Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Inscrit au Registre du patrimoine culturel

Traditions du temps des sucres

Type :

Patrimoine immatériel

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Pratique
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques coutumières > Pratiques coutumières liées au temps > Année > Période de l'année / cycle

Éléments associés

Patrimoine mobilier associé (1)

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Description

Les traditions du temps des sucres forment un ensemble de pratiques culturelles ayant cours pendant la période printanière où la sève d'érable est cueillie, transformée et consommée. Elles englobent non seulement des connaissances empiriques et des savoir-faire techniques propres à l'exploitation des érablières, mais aussi des pratiques sociales et festives. Le temps des sucres marque la fin de l'hiver québécois, et les traditions associées à ce moment fort de l'année se concentrent à la cabane à sucre, un espace de production, de rassemblement et de convivialité. De l'entaillage des arbres à la fabrication artisanale des produits de l'érable, en passant par le repas de cabane et la partie de sucre, ces traditions rejoignent l'ensemble de la population, partout sur le territoire, dans tous les milieux.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Désignation Élément du patrimoine immatériel Ministre de la Culture et des Communications 2020-04-11

Statuts antérieurs

  • Proposition de statut national, 2015-12-10
 

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Valeur patrimoniale

Les traditions du temps des sucres existent depuis plusieurs siècles au Québec. La cueillette d'eau d'érable est déjà une activité importante chez les Autochtones au moment de leur contact avec les premiers explorateurs et missionnaires européens. Les Premières Nations ont une grande connaissance de la flore et ils imputent notamment des vertus à la sève des érables, qu'ils consomment comme remède ou simplement comme source d'énergie. À partir du dernier quart du XVIIe siècle, l'utilisation de chaudrons facilite la production de sirop et de sucre d'érable. Ce dernier devient rapidement une denrée importante puisqu'il s'agit alors d'un des seuls éléments sucrants disponibles.

Pendant près de deux siècles, peu de changements sont apportés à l'espace de travail, aux outils et aux techniques liés à la transformation de l'eau d'érable. L'acériculture se fait selon les méthodes traditionnelles : entaillage à la hache, cueillette de l'eau dans des récipients d'écorce ou des auges de bois et cuisson au chaudron sur des feux ouverts. Malgré le développement continu de la science, de la technologie et de l'industrie, une part importante de la production et de la transformation de l'eau d'érable au Québec est artisanale et tributaire de savoirs et de savoir-faire transmis de génération en génération, au sein de la famille ou de la communauté.

Au regard des pratiques festives et sociales, les traditions du temps des sucres figurent parmi les dernières coutumes rattachées au monde agricole qui sont partagées par l'ensemble de la population québécoise. Le repas traditionnel pris à la cabane est l'une des principales activités du temps des sucres. Bien que les pratiques coutumières se soient adaptées au contexte contemporain, l'esprit et l'essence de la fête demeurent : se réunir pour célébrer un rituel printanier caractéristique du Québec. Son appropriation par la population est très forte, il occupe une place particulière dans l'imaginaire collectif et a un statut de symbole identitaire.

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Historique

Les connaissances et les savoir-faire associés à la transformation de l'eau d'érable sont un legs des Autochtones. À l'époque précoloniale, la transformation de la sève s'effectue dans des contenants en écorce ou en terre cuite, soit sur le feu, soit avec des pierres chauffées, ou encore en gelant d'abord l'eau d'érable pour en concentrer le sucre et ensuite la faire bouillir. À la fin du XVIIe siècle, l'introduction du chaudron de métal pour la cuisson facilitera la fabrication du sucre.

Pendant près de deux siècles, peu de changements sont apportés à l'espace de travail, aux outils et aux techniques de production. L'acériculture se fait selon les méthodes traditionnelles autochtones : entaillage à la hache, cueillette de l'eau dans des récipients d'écorce ou des auges de bois, cuisson au chaudron sur feux ouverts. Ce n'est qu'à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, avec l'introduction de nouveaux instruments, que la production de sirop et de sucre se modifie : le vilebrequin remplace la hache et la gouge; la goutterelle laisse place aux chalumeaux en bois, puis en tôle d'acier; les auges sont remplacées par des baquets de bois, puis par des chaudières de tôle. La tournée des érables se fait en raquettes, et le sucrier guide son boeuf ou son cheval, lequel tire le traîneau muni d'un grand réservoir. L'eau est transvidée dans une bouilloire ou une casserole en fer blanc à fond plat, sur un fourneau de brique ou de pierre.

À la fin du XIXe siècle, l'arrivée de l'évaporateur dans le procédé de transformation révolutionne l'acériculture. L'utilisation d'un nouvel équipement requiert une modification des installations. C'est à cette époque que sont construites les cabanes à sucre permanentes, dont le modèle architectural perdure aujourd'hui : espace pour le bouillage où la vapeur s'évacue par le trou percé dans le toit, endroit pour stocker l'eau et les instruments de travail, une pièce pour cuisiner et dormir, un abri pour le bois et une petite écurie pour le cheval.

Au début du XXe siècle, l'acériculture est en crise. Les prix chutent et plusieurs agriculteurs choisissent d'abattre leurs érables. Le gouvernement intervient en fondant des sucreries-écoles pour améliorer les méthodes de production. Dans les années 1920, les producteurs se regroupent au sein d'une première coopérative, pour gérer l'offre et la demande collectivement et développer de nouveaux produits.

Depuis les années 1970, les innovations technologiques, la structuration de l'industrie acéricole et la recherche constante d'un meilleur rendement ont modifié le portrait socioéconomique de l'acériculture. Bien que la spécialisation soit une tendance lourde, les petites et moyennes entreprises familiales sont encore nombreuses au Québec. Malgré l'automatisation de certaines opérations, les pratiques traditionnelles se perpétuent grâce aux petites entreprises artisanales et aux familles qui exploitent leur érablière. Grâce à elles, bien des traditions du temps des sucres perdurent.

Les pratiques festives associées au temps des sucres font partie des dernières coutumes rattachées au monde agricole et qui sont perpétuées par l'ensemble de la population québécoise. Le « repas de cabane » s'inspire des repas servis à ceux qui « couraient les érables » : soupe aux pois, oeufs, jambon, fèves, crêpes, grands-pères dans le sirop, etc. La partie de sucre demeure un moment incontournable d'une visite à la cabane. Cette pratique consiste à verser le sirop d'érable préalablement bouilli et épaissi sur la neige. La tire ainsi refroidie est enroulée autour d'un bâtonnet de bois ou d'une palette.

Le temps des sucres revêt toujours un caractère festif et il est ancré dans les traditions québécoises. Il occupe une place particulière dans l'imaginaire collectif. Les pratiques se sont adaptées au contexte contemporain, mais l'esprit et l'essence de la fête demeurent bien présents : se réunir pour célébrer un rite saisonnier caractéristique du Québec.

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Contexte

Les traditions du temps des sucres sont des pratiques culturelles issues d'une autre époque et qui subsistent de nos jours, s'adaptant aux contextes social, environnemental et économique dans lesquels elles évoluent. Ainsi, les traditions du temps des sucres s'inscrivent dans la continuation du passé, tout en étant recréées en permanence par ceux et celles qui les perpétuent.

Le temps des sucres est l'expression consacrée au Québec pour désigner la période de redoux printanier qui favorise la coulée des érables, soit l'écoulement de la sève par des entailles pratiquées dans l'aubier. Par différents moyens, cette eau d'érable est recueillie et acheminée vers un contenant où elle est bouillie en vue d'être transformée en sirop ou en sucre. Pendant des siècles, ce processus a reposé sur des connaissances empiriques acquises par observation et expérience pratique. Encore aujourd'hui, malgré le développement continu de la science, de la technologie et de l'industrie, une part importante de la production et de la transformation de l'eau d'érable au Québec reste tributaire de savoirs et de savoir-faire transmis de génération en génération, au sein de la famille ou de la communauté.

En plus d'être une phase saisonnière pendant laquelle se produit le phénomène naturel qui occupe les acériculteurs, le temps des sucres est une période de l'année propice aux rassemblements et aux réjouissances. Tel un rite de passage de l'hiver au printemps, la visite à la cabane à sucre est, pour la majorité des Québécois, une activité coutumière inscrite à l'agenda familial. Ce pèlerinage gourmand représente en effet une occasion spéciale de partager un repas typique en groupe, de déguster de la tire sur la neige et de s'approvisionner en produits de l'érable. Une ambiance festive et une atmosphère conviviale règnent généralement à la cabane. Cette dernière est située en milieu rural, dans l'érablière, mais des kiosques sont souvent installés temporairement dans les villes afin que les citadins et les touristes puissent y manger de la tire sur la neige, des cornets de beurre d'érable ou des bonbons.

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Apprentissage et transmission

La production acéricole est encore aujourd'hui une affaire de famille. Les connaissances et savoir-faire sont transmis dans la famille depuis souvent plusieurs générations. La transmission des savoirs se fait oralement et les savoir-faire s'acquièrent par une pratique guidée par ceux qui maîtrisent les étapes de la production. Le milieu d'apprentissage est le plus souvent la famille proche et les membres de la parenté. Cet apprentissage commence souvent tôt. Les apprentis participent à certaines opérations de la production et de la transformation : entaillage, petites tâches de nettoyage, préparation des outils, surveillance, etc. Les apprentis sucriers apprennent par imitation, par observation et par l'exécution des tâches lors des activités inhérentes à la production. L'apprentissage se fait au fil des saisons des sucres.

La pratique acéricole a évolué au cours des dernières décennies. L'utilisation d'un équipement de plus en plus sophistiqué et l'obligation de respecter certaines normes pour la commercialisation nécessitent souvent un enseignement plus formel. Des cours, des ateliers et des conférences sont offerts sur la transformation, la production, la qualité et la mise en marché des produits de l'érable.

La formation en acériculture n'est pas nouvelle. Déjà en 1914, des sucreries-écoles sont établies par le ministère de l'Agriculture du Québec. Ces établissements, en plus d'offrir des cours de perfectionnement et des conseils sur les méthodes modernes de production, développaient de nouveaux produits de l'érable.

La tradition culinaire associée aux temps des sucres se transmet généralement dans les familles. Les recettes, principalement les plats utilisant le sirop et le sucre d'érable, se transmettent oralement de génération en génération. Souvent, dans les cabanes à sucre-restaurant, les propriétaires s'enorgueillissent du fait que les plats servis sont issus de recettes familiales.

Quant à la coutume printanière d'aller à la cabane à sucre, c'est dans l'exécution répétée que les jeunes apprennent le déroulement de la pratique en imitant les gestes des adultes. La transmission se fait dans le milieu familial et communautaire. Autrefois, les pratiques du temps des sucres étaient réservées à la cabane à sucre. Aujourd'hui, de nouveaux lieux de pratiques permettent la perpétuation de la tradition (cabanes à sucre urbaines, cabanes à sucre mobiles, etc.) même pour ceux qui n'ont pas la possibilité de fréquenter une sucrerie familiale.

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Espaces culturels

Le temps des sucres est aussi associé à un patrimoine immobilier. Encore aujourd'hui, les cabanes à sucre conservent des éléments caractéristiques : une pièce abritant les évaporateurs avec le tire-vapeur caractéristique, une autre faisant office de cuisine et de chambre et un abri pour le bois de cabane. Ce bâtiment est la représentation de l'ingéniosité des habitants à adapter leurs savoirs et savoir-faire à l'environnement.

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Objets

Les activités acéricoles ont donné naissance à un patrimoine mobilier riche et unique au Québec : moules à sucre, outils spécialisés (différents types de palettes, d'écumoires, de mouvettes, etc.), raquettes adaptées au travail à effectuer pendant la saison des sucres (selon la texture de la neige, par exemple). Ces artefacts sont mis en exposition ou conservés dans les érablières et les institutions muséales. Bien souvent dépeints de façon folklorique et nostalgique, la cabane à sucre et le temps des sucres sont des thèmes repris en art populaire, comme en témoigne différentes représentations peintes ou sculptées, voire brodées.

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Références

Notices bibliographiques :

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