à-Sept-Têtes », de « Jean-de-l'Ours », du « Petit Chaperon rouge », des « Trois petits cochons », de la « Lampe merveilleuse », des « Quarante voleurs », du « Haricot magique », du « Brave petit tailleur », etc.

Au XIXe siècle, des auteurs, comme Philippe Aubert de Gaspé, Henri-Raymond Casgrain, Joseph-Charles Taché, Hubert La Rue, Louis Fréchette, Pamphile Le May, Faucher de Saint-Maurice et Honoré Beaugrand, ont puisé à même la tradition orale — essentiellement aux grands thèmes légendaires — pour écrire des contes littéraires qui sont rapidement devenus des emblèmes identitaires chez les Canadiens français. Ces récits fantastiques sont ceux d'une chasse-galerie, du diable beau danseur, du diable constructeur d'église, d'une bête à grand'queue, de dames blanches, de noyeux, de loups-garous, de feux-follets, de lutins, de sorciers, de revenants. Ces vieilles légendes sont encore bien présentes dans le paysage culturel québécois.

Avec l'organisation d'événements, la pratique conte n'a cessé de gagner en intérêt auprès de publics toujours plus cosmopolites. Aux côtés des récits traditionnels émergent de nouveaux genres narratifs atypiques qui s'apparentent à la pratique du conte dans l'esprit et la forme, se sont : les légendes urbaines, les contes urbains, les contes coquins, les contes surréalistes, les contes polyphoniques, les contes s'inspirant du théâtre d'objets ou de marionnettes, les concours de menteries et autres slams.

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Contexte

Le Festival interculturel du conte de Montréal, Les jours sont contés à Sherbrooke et le Rendez-vous des Grandes Gueules à Trois-Pistoles comptent parmi les plus anciens et importants événements de contes au Québec. Ces festivals ont plus de vingt ans aujourd'hui. En 1998, les Dimanches du conte au Sergent recruteur, un établissement situé autrefois sur le boulevard Saint-Laurent à Montréal, figurent parmi les premiers diffuseurs à promouvoir le conte dans une programmation régulière. Plusieurs conteurs professionnels y ont fait leurs débuts dans le métier. Les conteurs Jocelyn Bérubé, Michel Faubert et Fred Pellerin sont trois figures de proue du renouveau du conte au Québec.

Aujourd'hui, les conteurs sont appelés dans les écoles, les camps d'été, les maisons de la culture, les salles de spectacle, les théâtres, les festivals, les cercles de conteurs, les musées et dans le cadre d'autres programmations culturelles pour faire de l'animation, de l'interprétation, de la formation et de l'enseignement. Les conteurs ont désormais un statut d'artistes. Ils sont ainsi admissibles aux programmes boursiers d'institutions et d'organismes subventionnaires, comme le Conseil des arts et des lettres du Québec.

Le Regroupement du conte au Québec (RCQ) est né en 2003 du désir des acteurs du milieu du conte d'établir l'autonomie et la spécificité de cette pratique artistique, étant donné le nombre croissant d'artistes conteurs et la diversité des pratiques. Dès les premières années, il s'est imposé comme un organisme rassembleur de toute personne souhaitant contribuer au développement de la discipline. Ses objectifs : soutenir le développement du milieu, accroître la place et la visibilité du conte au Québec, mobiliser l'ensemble des membres sur tout le territoire, dans toute sa diversité, assurer la pérennité et le dynamisme de son organisation et gérer la croissance de son offre et sa production culturelles.

Une des particularités du conte en son contexte contemporain, c'est qu'il se présente bien souvent sous la forme de récits de création individuelle, c'est-à-dire en des textes et des mises en scène assujettis aux droits d'auteur et à la propriété intellectuelle.

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Apprentissage et transmission

Les récits traditionnels de langue française se transmettent de génération en génération sur le territoire du Québec, vraisemblablement depuis l'arrivée des premiers colons en Nouvelle-France. Cette pratique s'essouffle quelque peu au cours du XXe siècle, alors que le mode de vie et la société changent rapidement avec l'industrialisation, la modernisation de l'État et le développement des technologies de communication. Dans les années 1950, le téléviseur entre peu à peu dans les foyers, changeant l'allure des soirées familiales. C'est une période creuse pour la pratique du conte qui est de plus en plus considérée comme un archaïsme de la société traditionnelle. Le travail des folkloristes s'effectue à un moment décisif, dans la hâte perpétuelle de préserver la mémoire collective des « anciens Canadiens », selon une ethnologie de sauvegarde. Les universitaires ont longtemps été les seuls garants de la tradition orale du conte populaire, dans le cadre de leurs enquêtes orales, mis à part les rares personnes à détenir encore ce savoir-faire.

Au début des années 1980, différents groupes d'intérêt, associations et organismes, comme le Centre de valorisation du patrimoine vivant (ès TRAD), voient le jour et oeuvrent à la connaissance et à la mise en valeur de la culture traditionnelle québécoise. Danse, musique, chanson, conte, artisanat et coutumes sont mis de l'avant dans le cadre de formations, d'ateliers, de conférences, de soirées et de spectacles. Plusieurs projets vont naître de ces initiatives. Des soirées sont organisées, par exemple, au Théâtre Petit Champlain, dans le Vieux-Québec, qui mettent en vedette des conteurs traditionnels, tels Ernest Fradette et Michel Faubert, présentés par des spécialistes, comme l'ethnologue Jean Du Berger, membre fondateur du Conseil québécois du patrimoine vivant (CQPV). La pratique du conte retrouve ses lettres de noblesse; elle connaît alors les balbutiements de ce renouveau du conte au Québec qui se fait annoncer. Pour cette raison, le milieu associatif joue un rôle déterminant dans la transmission.

Depuis quelques années déjà, le RCQ propose des formations professionnelles aux conteurs et conteuses désireux de parfaire leurs connaissances ou de travailler à la mise en scène de spectacles destinés aux divers publics.

Le conte se trouve encore et toujours dans la vie quotidienne : dans l'histoire qu'un parent lit à son jeune enfant, dans les livres d'école destinés à apprendre la lecture aux tout-petits, dans les spectacles de marionnettes et les animations publiques. Le conte est médium qui permet de dispenser des enseignements, de nourrir l'imaginaire et la créativité. L'actuel programme d'enseignement du français dans les écoles secondaires prévoit que les élèves de troisième secondaire apprennent la distinction entre le merveilleux et le fantastique littéraires. Dans ce cadre pédagogique privilégié, une place de choix est accordée aux récits traditionnels, dont le conte populaire merveilleux et la légende mettant en scène des forces surnaturelles. Le conteur est parfois appelé à venir en renfort pour illustrer de ses histoires, ces aventures imaginaires, la matière dispensée par l'enseignant. Malgré des périodes successives de désintérêt et de revitalisation, les récits traditionnels n'ont jamais complètement cessé d'être pratiqués. La sauvegarde de cette pratique culturelle reste entre les mains de passionnés qui estiment tant sa simplicité, son universalité, que ses forces évocatrice et créatrice.

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Références

Notices bibliographiques :

  • BOIVIN, Aurélien. Le conte littéraire québécois au XIXe siècle. Essai de bibliographie critique et analytique. Montréal, Fides, 1975. 385 p.
  • DAMIEN, Patrick. « Les passeurs du conte de la Côte-du-Sud ». Télé-Québec. La fabrique culturelle [En ligne]. www.lafabriqueculturelle.tv/series/237/passeurs-du-conte-calq
  • DEMERS, Jeanne. Le conte : du mythe à la légende urbaine. Montréal, Québec Amérique, 2005. 142 p.
  • DESLAURIERS, Camille. Le conte : témoin du temps, observateur du présent. Montréal, Planète rebelle, 2011. 201 p.
  • DUBÉ, Jean-Sébastien et autres. L’art du conte en dix leçons. Montréal, Planète rebelle, 2007. 262 p.
  • DUBERGER, Jean. « La vivante tradition des conteurs et conteuses ». Cap-aux-Diamants. Vol. Hors-séries (2012), p. 40-45.
  • GODBOUT, Nicolas. « Séjour chez les fées ». Centre Mnémo. Bulletin Mnémo [En ligne]. mnemo.qc.ca/bulletin-mnemo/article/sejour-chez-les-fees
  • GODBOUT, Nicolas. Un regard sur la pratique narrative du conte au Québec. Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, 2011. 56 p.
  • MASSIE, Jean-Marc. Petit manifeste à l’usage du conteur contemporain : le renouveau du conte au Québec. Montréal, Planète rebelle, 2001. 91 p.
  • PICHETTE, Jean-Pierre. « De l’oral à l’écrit : toute une histoire ». Port-Acadie. No 16-17 (2009), p. 147-224.
  • PONS, Christian-Marie (dir.). Contemporain, le conte¿? : il était une fois l’an 2000. Montréal, Planète rebelle, 2001. 122 p.
  • ROBITAILLE, Renée. Carnet d’une jeune conteuse : un regard sur les recruteurs d’imaginaire. Montréal, Planète rebelle, 2003. 87 p.

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