Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Inscrit au Registre du patrimoine culturel

Les connaissances, savoir-faire et pratiques liés à la pêche à la fascine dans Charlevoix

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Pêche à la fascine dans Charlevoix
  • Pêche traditionnelle à gué
  • Pratique traditionnelle de la pêche à la fascine dans Charlevoix

Région administrative :

  • Capitale-Nationale

Municipalité :

  • L'Isle-aux-Coudres
  • Saint-Irénée

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Connaissance
  • Pratique
  • Savoir-Faire

Description

La pratique traditionnelle [de la pêche à la fascine dans Charlevoix] est associée à une technique de pêche traditionnelle à gué pratiquée sur les rives du Saint-Laurent. Ce sont des pêcheries fixes installées d'avril à novembre sur le littoral en zone intertidale. Elles sont appelées « pêches à la fascine » car les différentes parties de l'ouvrage étaient autrefois tressées de branchages entre des pieux, appelées fascines. Aujourd'hui, la structure des fascines a été remplacée par des pieux, des filets et des coffres qui servent de parcs. Le principe de ces pêches est simple : le poisson est dirigé vers l'ouvrage par les marées ou les courants et reste emprisonné dans son enceinte. Les pêcheries fixes permettent de capturer un grand nombre d'espèces. Les pêcheries fixes permettent de capturer un grand nombre d'espèces. le poisson est « levé » à marée basse ou selon les prises piégées dans le dispositif. Ce type de pêche requiert des connaissances de la topographie, de l'hydrographie et de la faune marine ainsi que des savoir-faire qui en découlent (fabrication des engins fixes). Les pêches à la fascine de Charlevoix sont des pêcheries fixes non-dirigées (conçues pour prendre différentes espèces selon la période de l'année).

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Identification Élément du patrimoine immatériel Municipalité (Saint-Irénée) 2022-04-04
 
Identification Élément du patrimoine immatériel Municipalité (L'Isle-aux-Coudres) 2022-04-11
 

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Valeur patrimoniale

Ce type de pêche requiert des connaissances de la topographie, de l'hydrographie et de la faune marine ainsi que des savoir-faire qui en découlent (fabrication des engins fixes).

Les pêches à la fascine de Charlevoix sont des pêcheries fixes non dirigées (conçues pour prendre différentes espèces selon la période de l'année).

La pêche à la fascine se compose de pratiques du patrimoine culturel immatériel reliées au temps, à la nature, à des techniques d'acquisition, de production et de transformation et à des pratiques alimentaires.

L'intérêt patrimonial des composantes (connaissances, savoir-faire et pratique) de la pêche à la fascine peut être évalué en fonction de l'ancienneté, de la continuité (la persistance des savoirs empiriques, le maintien des savoir-faire traditionnels), de l'ancrage territorial, des modes et des milieux d'apprentissage et de transmission ainsi que par la reconnaissance par la communauté.

Source: Municipalité de Saint-Irénée, 2022.

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Historique

Les pêcheries fixes en pierre ou en bois sont très anciennes. En Europe, les recherches archéologiques, font remonter les premières pêcheries à 6 000 à 7 000 av. J.-C. Elles sont encore en fonction dans plusieurs pays; entre autres, en France, de même que dans de nombreux pays sur les rives méditerranéennes. En Amérique du Nord, elles étaient utilisées par les Premières Nations avant l'arrivée des Européens comme en font foi de nombreux témoignages des explorateurs et de missionnaires au Nouveau Monde.

Profitant de la période de fraye ou de la migration des poissons, les différents dispositifs des pêcheries fixes autochtones étaient installés dans les zones à marée et sur les rivières. En 1609, Marc Lescarbot lors de son séjour en Acadie, décrit une pêcherie fixe chez les Mi'kmaq, ils « font une claye qui traverse le ruisseau, laquelle ils tiennent quasi droite, appuyée contre des barres de bois en manière d'arc-boutants et y laissent un espace pour passer le poisson, lequel espace ils bouchent quand la marée s'en retourne, et se trouve tout le poisson arrêté ... ». Il précise que l'esturgeon et le saumon y sont capturés de la même façon. Nicolas Denys, colon et entrepreneur en Acadie (1632), souligne que ce type de dispositif muni de nasses est également utilisé en rivière par les Mi'kmaq. Dans les relations des missionnaires, il est fait mention de plusieurs types de pêcheries fixes utilisées par les différentes nations autochtones. […] Plusieurs des espèces capturées se prêtent à la conservation. Les poissons sont séchés et fumés et entrent dans la composition de la sagamité.

Pour les colons français installés dans les régions côtières, la pêche offrait une ressource alimentaire de première importance. Grâce aux droits de pêche accordés avec la concession de la terre, les pêcheries fixes étaient installées sur les rives du fleuve Saint-Laurent et sur les rivières. Pêche à pied, ne nécessitant aucun équipement spécialisé, ce type de pêche était facilement accessible. De mai à octobre, on y pêchait différentes espèces. […]

À cause de leur valeur marchande, quelques espèces sont commercialisées : l'anguille est salée et mise en baril, le hareng est salé ou fumé et l'huile de marsouin est utilisée pour ses qualités lubrifiantes et pour l'éclairage.

Pêche de subsistance, la consommation de la plupart des espèces est d'abord domestique. Les surplus sont vendus localement ou utilisés comme engrais pour la culture. Ces pêches à la fascine se retrouvent dans l'ensemble des localités riveraines de Charlevoix et chacune possédait ses espèces de prédilection. À Baie-Saint-Catherine, on ramassait en plus du capelan, de l'éperlan et du hareng, de la plie, de la poule d'eau, des sardines et de la truite de mer. À Petite-Rivière-Saint-François, les pêcheurs prennent de l'anguille et tout le long de la côte jusqu'à Baie-Saint-Paul les fascines retiennent de l'éperlan ou du capelan, de l'esturgeon noir, de l'alose et du poulamon.

En 1871, le Québec comptait 1 369 pêcheries fixes, plus de 870 étaient situées en zone de marée du fleuve Saint-Laurent jusqu'aux environs de Trois-Rivières et sur le Saguenay. Dans la région de Charlevoix, à l'Isle-aux-Coudres pour une population de 718 habitants, 67 pêches à la fascine sont en fonction. À Saint-Irénée, à la même époque, la population est de 997 habitants; 17 pêches à la fascine sont recensées.

En 2007, cinq pêches à fascines appartenant à trois propriétaires étaient en fonction à l'lsle-aux-Coudres. En 2021, seule la pêche des Mailloux subsiste. À Saint-Irénée, en 2009, 4 pêcheries étaient encore en fonction. Aujourd'hui, la dernière pêche à la fascine est à l'Anse-au-Sac et est exploitée par Julie Gauthier des Pêcheries Charlevoix.

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Contexte

Un inventaire mené à la fin des années 1960 dans l'estuaire du Saint-Laurent montre la grande diversité des pêches à la fascine. Elles variaient par leurs formes, le nombre de parcs ou de coffres, la disposition des ailes et les matériaux utilisés. En 2021, peu de pêcheries fixes subsistent : une quinzaine de pêches dirigées pour l'anguille et deux pêches de capture non-dirigées (conçues pour prendre différentes espèces selon la période de l'année).

Les pêcheries non-dirigées sont installées en avril à la fonte des glaces et retirées fin octobre lors des grandes marées. Pendant cette période de marées de vives-eaux, le niveau de l'eau est à son plus bas. De deux à trois marées sont nécessaires pour tendre ou retirer la pêche.

Bien qu'il y ait des variations dans les pêcheries, en général l'ouvrage comprend un guide, un parc et une ou deux ailes. Le guide (guideau, chasse) permet de conduire le poisson vers le piège. Le guide est installé perpendiculairement formant un angle avec le rivage. Selon la topographie, il sera plus ou moins long. Le poisson arrêté dans sa progression suit le guide et entre dans le parc.

Le parc (por, coffre, «C») est la chambre de capture. Circulaire ou rectangulaire, avec ou sans couvercle, il est fait de filet ou de treillis métallique. Il est muni d'une entrée. Lorsque la marée descend, le poisson se trouve piégé, ne pouvant ressortir du piège.

La pêcherie est composée d'une ou deux ailes (raccroc). Accrochées au parc, elles sont plus courtes et forment un angle d'environ 45 degrés avec le guide. Les ailes tout comme le guide servent à diriger le poisson. Le nombre et l'orientation sont fonction de la topographie et des marées.

Les savoir-faire et les connaissances liées à la construction de la pêcherie sont transmis de génération en génération. La topographie de la rive, les courants, les marées, le fond marin, le comportement et la migration des poissons à capturer sont autant d'éléments dont il faut tenir compte dans la conception et la construction des pêcheries.

Les pêches à la fascine ont évolué au fil du temps. D'abord construites de matière ligneuse qu'on récoltait dans l'environnement immédiat, de nouveaux matériaux plus résistants à l'assaut des marées ont fait leur apparition dans les années 1960 (filets ou treillis métalliques). […]

À Saint-Irénée, la pêche se compose d'un parc rectangulaire de 3,6 m x 6 m x 3,6 m. Les filets sont installés sur une structure de métal munie de poteaux. Le guide mesure 55 m et l'aile 9 m. Les filets sont montés sur des pieux fichés dans le sol, étayés par des cordes. […]

Le poisson est « levé » à marée descendante, deux fois par jour, avant que le parc ne soit à sec. Les pêcheurs utilisent la « salebarde » (épuisette à long manche), le « vasigot » ou « visogot » (régionalismes : épuisette à fond peu profond) et le grand haveneau (bout de filet dont les extrémités sont munies de morceaux de bois).

La migration des espèces, les phases lunaires, les conditions climatiques ont une incidence sur les captures. Le printemps est la meilleure période pour la pêche. Les premières captures sont le capelan, le hareng et l'éperlan suivent le poulamon, le corégone et la « sardine ». La saison se termine en automne avec l'anguille. […] Pour chacune des espèces, un permis est nécessaire et la capture de certaines espèces est interdite (bar rayé, entre autres).

L'installation et le démontage des pêcheries nécessitent une main-d'œuvre abondante pendant une courte période. Elle se fait pendant les grandes marées du printemps et de l'automne. Une corvée réunissant la famille et les amis est organisée pour ériger la structure. Les membres de la famille élargie […] participent à la levée du poisson et à la vente. […]

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Apprentissage et transmission

Les connaissances liées à la pratique de la pêche à la fascine sont le fruit d'une longue tradition qui se transmet encore aujourd'hui par le geste et la parole. Ces connaissances empiriques se sont accumulées sur plusieurs générations. De nombreux témoignages historiques font état de l'usage de pêcheries fixes chez les Premières Nations. Ils ont contribué à faire connaître aux colons les espèces et les meilleurs sites de pêches. Dès les débuts de la colonisation, les habitants de la Nouvelle-France installèrent des pêches à la fascine sur les rives du fleuve et dans les rivières.

Les connaissances de la topographie du lieu (littoral à fond rocheux, sablonneux, dénivellation, etc.), les conditions hydrographiques (force des courants et des marées), la lecture des conditions climatiques permettent de déterminer le lieu, l'orientation, et la longueur du guide de la pêche. À ces savoirs s'ajoute une connaissance fine de la faune marine, des comportements, des migrations des espèces et de la conservation et transformation des poissons.

Les savoir-faire liés à la préparation des composantes et à l'installation de la pêche sont transmis de génération en génération dans le cadre familial, par l'observation directe et la pratique. Ils ont été adaptés au fil des générations. Ce type de transmission perdure même si on observe des changements de matériaux.

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Emplacement

Region administrative :

  • Capitale-Nationale

MRC :

  • Charlevoix
  • Charlevoix-Est

Municipalité :

  • L'Isle-aux-Coudres
  • Saint-Irénée

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Références

Notices bibliographiques :

  • BERGERON, Julien, Germain LABRECQUE et Jean-Marie ROY. « Inventaire et description des pêcheries fixes de l'estuaire du Saint-Laurent ». MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE, Direction des pêches maritimes. Cahier d'information. Québec, 1977, p. 41.
  • BRUAUX, Françoise et Élaine DESROSIERS. Plan de gestion intégrée de la zone côtière de l'Isle-aux-Coudres. s.l. Comité côtier de l'Isle-aux-Coudres. Comité ZIP du Sud-de-l'Estuaire, 2007. 84 p.
  • KALM, Pehr. Voyage de Pehr Kalm au Canada en 1749 I traduction annotée du journal de route par Jacques Rousseau et Guy Béthune, avec le concours de Pierre Morisset. Montréal, Pierre Tisseyre, 1977. 674 p.
  • LAHONTAN, Louis Armand de Lom d'Arce, baron de. Oeuvres complètes (Édition critique par Réal Ouellet avec la collaboration d'Alain Beaulieu). Bibliothèque du Nouveau Monde. Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 1990. 1474 p.
  • LAMBERT, Michel. Histoire de la cuisine familiale du Québec. Vol. 2 - la mer, ses régions et ses produits. Québec, Les Éditions GID, 2006. 912 p.
  • LESCARBOT, Marc. Histoire de la Nouvelle France contenant les navigations, découvertes, & habitations faites par les François [...]. Paris, Jean Milot, 1609. 888 p.
  • MOUSSETTE, Marcel. La pêche sur le Saint-Laurent : répertoire des méthodes et des engins de capture. Montréal, Boréal Express, 1979. 212 p.

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