Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Filage de la laine

Type :

Patrimoine immatériel

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques vestimentaires > Production de l'habillement > Confection > Artisanale

Éléments associés

Inventaires associés (1)

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Description

Le filage de la laine est une habileté technique qui relève du domaine de l'artisanat traditionnel. Cette technique consiste à tordre les fibres entre elles, au fuseau ou au rouet, pour créer un fil. Le produit du filage peut ensuite être utilisé pour réaliser toutes sortes d'objets, tels que des vêtements, accessoires, tapis et couvertures. Cette technique, déjà pratiquée par les peuples autochtones avant l'arrivée des Européens, se généralise sur le territoire à la fin du XVIIe siècle. Traditionnellement, le filage de la laine se transmet par mimétisme, de mère en fille. De nos jours, les cercles de fermières et les ateliers d'artisanat contribuent à la transmission de la technique à l'extérieur de la sphère familiale.

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Historique

Le filage de la laine est une forme d´artisanat domestique qui connaît un essor dès l'âge de bronze. Les fileuses utilisent alors des peignes faits à partir d'éléments naturels tels que des chardons ou de l'os. À ses débuts, le filage s´effectue exclusivement au fuseau à main. Il faut attendre la fin du XIIIe siècle avant que le rouet à main ne soit employé en Europe.

Avant la colonisation du Canada, plusieurs Premières Nations, telles que les Salish, pratiquent le filage. Le talent de ce peuple est aujourd'hui reconnu à travers les couvertures qui sont parvenues jusqu'à nous. Les colons venus d'Europe ont favorisé l'engouement pour le filage au Québec et dans le reste du Canada. Dès la seconde moitié du XVIIe siècle, Jean-Talon, le premier intendant de la Nouvelle-France, contribue à démocratiser les arts du textile dans la colonie. Mû par son désir de dynamiser l´économie, il fait venir des moutons d'Europe et distribue des métiers à tisser dans les foyers de la Nouvelle-France. Pendant son mandat, des tisserands français viennent aussi transmettre leur savoir-faire aux colons.

À la fin de la guerre d'indépendance américaine, soit vers 1783-1784, plusieurs loyalistes migrent des États-Unis jusqu'au Canada. Ceux-ci s'installent principalement le long du lac Ontario, à l'ouest de la Province of Quebec. En tout, ce sont 2 000 individus qui s'établissent dans quelques régions du Bas-Canada, précisément à Gaspé, dans la baie des Chaleurs, à Sorel et près de la rivière Richelieu. La plupart d'entre eux élèvent des moutons et sont initiés au filage et au tissage.

Traditionnellement, les épouses filent pendant l´hiver la laine que leurs maris ont tondue au printemps, et ce, dans le but de confectionner des vêtements pour la famille. La tonte des animaux se fait une à deux fois par année. La qualité de ces vêtements leur permet d´être portés successivement par plusieurs membres de la famille. Il s´agit alors d´une activité de première nécessité.

Des migrants écossais, irlandais et allemands, dont certains sont chômeurs à cause de l'industrialisation du marché des textiles, pratiquent le filage sur le territoire canadien jusqu'au début du XXe siècle. Bien que la tradition du filage perdure encore au Québec, cette pratique subit néanmoins une chute de popularité à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. En raison de l'arrivée des manufactures de textiles à partir de 1840, de la démocratisation de la machine à coudre vers 1851 et de l'implantation des filatures de coton à la fin du XIXe siècle, le filage domestique décroît considérablement.

Au cours du XXe siècle, les habitudes d'achat des Québécois sont motivées par l'esthétisme plus que par la praticité des vêtements et des accessoires. À partir de 1950, la diversité des produits manufacturés qui sont proposés chez les grands détaillants déstabilise la production artisanale au Québec. Désormais, la laine filée à la main s'efface et fait pâle figure devant la diversité des couleurs obtenues par l'utilisation de la teinture chimique et le faible coût des fibres synthétiques. Le filage est aussi fragilisé par l'entrée des femmes sur le marché du travail en milieu urbain. Ayant à la fois moins de temps, plus de moyens financiers et d'alternatives au filage, les femmes délaissent peu à peu cette pratique.

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Contexte

Aujourd'hui, le filage n'est plus une nécessité d'économie familiale. La communauté de fileurs et de fileuses pratique le filage comme un loisir, ou dans le but de vendre du fil et des créations faites à la main. La vitalité de ce savoir-faire est maintenue par l'intérêt grandissant pour l´achat local et les produits durables. Le filage demande avant tout une connaissance accrue des propriétés de la laine. De plus, pour maîtriser le rouet, il faut avoir une bonne coordination main-pied et de la patience, car le filage est une activité qui demande du temps.

La fileuse peigne d'abord la laine naturelle avec deux brosses appelées « cardes ». Cette opération permet de retirer les impuretés tout en orientant les fibres dans une même direction. Une fois la laine ainsi affinée, elle est étirée en longues bandes prêtes au filage. Avant de commencer à filer, les différentes pièces du rouet doivent être assemblées. La première étape consiste à préparer la bobine, en y fixant un bout de fil d'au moins 45 centimètres. Par la suite, le fileur ou la fileuse place la bobine au centre de l'épinglier, puis revisse la poulie. Une fois la bobine en place, il faut prendre la courroie du rouet en suivant les rainures et la faire passer autour de la roue et de la poulie de l'épinglier. Le fil guide, qui a préalablement été attaché à la bobine, doit être passé dans l'un des crochets de l'épinglier. Enfin, en activant tous les mécanismes au moyen d'une pédale, les fibres se tordent et s'affinent pour créer un fil très résistant.

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Apprentissage et transmission

Le filage de la laine est traditionnellement transmis de mère en fille, par observation et imitation. Ce savoir-faire est pratiqué à domicile par les femmes, qui constituent la majeure partie de la relève. Il s'agit de transmettre le patrimoine familial de génération en génération. Comme les porteuses de traditions sont de moins en moins nombreuses, des groupes de transmission alternatifs se sont développés. Dans le Québec du début du XIXe siècle, les communautés religieuses participent à la transmission du filage auprès des femmes qui fréquentent les couvents et les écoles ménagères.

Dans les années 1930, ces établissements deviennent des instituts familiaux puis des écoles destinées aux arts domestiques, qui proposent aussi un apprentissage approfondi du filage. Il existe encore peu de documents de référence au sujet des techniques de filage au Québec. En revanche, l´usage d´Iinternet rend plus facile la recherche d´un(e) enseignant(e). L´association la plus connue en lien avec ce savoir-faire est l´association des fileurs et fileuses du Québec. Sa mission est avant tout la promotion du filage de ce savoir-faire à travers différents événements, la création d´un réseau d´artisans, et la mise à disposition d´ouvrages de référence. Depuis 1915, le cercle des fermières participe à la diffusion de ce savoir-faire en proposant des cours, en organisant des conférences, expositions, congrès, comité des arts domestiques et en publiant la revue L«la bonne fermière ».

Depuis 1995, le Centre de valorisation du patrimoine vivant (ès-Trad) met plusieurs savoir -faire à l'honneur, dont le filage de la laine. Le conseil québécois du patrimoine vivant et le Centre du patrimoine vivant de Lanaudière suivent attentivement l'essor des pratiques artisanales liées à la transformation des textiles. Ils organisent eux aussi des ateliers, parfois gratuits, de filage de la laine dans des milieux culturels tels que le musée d'art de Joliette. La maison du fléché Bélanger, à Sainte-Marcelline-de-Kildare, offre des ateliers et des démonstrations des étapes de fabrication de la ceinture fléchée, dont le filage de la laine fait partie. Les nombreux salons d'artisanat québécois permettent également de créer un contact entre les fileur(se)s et le grand public, que ce soit pour expliquer leur pratique, démontrer les étapes de leur travail ou tout simplement sensibiliser les visiteurs aux multiples propriétés et à la qualité de la laine filée à la main.

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Références

Notices bibliographiques :

  • AFFQ. Association des fileurs et des fileuses du Québec [En Ligne]. https://www.affq.net/
  • BURNHAM, Dorothy K. « Textile tissé ». Historica Canada. L'encyclopédie canadienne [En ligne]. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/textile-tisse
  • Enregistrement avec DANSEREAU, Nadine, réalisé par TÉTREAULT, François, « « Le filage de la laine » », Enquête du patrimoine vivant de Mascouche, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Nouvelle, 2 mars 2020.
  • DURAND, Marie. « La courtepointe québécoise : création ou emprunt ». Revue de la culture matérielle. Vol. 34, no 1 (1991), s.p.
  • ROULEAU, Célyne. « La fille du gouvernement — L’école des arts domestiques « La transmission du savoir dans les arts textiles et l’artisanat » ». Histoire Québec. Vol. 14, no 2 (2008), p. 23-27.
  • ROY, Antoinette. La transmission des arts textiles depuis Jean Talon dans Le développement du patrimoine textile au Québec : 1933-2013. Québec, Association des tisserandes du Québec, 2013. 35 p.
  • SHRUMM, Regan. « Chien laineux des peuples salish ». Historica Canada. L'encyclopédie canadienne [En ligne]. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/salish-woolly-dog
  • VACHON, André. « TALON (Talon Du Quesnoy), JEAN ». Université Laval/University of Toronto. Dictionnaire biographique du Canada [En ligne]. http://www.biographi.ca/fr/bio/talon_jean_1F.html
  • WILSON, Bruce G. « Loyalistes au Canada ». Historica Canada. L'encyclopédie canadienne [En ligne]. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loyalistes

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