Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Ferronnerie d'art

Type :

Patrimoine immatériel

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Savoir-Faire

Éléments associés

Inventaires associés (1)

Images

Description

La création d'éléments décoratifs en fer forgé est une forme d'expression artistique fondée sur un savoir-faire technique transmis de génération en génération. Cette pratique consiste à façonner le fer chaud en le martelant sur l'enclume au moyen d'un marteau. Des pièces de formes et de dimensions variées sont ensuite assemblées par imbrication ou par soudage afin de former une œuvre. Tandis que les forgerons fabriquent généralement des objets fonctionnels, les ferronniers d´art se distinguent par leur liberté de création et l'esthétique de leur travail. Aujourd'hui, la pratique de la ferronnerie d'art ne s'adresse plus seulement aux hommes et se transmet au moyen de cours, d'ateliers et d'animations plutôt que dans la sphère familiale, comme c'était le cas traditionnellement.

Haut de la page

Historique

Au Québec, la création d'éléments décoratifs en fer forgé remonte à l'époque de la Nouvelle-France. Le fer est l'une des premières ressources qu'on tente d'exploiter dans la colonie. Le Roi Louis XIII octroie d'ailleurs d'importants privilèges aux artisans du fer. Toutefois, les techniques de transformation des métaux sont rudimentaires et la production demeure trop faible pour combler les besoins de la colonie. C'est pourquoi, à cette époque, ce marché dépend encore de l'importation de fer depuis la France et la Suède. Il faut attendre la conquête anglaise pour voir l'activité ferronnière augmenter en même temps que l'on introduit en sol québécois des méthodes de travail plus performantes.

Les métiers de la forge sont introduits par les colons français et anglais et se déclinent en différentes spécialités, dont la ferronnerie d'art. Les premiers forgerons de la Nouvelle France proviennent majoritairement de Franche-Comté, une région réputée pour ses artisans du fer. À partir de 1720, on préfère appeler les artisans du fer des « forgerons » plutôt que de faire référence à leurs spécialisations de ferronnier, de maréchal-ferrant ou encore de charron. Cela s'explique en partie par l'instabilité économique du Canada et les conflits entre les colons français, anglais et les Premières Nations, qui conditionnent les besoins en fer et amènent les artisans à travailler dans plusieurs domaines.

Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, un flux migratoire découlant de la conquête anglaise et de la guerre d'indépendance américaine amène des artisans anglais, écossais, irlandais et américains dans la province de Québec. Ils apportent avec eux des savoir-faire nouveaux tels que les techniques du « creuset » et du « puddlage », permettant d'assurer la qualité des pièces ouvragées par une meilleure manipulation des métaux.

Au XIXe siècle, l'activité des ferronniers de campagne connaît une importante recrudescence, car elle continue de répondre adéquatement à la demande locale en croissance. Au même moment, l'inverse se produit dans les milieux urbains, là où les besoins sont tels que, rapidement, les forgerons n'arrivent plus à les combler. Les pratiques de ferronnerie urbaine se transforment alors au détriment de l'originalité artisanale avec l'arrivée des fonderies et l'utilisation de modèles industriels en fonte. Cette méthode permet d'augmenter considérablement la production. De plus, l'existence de pièces en fer moulé permet aux classes aisées des villes de se procurer des éléments décoratifs pour orner leur demeure à moindre coût. En 1830, on ne compte donc plus de 30 forges à Montréal, et ce chiffre continue de baisser après 1850. Les ferronniers continuent à réaliser des corrections sur les pièces usinées jusqu'aux années 1880, mais disparaissent progressivement du paysage citadin par la suite.

À partir des années 1930-1940, le style Art Nouveau fait fureur au Québec. Celui-ci met à l'honneur le fer et des motifs ornementaux tels que la spirale, comme dans le cas de la volute en architecture. On voit alors réapparaître un intérêt marqué pour la création de pièces ornementales en fer forgé. Celles-ci sont omniprésentes, notamment dans le décor des villes de Québec et de Montréal. De nombreux ferronniers vont saisir l'occasion et se spécialiser dans la ferronnerie d'art. Cette mouvance, qui se concentre sur la création d'objets décoratifs en fer forgé, permet de revaloriser les techniques de forge traditionnellement pratiquées au Québec depuis 300 ans. Malgré la prédominance industrielle dans ce domaine, l'apprentissage de la ferronnerie d'art est aujourd'hui accessible grâce à la multitude de formations offertes par diverses organisations, dont les forges de Montréal.

Haut de la page

Contexte

C'est à la forge que le ferronnier travaille. La forge est souvent située à proximité de la résidence de l'artisan. Elle fait aussi office de lieu d'apprentissage et d'exposition des œuvres en cours de création. Certains forgerons ont un espace boutique directement à la forge, ce qui leur permet d'allier les deux principaux aspects de leur travail, soit le contact avec le client et la création.

Le ferronnier d'art peut récupérer d'anciens outils ou les fabriquer lui-même, en fonction des manipulations qu'il doit effectuer pendant son travail. Les besoins techniques de l'artisan l'amènent progressivement à diversifier son outillage usuel. Il est traditionnellement représenté « avec ses outils essentiels, l'enclume, la pince et le marteau de grande taille ». La soufflerie permet de mieux contrôler l'intensité du feu de forge. Mis à part cela, l'utilisation des outils n'a pas beaucoup changé à travers le temps. L'artisan peut utiliser un tablier pour se protéger des étincelles et ce que l'on appelle une « mouillette » pour gérer l'intensité du feu de forge. Des outils secondaires tels que la guillotine, le tas, l'étau, la scie et la table de traçage peuvent aussi être utilisés selon les besoins.

Le ferronnier d'art crée des œuvres en fer forgé. Il peut aussi restaurer les éléments décoratifs des bâtiments ancestraux. Le travail de ferronnier d'art est très exigeant. L'artisan doit avant tout allumer le feu de forge et faire brûler le charbon de bois dans le pot de fonte. Le feu de forge doit atteindre la bonne température afin de permettre le travail du fer. Plus la transformation que l'on veut apporter au fer est grande, plus la température doit être élevée. Lorsque vient le temps d'amener le fer à incandescence, son exposition au feu doit être rigoureusement maîtrisée afin de ne pas brûler la matière. L'artisan façonne ensuite le fer en le martelant sur l'enclume au moyen d'un marteau. Des pièces de formes et de dimensions variées sont ensuite assemblées pour former l'œuvre dans son intégralité.

Pour être ferronnier d'art, il faut connaître les étapes de la transformation et de l'assemblage de la matière. L'artisan doit également savoir établir un contact avec le client afin de lui proposer un projet adapté aux contraintes de sa commande. Le ferronnier d'art a un intérêt pour le travail physique, il est à l'écoute de ce qui se fait actuellement et a un bon sens de l'observation, afin de créer des pièces originales et harmonieuses. Enfin, il aime expérimenter et accepte de voir son projet évoluer au fur et à mesure du travail.

Bien que la ferronnerie d'art soit plus accessible au grand public de nos jours par le biais de cours, d'ateliers et d'animations, l'intérêt pour ce savoir-faire demeure marginal et il est encore difficile d'assurer la relève des artisans qui se retirent du métier. Les artisans peuvent recevoir des commandes privées de la part de particuliers et être sollicités par des municipalités ou des organismes qui œuvrent à la protection du patrimoine pour restaurer et créer les éléments décoratifs de bâtiments ancestraux. Compte tenu de l'investissement qu'exige cette pratique, il s'agit la plupart du temps de l'activité principale de l'artisan. Cependant, il est possible que certaines personnes pratiquent cette activité comme loisir.

Haut de la page

Apprentissage et transmission

La maîtrise de la ferronnerie d'art se transmet traditionnellement de maître à élève. La plupart du temps, l'élève est invité à travailler chez son maître en l'assistant dans la réalisation de ses projets, le temps de parfaire ses compétences techniques. En général, l'apprentissage des bases prend entre trois et cinq ans. Ensuite, il faut compter environ une dizaine d'années pour maîtriser parfaitement les étapes du travail. Le métier de ferronnier d'art n'est pas réglementé par un ordre professionnel. Tous les artisans, qu'ils aient suivi leur formation chez un artisan professionnel ou dans une école de forge, peuvent être membre de la confrérie des forgerons du Québec, qui est associée à la Artist Blacksmith's Association of North America.

Puisque chaque maître ferronnier se différencie par son style, sa facture peut également être reprise par son élève lors de l'apprentissage. Aujourd'hui, il est plus difficile pour les apprentis de trouver un maître qui soit disponible pour leur montrer les rudiments de la ferronnerie d'art, car beaucoup n'offrent pas officiellement de cours. Il existe désormais de nombreux ouvrages de référence sur la ferronnerie, mais c'est la pratique qui permet réellement à l'artisan d'améliorer sa technique.

Les forges de Montréal offrent des cours de forge traditionnelle qui visent à assurer une relève dans ce domaine. En consultant le site Internet de La Confrérie des forgerons du Québec, il est également possible de trouver les coordonnées d'un professeur. De plus, le Conseil des métiers d'art du Québec propose un programme de mentorat-consultation avec des maîtres forgerons de plusieurs régions.

Haut de la page

Références

Notices bibliographiques :

  • BOUCHARD, Dominique. « Structure et effectifs des métiers du fer à Montréal avant 1765 ». Revue d'histoire de l'Amérique française.. Vol. 49, no 1 (1995), p. 73-85.
  • Confrérie des forgerons du Québec. Confrérie des forgerons du Québec [En Ligne]. https://sites.google.com/site/forgeronqc/cours-de-forges
  • Conseil des métiers d'art du Québec. Répertoire des événements et des salons en métiers d’art au Québec [En Ligne]. https://www.metiersdart.ca/client_file/upload/pdf_doc/0_repertoire_des_salons_en_metiers_d_art_du_quebec_sept_2013.pdf
  • DUVAL, Paul-Marie. « Vulcain et le métal dans Travaux sur la Gaule (1946-1986) ». Publications de l'École Française de Rome (1989), p. 303-321.
  • GRENIER, John. The far reaches of empire: war in Nova Scotia, 1710-1760. Oklahoma, University of Oklahoma Press, 2008. 270 p.
  • LACOURSIÈRE, Jacques, Jean PROVENCHER et Denis VAUGEOIS. Canada-Québec: synthèse historique, 1534-2000. Québec, Éditions du Septentrion, 2001. 591 p.
  • Les forges de Montréal. Les forges de Montréal [En Ligne]. https://lesforgesdemontreal.org/
  • MARSOLAIS, Claude. « La ferronnerie d’art, un artisanat qui revit ». La Presse, 18 janvier 2006, s.p.
  • Enregistrement avec PARADIS, Michel, réalisé par TÉTREAULT, François, « La forge d'art », Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Mascouche, 9 mars 2020.
  • SAMSON, Roch. « Une industrie avant l'industrialisation : le cas des Forges du Saint-Maurice ». Anthropologie et Sociétés. Vol. 10, no 1 (1986), p. 85-107.
  • SIMARD, Cyril. Des métiers... de la tradition à la création: Anthologie en faveur d'un patrimoine qui gagne sa vie. Vol. 1. Sainte-Foy, Éditions GID, 2003. 416 p.
  • TREMBLAY, Robert. Du forgeron au machiniste: l'impact social de la mécanisation des opérations d'usinage dans l'industrie de la métallurgie à Montréal de 1815 à 1860. Université du Québec à Montréal, 1992. 383 p.
  • TRUDEL, Marcel. « Les Forges Saint-Maurice sous le régime militaire (1760-1764) ». Revue d'histoire de l'Amérique française.. Vol. 5, no 2 (1951), p. 159-185.
  • WYLIE, William N.T. Une matière nébuleuse: description de l’emploi dans le secteur du fer et de l’acier d’après les rapports des recensements imprimés de l’Amérique du Nord britannique, 1851-1891. Ottawa, Parcs Canada, 1983. 17 p.

Multimédias disponibles en ligne :

Haut de la page

Gouvernement du Québec

© Gouvernement du Québec, 2013