Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Danse autochtone: exprimer sa culture

Type :

Patrimoine immatériel

Thématique :

  • Patrimoine autochtone (Patrimoine des Premières Nations)

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression

Classification :

  • Pratiques éthiques > Pratique religieuse > Cérémonie > Danse / Chant
  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Danse

Éléments associés

Patrimoine immatériel associé (2)

Inventaires associés (1)

Description

Les danses traditionnelles autochtones s'inspirent de la cosmogonie, des évènements et des activités quotidiennes. À caractère spirituel, elles font partie des rites de passage, de guérison ou de chasse. Les danses sociales accompagnent les rencontres communautaires ou intertribales. La danse raconte également une histoire, un haut fait de guerre ou de chasse.

La danse actuelle conserve un lien étroit avec la tradition spirituelle autochtone. Les danses pratiquées dans les pow-wow ne sont pas dénuées de spiritualité. C'est toujours un moyen privilégié pour entrer en contact avec le monde des esprits et des ancêtres. C'est pourquoi, les danseurs sérieux mettent un tel soin à fabriquer leur regalia, à purifier leurs habits ainsi qu'eux-mêmes, et à prier avant la danse. La plupart des danses traditionnelles pratiquées dans les pow-wow conservent les types de danses autrefois usuels : les danses de guerre, de guérison, de chasse ou des moissons, les danses sociales et à caractère expressif.

Haut de la page

Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

Haut de la page

Historique

Les Européens furent impressionnés et choqués par les danses autochtones. Les danses de guérison, «nues», et de contact physique entre les deux sexes devinrent rapidement, pour les missionnaires, des danses «diaboliques». Les convertis devaient renoncer à ces «superstitions».

Les récits des missionnaires offrent moult descriptions des cérémonies, des évènements et des danses qu'on y pratique: la danse du calumet chez les Illinois, la danse de l'ours et les danses en rond chez les Hurons, les danses de mariage, de guérison et de guerre chez les Micmacs, etc. Le père Jean de Lamberville, en mission chez les Iroquois en 1676, décrit, avec force détails, un rituel de guérison qui dura neuf jours avec l'usage de différentes danses. Lors de son voyage au Michigan, Lahontan (1688) distingue : la danse du calumet, celle du chef, la danse de guerre, la danse de mariage et la danse du sacrifice. Montcalm en visite chez les Hurons de Lorette en 1758 nomme quelques danses exécutées lors d'un festin : les danses de Chaouénons, celle du calumet, de la découverte, et des danses «lubriques» appelées danses de la nuit et du boeuf. La danse de la découverte est décrite dans une édition du Voyageur François (1775). Il s'agit d'une «imitation de ce qui se fait dans une expédition militaire. Un homme y paraît toujours seul; et d'abord il s'avance lentement au milieu des assistants. Il y demeure quelques temps immobile; et ensuite il représente le départ des guerriers, la marche et les campements. Il va à la découverte; il fait des approches, il s'arrête comme pour reprendre haleine».

La tradition orale nous renseigne également sur les danses encore pratiquées au début du XXe siècle. Chez les Innus, avant de partir pour la chasse, on demandait à un aîné de jouer du tambour pour repérer la présence du caribou. Les participants dansaient au son du tambour. Au retour de la chasse, on organisait un makushan, un aîné jouait du tambour et on dansait pour remercier le caribou. Dans certaines communautés Innus, on pratique encore la danse au tambour ou la danse du cercle, pour les mariages, les bonnes chasses, les fêtes. Les hommes et les femmes dansent en cercle l'un derrière l'autre dans le sens des aiguilles d'une montre, en faisant de petits pas au son du tambour innu.

Les origines de plusieurs danses, toujours en usage, sont difficiles à établir. Recompositions de formes antérieures locales, elles sont parfois combinées à des éléments culturels communs. Plusieurs sont des hybrides ou de nouvelles créations après le contact. La Smoke dance des Mohawks, était une danse de guerre qui serait devenue cérémonielle en l'honneur des guerriers. Elle serait le fruit d'un amalgame entre les danses guerrières Osage et Haudenosaunee. Autrefois pratiquée exclusivement par les hommes, elle est aujourd'hui intégrée aux danses de pow-wow; exécutée par les deux sexes et livrée au son du tambour d'eau traditionnel iroquoiien. Selon la tradition orale, la danse du serpent (Snake dance) pratiquée par les Micmacs aurait été donnée en cadeau à la nation Mohawk par le Grand Conseil en 1749. Chez les Micmacs on danse toujours le Koju'a, une danse sociale en cercle accompagnée de chants particuliers lors de célébrations, mariages ou rassemblements de la communauté.

Ces danses se sont modifiées au gré des contacts intertribaux, des migrations et des contacts avec les Européens. Le contexte de pratique de la danse a aussi changé: l'interdiction de certaines cérémonies religieuses, la christianisation et la sédentarisation ont fait disparaître plusieurs danses rituelles. Les danses rituelles sont aujourd'hui utilisées lors de cérémonies réservées aux autochtones, de rencontres et dans les cercles de guérison.

Les emprunts, les échanges, le métissage des danses n'est donc pas un phénomène nouveau. Les danses de pow-wow représentent bien cette «continuité transformative» et s'inscrivent dans le présent en plongeant des racines dans le passé.

Haut de la page

Contexte

Pour bien des danseurs, il ne s'agit pas de reconstituer les danses anciennes, mais d'exprimer une identité culturelle. Un danseur de l'herbe Atikamekw (Grass dance) explique que cette danse est celle des raquettes. «On était des nomades ici, il fallait préparer le campement ou les lieux de cérémonies en forêt et l'hiver on le faisait avec des raquettes.» Cette danse vient possiblement des nations des Plaines de l'Ouest. Aujourd'hui, elle conserve sa signification première : assurer la purification de l'espace sacré de l'aréna dans les pow-wow. Les danseurs exécutent de brusques bonds, en sautillant et en croisant leurs pieds.

Les danses traditionnelles pour les hommes représentent des aventures de chasse, d'expéditions guerrières ou imitent des animaux. Plusieurs viennent des sociétés guerrières des Plaines. Le Duck and Dive dance simule l'esquive d'une attaque. Par sa gestuelle, le danseur montre sa fierté, son courage et son habileté. Un danseur algonquin pratiquant la danse furtive (Sneak up dance), s'inspire de la chasse; il se déplace au ras du sol, accroupi, le pied posé à plat au sol, le haut du corps agité de mouvements vifs.

Un danseur Atikamekw expérimenté tire son inspiration de la nature : «Il faut savoir écouter, regarder. Un jour j'ai vu un ours danser». Il mime l'animal dressé, poussant des grognements, les pattes de devant fouettant l'air. Ces danses décrivent la place des animaux dans le bestiaire et la cosmogonie autochtone.

Les danses des femmes se caractérisent par une grande réserve. Elles se déplacent lentement avec un gracieux mouvement des épaules à peine perceptible. Une danseuse explique que les femmes sont des porteuses de vie et gardiennes de la Terre-Mère; elles doivent y aller doucement dans leurs mouvements. Les franges de leur regalia doivent caresser le sol avec élégance. La danse du châle (Fancy shawl) symbolise la naissance des papillons, le retour du printemps. Les femmes déploient leurs châles, elles tournent rapidement sur elles-mêmes en croisant un pied devant l'autre et en dansant sur la pointe des pieds. Pour Christiane, danseuse, cette danse raconte une légende atikamekw.

Parmi les danses de guérison anciennes, survit toujours la danse des clochettes ou sonnailles (Jingle dress dance). On doit toujours entendre les clochettes, les pieds sont en mouvement et les danseuses se déplacent en zigzags. Lorsqu'une femme s'engage dans cette danse, elle doit s'astreindre au jeûne pendant une certaine période. Pratiquée dans les pow-wow, elle est aussi exécutée pour la guérison d'un proche ou lors de rencontres de guérison.

Les danses en cercle (Round dance) sont anciennes pour plusieurs nations. Elles célèbrent la cohésion sociale et l'amitié. Vêtus de leurs habits quotidiens ou de leurs regalias, spectateurs et danseurs sont invités à participer. Menés par un danseur, les participants se regroupent en rangées dans un cercle. Les rangées se déplacent et forment un ruban.

Depuis quelque temps, la tendance est à la remise en valeur des danses particulières et uniques des nations hôtes des pow-wow. La Smoke dance est ainsi devenue une danse de compétition des pow-wow de la nation Mohakw, tandis que le pow-wow traditionnel de Listuguj met à l'honneur le Koju'a, danse sociale des Micmacs.

Certains refusent de danser lors d'événements culturels et touristiques puisque, pour eux, il ne s'agit pas de «montrer» ou de mettre en spectacle la culture autochtone, mais bien de vivre une expérience personnelle de communication avec les puissances spirituelles.

Haut de la page

Apprentissage et transmission

Le récollet Chrestien Le Clercq (1691) note que les danseurs semblent n'observer aucune règle «ni mesure, que celle que leur caprice leur inspire». Cette affirmation est fondée mais inexacte. Même si, dans les pow-wow, les danses sont définies par des chorégraphies, cela n'empêche pas l'existence d'autant de styles d'interprétation qu'il y a de danseurs. On danse sur des thèmes communs aux Premières Nations: la chasse, la guerre, la guérison, les alliances, les réjouissances.

L'apprentissage d'un style particulier de danse se fait lors des pow-wow auprès des danseurs émérites et dans le milieu familial. Les enfants débutent souvent vers l'âge de quatre ou cinq ans. Ils accompagnent leurs parents et apprennent les règles et l'étiquette des pow-wow.

La danse n'est pas seulement un divertissement ou une expression esthétique, elle est aussi source d'enseignements spirituels et culturels. La danse et ses accessoires servent à la transmission de l'histoire, de la cosmogonie et de la spiritualité. L'individu crée son propre espace dans ce fonds culturel commun. La danse est devenue pour plusieurs une «médecine» qui permet de se recentrer sur soi-même et être en harmonie avec la Création. Certains considèrent leur danse comme une offrande au Créateur, mais aussi à la communauté. Danser, c'est marcher sur les traces de ses ancêtres, c'est faire revivre la mémoire de son peuple, c'est communiquer avec le monde surnaturel. Les danseurs expérimentés peuvent «voir» lorsqu'un danseur est avec les esprits.

Si la fonction rituelle de la danse s'est quelque peu estompée, elle conserve toujours une vocation spirituelle et communautaire, c'est un espace de partage culturel. Bien qu'on danse toujours lors de rencontres communautaires et que des ateliers de danse soient offerts aux enfants dans certaines communautés, l'espace et le contexte traditionnel de la danse sont de plus en plus circonscrits. Aujourd'hui, l'aréna des pow-wow est devenu le lieu d'expression de son identité par le biais de la danse.

Danser est un moyen de renouer avec des traditions qui, même si elles sont métissées, maintiennent l'esprit des danses anciennes de sa propre culture.

Haut de la page

Références

Notices bibliographiques :

  • Enregistrement avec BIROTÉ, Christiane, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La confection des régalias », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Wemotaci, 23 août 2013.
  • Enregistrement avec BOIVIN, Sabrina, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « L'habit de pow-wow », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Lac-Simon, 26 juin 2013.
  • BROWNER, Tara. Heartbeat of the people : music and dance of the northern pow-wow. Music in American life. Urbana, University of Illinois Press, 2002. 163 p.
  • DABLON, Claude. Relations inédites de la Nouvelle-France (1672-1679) : pour faire suite aux anciennes relations (1615-1672). Voyages et travaux des missionnaires de la Compagnie de Jésus, 3-4. Paris, Douniol, 1861. s.p.
  • Enregistrement avec FLAMAND, Sipi, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Le déroulement d'un pow-wow et l'habit de pow-wow », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Manawa, 9 juillet 2013.
  • LA PORTE, Joseph de. Le voyageur françois, ou La connoissance de l'ancien et du nouveau monde. Tome XI. Paris, L. Cellot, 1775. 490 p.
  • LAHONTAN, Louis Armand de Lom d'Arce, baron de. Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan dans l'Amérique septentrionale. Paris, Les Frères l'Honoré, 1703. 330 p.
  • LE CLERCQ, Chrestien. Nouvelle relation de la Gaspésie : qui contient les moeurs & la religion des sauvages gaspésiens Porte-Croix, adorateurs du soleil, & d'autres peuples de l'Amérique septentrionale, dite le Canada : dédiée a Madame la princesse d'Épinoy. Paris, A. Auroy, 1691. 572 p.
  • MONTCALM, Louis-Joseph de. Journal du marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759. Québec, L.J. Demers & frères, 1895. 512 p.
  • SABLE, Trudy. « Multiple Layers of Meaning in the Mi'kmaw Serpent Dance ». The Centre for Rupert's Land Studies. Papers of the Twenty-Eighth Algonquian Conference. Winnipeg, University of Manitoba, 1997, p. 329-340.
  • THWAITES, Reuben Gold. The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and explorations of the Jesuit missionaries in New France, 1610-1791. Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896. s.p.
  • Wapikoni mobile. Wapikoni mobile. Cinéma des Premières Nations [En Ligne]. http://www.wapikoni.ca

Multimédias disponibles en ligne :

Haut de la page

Gouvernement du Québec

© Gouvernement du Québec, 2013