Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Câll de danses traditionnelles

Type :

Patrimoine immatériel

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression
  • Pratique

Classification :

  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Danse > Danse en groupe

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Description

Le câll de danses traditionnelles réfère aux indications qu'un câlleur, ou meneur de danse, donne à voix haute pour guider les danseurs dans l'exécution des figures d'un « set callé », plus connu sous l'appellation de « set carré ». Avec le temps, le câlleur développe un vocabulaire complet qui lui permet de décrire les mouvements de danse tout en les exécutant. Le câll - un terme emprunté de l'anglais call - facilite les interactions entre les couples de danseurs. Grâce à ce savoir-faire, le vaste répertoire qui est dansé dans les veillées est accessible. Il s'agit d'un élément du patrimoine immatériel québécois qui est transmis oralement au sein de la population québécoise depuis la fin du XIXe siècle.

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Historique

Le set câllé, tel qu'il est dansé au Québec au XXe siècle, conserve comme caractéristique d'origine le déroulement progressif et dynamique de la « country dance », née dans les milieux ruraux anglais au XVIIe siècle. Le set québécois comporte de multiples interactions entre quatre couples, ce qui rend indispensable le rôle du câlleur pour guider les danseurs. Les figures exécutées entre les couples de danseurs sont plus importantes que les pas de danse individuels. Toutefois, la « contre-danse » française a tout de même légué au set québécois certains pas popularisée au XVIIe siècle par le célèbre maître de danse Pierre Rameau. Le livre de contredanse découvert à Trois-Rivières confirme l'influence française dans la danse folklorique en Nouvelle-France.

Traditionnellement, le câll est un savoir-faire qui se pratique lors des grandes fêtes privées tenues chez un ami ou un membre de la famille. Il prend plus d'importance aux États-Unis lorsqu'on y danse des « squares ». La pratique du câll était utilisée pour guider les danseurs peu familiers avec la structure de cette danse aux origines française, britannique, irlandaise et écossaise. En Amérique, la plus ancienne trace du métier de câlleur daterait de 1825; Karl Bernhard, Duc de Saxe-Weimar-Eisenach, décrit l'ambiance endiablée d'un bal privé qui se donne à Columbia, en Caroline du Sud : "La musique consistait uniquement de deux violons et d'une tambourine (…) Les deux (musiciens) grattaient le violon dans le vrai sens du terme. L'un d'entre eux criait le nom des figures et imitait les mouvements de danse avec son corps. Le tout m'a beaucoup amusé". En d'autres termes, le câlleur maîtrise l'ambiance de la veillée afin que l'enthousiasme des danseurs ne prenne pas le pas sur l'exécution de la figure.

Aujourd'hui, un grand nombre de figures américaines se retrouvent dans le répertoire de danse traditionnelle du Québec. En 1977, l'étude des « squares » au Missouri et en Virginie de l'ouest démontre que ceux-ci continuent d'être câllés par l'un des danseurs. De plus, on sait que la structure des squares américains est quasi identique à celle du set québécois. Le câll émerge dans la culture populaire de plusieurs régions du Québec entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Fidèles à la façon de faire américaine, les câlleurs québécois dirigent d'abord les danseurs en anglais, pour ensuite franciser des termes. Dès les années 1930, l'acteur, chanteur et folkloriste montréalais Ovila Légaré parle de ce phénomène dans son autobiographie parue à Lachute en 1950. Il souligne à la fois que l'utilisation de l'anglais fait l'unanimité dans l'ensemble des milieux de danse au Québec mais que c'est le français qui devrait tout de même être priorisé dans les milieux francophones pour distinguer les particularités culturelles de cette population : "Les mots « Sets » et « Caller » sont tellement répandus dans la province de Québec, je craindrais de ne pas attirer l'attention des amateurs des danses carrées si j'employais un autre terme". Ovila Légaré est le premier à câller la danse traditionnelle québécoise en français. Il fonde aussi sa propre troupe de théâtre en 1935, laquelle va mettre en lumière des éléments du folklore québécois tel que le câll.

Entre 1930 et 1960, des postes de radio tels que CKAC et CFCF diffusent de célèbres câlleurs dans leurs émissions dédiées à la musique traditionnelle québécoise. Des cahiers de câll commencent à être commercialisés pour offrir des repères à ceux et celles qui voudraient danser chez eux en écoutant le câlleur à la radio. Les disques de danse câllée intègrent aussi peu à peu le marché. Ces facteurs ont contribué à diminuer le nombre de câlleurs.

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Contexte

Comme les grands rassemblements familiaux sont moins fréquents de nos jours, le câlleur pratique son savoir-faire dans des évènements de danse traditionnelle tels que le festival La Grande Rencontre et Les Veillées du Plateau dans la région de Montréal, ou dans des veillées de danses traditionnelles ou des cours de câll qui ont lieu dans toutes sortes d'environnements comme des écoles, des salles de spectacle ou des bars. Le câlleur doit s'adapter à de nombreux facteurs dans le cadre de sa pratique : le lieu où se déroule la veillée – que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur –, la compétence des danseurs, leur âge, la langue qu'ils comprennent, leur niveau de motivation et, surtout, leur collaboration.

Le câlleur de danse traditionnelle câll et danse parfois en compagnie des danseurs et des musiciens. Ce savoir-faire permet de donner des directives aux invités afin de les faire danser. Cette pratique est aussi nécessaire au maintien de l'ambiance d'une veillée. À l'époque où la radio a fait son entrée dans les foyers, les familles québécoises connaissaient la majorité des enchaînements de danse alors qu'aujourd'hui les danseurs amateurs ont perdu une partie de ce répertoire. Bien que les fondements soient toujours les mêmes, le câlleur a développé avec le temps un vocabulaire plus complet qui lui permet de mieux décrire les mouvements de danse. Savoir danser et chanter s'avère ont donc d´importants atouts pour câller. Il faut également aimer prendre la parole en public pour donner des consignes claires, avoir un bon sens de l'observation et posséder un bon répertoire de danse traditionnelle pour s'adapter au niveau des danseurs.

Un câlleur d'expérience se reconnait à la richesse de son répertoire de danses, à l'ambiance qu'il réussit à installer dans la veillée et au plaisir qui est partagé par les danseurs lorsqu'ils ont de la facilité à exécuter les figures d'une danse. Le bon déroulement de la veillée motive alors le câlleur dans sa pratique et lui permet de rassembler les danseurs.

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Apprentissage et transmission

Dans les années 1930, le câll de danse traditionnelle s'apprenait généralement en observant les membres de sa famille, ses oncles, ses tantes, ses cousins et cousines. On commençait à câller lors des réunions de famille, comme le soir du jour de l'An, par exemple. Aujourd'hui, le câll de danse traditionnelle s'exerce plus rarement par mimétisme. Il ne s'agit donc plus d'un apprentissage familial. Les gens qui veulent câller vont plutôt prendre des cours de câll un peu partout au Québec. Espace Trad à Montréal donne des cours de câll tout comme l'organisme les P'tits Pas Jacadiens dans Lanaudière qui en donne aussi. Des médiateurs en patrimoine comme Philippe Jetté offre également des cours de câll. L'organisme Réseau Québec Folklore dédie également un segment de sa revue à la description écrite ou illustrée d'une nouvelle danse du répertoire traditionnel.

L'avenir du câll de danse traditionnelle québécoise est assuré à la fois par l'intérêt des troupes de danse, des musiciens actuels et du grand public envers des animations qui mettent de l'avant cette pratique. De plus en plus de femmes souhaitent également apprendre à câller. Aussi, les chorégraphes s'y intéressent davantage pour mieux diriger les danseurs dans l'apprentissage de nouvelles danses. Bien que les danseurs performent souvent sans directives, car la danse est apprise par cœur, il n'est pas exclu que le câll fasse partie du spectacle. L'incorporation du câll aux spectacles de danse traditionnelle contribue à le faire connaitre de tous.

Pour constituer un nouveau répertoire de câll, il est possible de se pratiquer en chantant les directives sur un « reel » enregistré, mais les techniques de câll se perfectionnent dans le contexte des veillées. La nouvelle génération de câlleurs se distingue de la génération précédente par la variété grandissante des styles et des milieux de pratique. Le développement des formations ou des outils écrits - comme des cahiers de danses - permettent désormais à la relève de mieux adapter leurs directives à la musique et aux intérêts des danseurs.

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Références

Notices bibliographiques :

  • Bernhard (Duke of Saxe-Weimar-Eisenach). Travels Through North America, During the Years 1825 and 1826. Vol. 2. Philadelphie, Carey, Lea & Carey, 1828. 238 p.
  • CHARTRAND, Pierre. « La danse en Nouvelle-France ». Bulletin Mnémo. Vol. 5, no 1 (2000), s.p.
  • CHARTRAND, Pierre et Normand LEGAULT. La danse traditionnelle dans le Bas-Saint-François (MRC Drummond et Nicolet-Yamaska). Traditions régionales. Drummondville, Mnémo, 1996. 150 p.
  • CHARTRAND, Pierre. « Le mouvement revivaliste depuis le début du siècle ». Centre Mnémo. Bulletin Mnémo [En ligne]. http://mnemo.qc.ca/bulletin-mnemo/article/le-mouvement-revivaliste-depuis-le
  • DALSEMER, Robert G. West Virginia Square Dances. New York, Country Dance & Song Society of America, 1982. 85 p.
  • EspaceTrad (SPDTQ). Espace Trad [En Ligne]. https://espacetrad.org/
  • JETTÉ, Philippe. Philippe Jetté (intervenant en tradition vivante) [En Ligne]. https://traditionsvivantes.com/services/ateliers/initiation-au-call/
  • LESSARD, Denis. « Ovila Légaré: un doux géant du folklore ». Centre Mnémo. Bulletin Mnémo [En ligne]. http://mnemo.qc.ca/bulletin-mnemo/article/ovila-legare-un-doux-geant-du
  • LIPPINCOTT, Peter et Margret LIPPINCOTT. Traditional Dance in Missouri: Southern Missouri Dancing. Vol. 1. St-Louis, Childgrove Country Dancers, 1984. 16 p.
  • Enregistrement avec MORIN, Gérald, réalisé par TÉTREAULT, François, « Le câll de danse traditionnelle », Enquête du patrimoine oral de Mascouche, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Nouvelle, 3 mars 2020.
  • Petits pas jacadiens. Câllez votre propre « set carré » ! [En Ligne]. https://lespetitspasjacadiens.com/blog/2016/02/24/callez-votre-propre-set-carre/
  • POWERS, Richard. Social Dances of the Nineteenth Century [En Ligne]. http://socialdance.stanford.edu/syllabi/19th_century_Fr.htm
  • Québec folklore. Québec folklore [En Ligne]. https://quebecfolklore.qc.ca/revue
  • Réseau des veillées de danse au Québec. Réseau des veillées de danse au Québec [En Ligne]. http://cqpv.herokuapp.com/programmes/reseau-des-veillees-de-danse-au-quebec
  • TREMBLAY, Ginette et Simonne VOYER. La danse traditionnelle québécoise et sa musique d'accompagnement. Explorer la culture. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001. 159 p.
  • VOYER, Simone. « La naissance du cotillon et du quadrille, contredanses françaises ». Les Cahiers de l’association pour l’avancement de la recherche en musique au Québec (2017), p. 118-126.

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