Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Connaissances, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales

Type :

Patrimoine immatériel

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Connaissance
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques scientifiques > Connaissance liée à la nature > Flore > Usage

Description

Les connaissances, savoir-faire et pratiques liés à l'usage des plantes médicinales comprennent: les savoirs sur les propriétés thérapeutiques des plantes sauvages (indigènes et naturalisées) et cultivées, leur identification, la cueillette, les techniques de conservation et de transformation. Ces pratiques liées aux plantes médicinales sont perpétuées par les herboristes amateurs et professionnels, ainsi que dans la médecine traditionnelle des Premières Nations. Les connaissances et les savoir-faire sur la flore sont issus de plusieurs traditions à la fois populaires et savantes. Les savoir-faire liés à la flore médicinale demeurent artisanaux et sont, en théorie, accessibles à tous.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Proposition de statut national non retenue Élément du patrimoine immatériel 2023-10-31

Statuts antérieurs

  • Proposition de statut national, 2015-04-24
 

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Historique

Dès les premières explorations du Nouveau Monde, missionnaires, explorateurs, médecins, botanistes et représentants de la Couronne en Nouvelle-France s'intéressent à la pharmacopée des Premières Nations pour des raisons pratiques et commerciales. Au cours de son deuxième voyage (1535-1536), les hommes de Jacques Cartier souffrant du scorbut seront soignés par deux Iroquoises grâce à une boisson préparée à partir de rameaux de l'annedda. Cartier, lors de sa tentative de colonisation (1541-1543), demandera au roi un médecin et des apothicaires pour « reconnaître et voir les commodités des plantes».

Les missionnaires dans leurs récits décrivent les pratiques médicales et les remèdes à base de plantes de diverses nations autochtones. Le récollet Le Clercq (1691), missionnaire chez les Mi'kmaq, écrit: « [Ils] sont tous naturellement Chirurgiens, Apothicaires et Médecins par la connaissance et par l'expérience qu'ils ont de certains simples dont ils se servent heureusement pour guérir des maux qui paraissent incurables ». L'usage des plantes médicinales dans la médecine traditionnelle autochtone s'inscrit dans une vision du monde et une conception de la maladie différentes de la pensée médicale occidentale de l'époque. Malgré des témoignages favorables, la plupart des récits missionnaires discréditent la médecine autochtone dont les pratiques sont étroitement liées à la spiritualité. Les missionnaires étaient en concurrence avec les «sorciers» et «jongleurs». Le père Le Jeune, en mission chez les Hurons (1638), avoue: « le plus ordinaire de nos métiers était celui de médecins, en dessein de discréditer de plus en plus de sorciers, avec leurs régimes imaginaires.»

Au 17e siècle, les colons venus s'établir en Nouvelle-France amenèrent leurs pratiques médicales et leur pharmacopée. Plusieurs plantes médicinales importées étaient cultivées pour les besoins de la colonie. Certaines d'entre elles s'acclimatèrent et font aujourd'hui partie de la flore québécoise. Les communautés religieuses, principales responsables des soins de santé, entretenaient un jardin de «simples». Les apothicaires préparaient les remèdes avec des plantes de la pharmacopée traditionnelle européenne tout en y intégrant des végétaux indigènes souvent similaires à leur pendant européen (capillaire, salsepareille, etc.)

S'il est difficile d'évaluer l'apport de la pharmacopée autochtone à la médecine officielle de l'époque, c'est en médecine populaire que la contribution des Premières Nations serait la plus significative. Les populations éloignées qui n'avaient pas accès à un médecin ou au secours des communautés religieuses devaient s'en remettre à ce qui était disponible dans l'environnement immédiat. Dès le début du Régime français, plusieurs plantes médicinales étaient cultivées dans les jardins et les plantes européennes naturalisées étaient cueillies à l'état sauvage (pissenlit, plantain, etc.). Au contact des Premières Nations, les habitants apprennent à connaître les vertus médicinales des plantes indigènes. Ce transfert de connaissances s'est effectué dans les deux sens : certaines plantes introduites ont également été incluses dans la pharmacopée autochtone. La médecine populaire faisait appel aux plantes médicinales issues du terroir européen et aux plantes indigènes (verge d'or, savoyanne, etc.)

Jusqu'au début du 20e siècle, les plantes médicinales (introduites et indigènes) étaient vendues sur les marchés. Avec la naissance de l'industrie pharmaceutique et les changements sociodémographiques, des remèdes «patentés» (brevetés) à base de plantes firent leur apparition et furent offerts en vente libre dans les commerces. Le développement des médicaments de synthèse et une plus grande accessibilité aux soins de santé limiteront la transmission des pratiques et des savoirs liés à l'usage des plantes médicinales. Il faudra attendre les dernières décennies du 20e siècle pour assister au renouveau de l'herboristerie traditionnelle au Québec.

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Contexte

Les plantes médicinales sont utilisées pour favoriser la santé, le bien-être et pour soigner les maux courants du quotidien. Employées en traitements internes ou externes, les différentes parties de la plante sont préparées en tisane, en décoction, en macération, en sirop, en bain, en lavement, en onguent, en cataplasme et en emplâtre.

Afin de cueillir et d'utiliser les plantes médicinales de façon sécuritaire, des connaissances sur les propriétés thérapeutiques, les parties de la plante à récolter et les moments propices à la cueillette sont essentielles. Les herboristes amateurs ou professionnels utilisent des plantes sauvages et des plantes médicinales cultivées dans leur jardin. La cueillette des plantes sauvages demande un bon sens de l'observation et une connaissance des écosystèmes où poussent les plantes.

Les herboristes préfèrent utiliser les plantes fraîches aux plantes séchées et celles cueillies ou cultivées de leur propre main. La cueillette se fait manuellement. Peu d'instruments sont nécessaires: «le pouce et l'index», des gants pour les espèces urticantes ou épineuses, un sécateur, un couteau, un contenant et une petite pelle. La cueillette est un travail de longue haleine s'échelonnant toute l'année, mais principalement tôt au printemps jusqu'à tard à l'automne. Les herboristes respectent un code d'éthique: on ne cueille que ce dont on a besoin, en tenant compte du cycle de vie de la plante, on évite la cueillette des plantes menacées ou vulnérables.

Chaque plante doit être cueillie au moment opportun pour maximiser la concentration des principes actifs. Selon la plante, on cueillera les pousses, les bourgeons, l'écorce, les fleurs, les feuilles, les racines, les graines, les fruits ou la totalité de la plante. Les pousses, la sève et les bourgeons au printemps, les feuilles et fleurs pendant l'été, les racines en général à l'automne, mais aussi au printemps, l'écorce à la fin de l'hiver. La cueillette s'effectue lorsque les principes actifs sont les plus concentrés dans la plante : les parties aériennes le matin après la rosée, les racines plus tard en journée.

Après la cueillette débute soit la transformation, soit le séchage pour une conservation prolongée. Plusieurs méthodes de séchage sont utilisées: en bouquets suspendus tête en bas, sur corde, sur treillis ou dans un séchoir. Le séchage doit se faire dans un endroit aéré, chaud et à l'abri de la lumière, où le taux d'humidité est bas. Le temps de séchage dépend de la partie de la plante utilisée et de la plante elle-même. Les plantes séchées sont mises dans des sacs ou des pots à l'abri de la lumière, de l'humidité et au frais avec la date de la récolte.

Les herboristes préfèrent transformer eux-mêmes les plantes lorsque cela est possible. Le mode de production artisanal permet de maîtriser toutes les étapes. Pour extraire les principes actifs, plusieurs techniques sont utilisées avec des plantes fraîches ou séchées. Les techniques les plus simples sont l'infusion (en versant de l'eau chaude sur la plante) et la décoction (en faisant bouillir la plante dans l'eau) qui sont utilisées pour des tisanes, des bains, des cataplasmes et compresses. Ces techniques, accessibles à tous, sont les plus utilisées par les herboristes amateurs et faisaient partie des techniques de fabrication des remèdes à base de plantes de la médecine populaire.

Une autre technique, la macération permet d'extraire les principes actifs en laissant la plante macérer à froid dans un solvant, soit de l'eau, de l'huile, de l'alcool, du vinaigre, de la glycérine du vin ou du miel pendant une longue période allant de quelques jours à quelques semaines. Le choix du solvant se fait en fonction de la plante, des propriétés à extraire et de l'administration du remède.

Les procédés de fabrication relativement simples sont artisanaux et ne nécessitent pas d'outils et d'équipement particulier.

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Apprentissage et transmission

Les connaissances et les savoir-faire liés à l'usage des plantes médicinales se transmettaient au sein des familles et des communautés par le geste et la parole, mais également par l'écrit grâce à l'apparition d'informations médicales dans les journaux, les ouvrages de vulgarisation et les almanachs dans la première moitié du 20e siècle. Ces apprentissages concernaient les maladies courantes et les accidents mineurs affectant les membres de la famille (rhumes, blessures mineures, entorses, brûlures, etc.). Dans les années 1960-1970, avec le développement de l'industrie pharmaceutique et une plus grande accessibilité aux soins de santé l'usage traditionnel des plantes médicinales est relégué au rang de pratiques folkloriques.

Même si les savoirs et savoir-faire s'étiolaient, leur transmission, bien qu'incomplète s'est poursuivie au sein des familles. Ce n'est que dans les années 1980-1990 avec la popularité des médecines alternatives que renaît un intérêt pour l'usage des plantes médicinales.

L'apprentissage et les modes de transmission reposent aujourd'hui sur différentes communautés d'intérêts, groupes et individus, qui perpétuent ces connaissances et savoir-faire en offrant des cours, des ateliers, des promenades botaniques. Les connaissances des propriétés des plantes médicinales s'appuient sur l'empirisme mais également sur l'étude de la biologie humaine et sur les études ethnopharmacologiques.

Les pratiques liées à l'usage des plantes médicinales s'inscrivent aujourd'hui dans une démarche de transmission en phase avec le mode de vie contemporain, mais conforme aux valeurs véhiculées par l'herboristerie traditionnelle : respect de la personne, de la nature, réappropriation des traditions concernant les connaissances, les savoir-faire et les pratiques et accès au plus grand nombre.

Bien que les connaissances et les savoir-faire liés aux plantes médicinales soient toujours transmis au sein des familles dans les communautés des Premières Nations, plusieurs initiatives sont mises sur pied afin d'assurer la transmission des savoirs herboristiques de la médecine traditionnelle aux jeunes générations: inventaires des plantes médicinales et des savoirs associés, recherche participative avec des chercheurs et initiation de la jeune génération par les aînés lors d'ateliers ou d'excursions sur le territoire.

Les savoir-faire et les pratiques concernant l'identification, la cueillette, la culture et la transformation des plantes médicinales demeurent artisanaux et sont, en théorie, accessibles à tous.

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Références

Notices bibliographiques :

  • ASSELIN, Alain et Jacques MATHIEU. Curieuses histoires des plantes du Canada, Tomes 1 à 4. Québec, Éditions du Septentrion, 2014. s.p.
  • BÉLIVEAU, Denis et Johanne COLLIN. Histoire de la pharmacie au Québec. Montréal, Musée de la pharmacie du Québec, 1994. 333 p.
  • BILODEAU, Maryse. La diffusion par les imprimés des connaissances sur les plantes médicinales au Québec de 1860 à 1950. Université de Sherbrooke, 1999. 171 p.
  • CÔTÉ, Ginette, Serge GENEST et Francine SAILLANT. Se soigner en famille : les recettes de médecine populaire dans les familles québécoises du début du XXe siècle. Rapport de recherche. Québec, Centre de recherche sur les services communautaires de l'Université Laval, 1990. s.p.
  • Enregistrement avec ELLIOTT, Heather, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Montréal, 17 mars 2020.
  • Enregistrement avec GAGNON, Caroline, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Saint-André-Avellin, 26 février 2020.
  • Enregistrement avec IMBEAULT, Natacha, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Lanthier, 11 février 2020.
  • Enregistrement avec LANOË, Sonia, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Saint-Jean-Port-Joli, 18 mars 2020.
  • LAVOIE, Kathia, Pricilla MESTOKOSHO, Georgette MESTOKOSHO, Julie MOLLEN et Agathe NAPESS. « Innu-Natukuna : la cueillette de plantes médicinales par des membres de la communauté d’Ekuanitshit ». Recherches amérindiennes. Vol. 45, no 2-3 (2015), p. 33-45.
  • LÉGER, Annie. Biodiversité des plantes médicinales québécoises et dispositifs de protection de la biodiversité et de l’environnement. Université du Québec à Montréal, 2008. 197 p.
  • LESSARD, Rénald. Au temps de la petite vérole. La médecine au Canada aux XVIIe et XVIIIe siècles. Québec, Éditions du Septentrion, 2012. 450 p.
  • Enregistrement avec NOËL, Marie-Hélène, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Saint-Michel-de-Bellechasse, 16 mars 2020.
  • Enregistrement avec PELLETIER-COUILLARD, Jacinthe, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Kamouraska, 19 février 2020.
  • Enregistrement avec ROBICHAUD, Robin, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), s.l., 9 mars 2020.
  • Enregistrement avec SIMARD, Eureka, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Savoirs, savoir-faire et pratiques liés à l’usage des plantes médicinales », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Saint-Magloire, 10 mars 2020.
  • TÉSIO, Stéphanie. Histoire de la pharmacie en France et en Nouvelle-France au XVIIIe siècle. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2009. 331 p.

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