Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Inscrit au Registre du patrimoine culturel

Meunerie artisanale

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Pratique artisanale du métier de meunier

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Connaissance
  • Pratique
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques alimentaires > Transformation > Traitement des aliments > Féculent
  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques de production > Végétal

Éléments associés

Patrimoine immobilier associé (10)

Patrimoine immatériel associé (3)

Images

Description

La meunerie artisanale est un processus de transformation des grains en farine qui repose sur un ensemble de connaissances et de savoir-faire transmis de maître à apprenti, de génération en génération. Elle se distingue de la minoterie industrielle par l'utilisation d'une machinerie ancienne, le plus souvent activée par la force de l'eau ou du vent. L'artisan meunier comprend bien le fonctionnement et connaît tous les rouages du moulin ancien dont il est maître et gardien.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Désignation Élément du patrimoine immatériel Ministre de la Culture et des Communications 2022-06-23
 

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Valeur patrimoniale

La meunerie artisanale est une pratique séculaire au Québec, aujourd'hui tributaire de quelques personnes qui la perpétuent. Les meuniers possèdent un ensemble de connaissances et de savoir-faire qui se transmettent par compagnonnage, un processus long et exigeant, tant pour le maître que pour l'apprenti. Pendant l'acquisition de ses compétences et tout au long de sa pratique, le meunier développe ses sens, lesquels sont fort sollicités lorsqu'il produit de la farine. Il donne également vie à des immeubles patrimoniaux, où il transforme le grain en une farine de grande qualité à l'aide d'une machinerie ancienne qu'il est généralement seul à maîtriser. Chaque moulin ancien possède en effet de l'équipement et des caractéristiques propres qui doivent être préservés, ce qui oblige son gardien à avoir des connaissances dans plusieurs autres domaines que la meunerie, comme la mécanique, l'architecture, la cordonnerie, la maçonnerie et l'agriculture. Le meunier exerce son métier traditionnel en s'adaptant aux changements technologiques et normatifs qui ponctuent sa pratique agroalimentaire, tout en maintenant des savoir-faire ancestraux. La meunerie artisanale – en conjonction avec les lieux qui lui sont associés, ainsi que les produits qui en découlent – suscite un sentiment de fierté et de continuité, et forme un élément du patrimoine immatériel québécois.

Source: Ministère de la Culture et des Communications, 2022.

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Historique

Au Québec, les origines de la meunerie artisanale remontent au Régime français. Le meunier contrôle alors une opération centrale de l'alimentation : la transformation des grains en farine. En effet, sous le Régime français, le pain constitue la base de l'alimentation, représentant entre 60% et 85% de la quantité d'aliments consommés quotidiennement. Face à l'importance du pain, de nombreux règlements sont promulgués par les autorités coloniales pour assurer sa qualité ainsi que la disponibilité du blé.

Sous le régime seigneurial, la construction et l'entretien d'un moulin à blé font partie des principaux services mis en place par le seigneur, qui paie également les gages du meunier. Il peut toutefois s'écouler plusieurs décennies entre la concession d'une seigneurie et la construction d'un moulin, puisqu'il s'agit d'un investissement important qui nécessite des revenus (et donc un peuplement) conséquents pour être rentable. Le moulin seigneurial est «banal», c'est-à-dire que les censitaires sont obligés d'y faire moudre leur grain : ils ne peuvent ni aller dans une seigneurie voisine ni construire leur propre moulin. Le moulin banal est lié au «droit de mouture», une redevance prélevée par le meunier sur les grains moulus et qui correspond au quatorzième minot de farine. La farine est donc à la fois un aliment essentiel pour la population et une source de revenus pour le seigneur. Permettant au seigneur d'entretenir le moulin et de rétribuer le meunier, le droit de mouture devient plus lucratif à mesure que la population croit.

Le travail du meunier alterne les phases d'efforts physiques, d'attente et de surveillance. Il est donc tout aussi exigeant sur le plan physique que psychologique. Levé avant le chant du coq, le meunier fait tourner le moulin jusqu'après le coucher du soleil. Les intempéries menacent ses activités et il doit être attentif aux moindres variations atmosphériques. Pour s'assurer de la qualité de sa farine et éviter les bris, le meunier est tenu de maintenir le débit constant du moulin. À la moindre inadvertance, une trop grande vitesse de rotation ferait rougir la farine.

La pratique artisanale du métier de meunier est donc complexe et repose sur un long apprentissage. Pour assurer sa relève, le maître meunier doit recruter un apprenti. À l'époque coloniale, cette transmission se fait souvent par le biais du père ou d'un membre de la famille. Une fois le contrat établi, le jeune homme est logé chez le meunier, dans la demeure familiale ou à même le moulin et lui doit fidélité et obéissance. L'apprentissage individuel débute à l'adolescence et s'achève à la retraite du maître, parfois des dizaines d'années plus tard.

Durant la seconde moitié du XIXe siècle, le remplacement des meules par les rouleaux d'acier et l'adoption du « système de réduction graduelle », une méthode de mouture plus rentable, modifie le quotidien des meuniers. Combiné à l'abandon du régime seigneurial en 1854 et à l'augmentation des exportations de blé vers les États-Unis, cet essor technologique a progressivement raison de la meunerie artisanale. Ainsi, le nombre de moulins sur le territoire passe de 2550 en 1891 à 801 en 1922.

Bien que la majorité de ces anciens moulins aient aujourd'hui disparu, le Québec compte encore près d'une centaine de moulins artisanaux, parmi lesquels 33 sont classés comme immeuble patrimonial en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel. Une dizaine de ces moulins patrimoniaux sont encore en fonction grâce aux meuniers qui mettent leur savoir faire traditionnel en pratique.

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Contexte

La meunerie artisanale est recréée en permanence, s'adaptant aux changements technologiques apportés aux moulins. Ainsi, les meuniers ont ajusté leurs méthodes de travail à l'arrivée des bluteaux permettant la production de farine blanche, des nettoyeurs à grains remplaçant les cribleurs, ainsi qu'aux turbines puis aux moteurs se substituant aux grandes roues. Il est cependant toujours nécessaire de savoir opérer et entretenir les mécanismes anciens et de maîtriser le piquage des meules pour exercer le métier de meunier. Celui-ci exige des connaissances dans plusieurs autres domaines que la meunerie, comme la mécanique, la construction, la cordonnerie, la maçonnerie et l'agriculture.

Malgré les différences architecturales et mécaniques des moulins actionnés par la force de l'eau ou du vent, les meuniers suivent généralement les mêmes étapes pour transformer le grain. Ils s'assurent d'en placer une quantité suffisante dans une trémie, un réservoir en forme d'entonnoir placé au-dessus des meules. Après avoir mis en marche les turbines ou la roue à godets, les mécanismes s'activent et font tourner les meules qui coupent et broient le grain. La farine produite est acheminée par un système d'élévateurs vers le bluteau, où elle est mélangée et ensachée par le meunier. Malgré l'implantation récente de systèmes électroniques, le meunier se fie à ses cinq sens pour évaluer la qualité du grain utilisé ainsi que la farine qu'il produit. Il doit savoir sentir la présence d'un taux élevé d'humidité dans le grain, suivre le rythme de la machinerie en fonction, évaluer la texture du bout des doigts et percevoir une saveur particulière au produit fini.

Comme ses ancêtres, le meunier d'aujourd'hui doit composer avec la réalité des vieux moulins. La poussière et les particules de farine y sont présentes en grande quantité et représentent un risque d'explosion. Le bruit y est constant et le chauffage, parfois inexistant. Les conditions sont dures et le meunier ou la meunière doit posséder une excellente forme physique. Le métier s'ouvre d'ailleurs aux femmes, mais les hommes y demeurent majoritaires. En plus de veiller à l'approvisionnement du moulin, de produire une farine artisanale de qualité, d'entretenir et de restaurer le moulin et son équipement et d'assumer les tâches administratives, les meuniers animent des visites au moulin et vulgarisent leur travail auprès de la clientèle.

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Apprentissage et transmission

La diversité des gestes et des connaissances que les meuniers doivent maîtriser explique la longue durée du processus d'apprentissage du métier. La transmission de la pratique se fait par un long compagnonnage pouvant s'étendre sur plusieurs années. Au fil de cette formation, l'apprenti est soumis à une variété de situations et bénéficie de l'expertise du maître meunier. Celui-ci enseigne l'entretien et la réparation de la machinerie ainsi que le piquage des meules. Il lui montre aussi à s'adapter aux nouvelles conditions engendrées par les changements de saison. Avant l'essor des minoteries industrielles, le meunier transmettait son savoir-faire à un apprenti qui prenait la relève une fois que le maître meunier avait quitté son poste.

Dans le contexte actuel toutefois, cette méthode de transfert des savoir-faire est plus difficile à mettre en œuvre. Les moulins artisanaux ne produisent pas toujours assez de farine pour assurer des revenus permettant l'embauche de deux meuniers à temps plein. De plus, les contraintes reliées à la relève et à la main-d'œuvre saisonnière, l'absence de formation et les frais reliés à la restauration des installations constituent des défis de taille pour la transmission du métier de meunier.

Par leurs actions, un grand nombre d'individus encouragent toutefois la pérennité du métier de meunier. Les clients et visiteurs des moulins permettent de les maintenir en fonction et d'en faire des lieux de rassemblement culturel. C'est autour de ceux-ci que se déroulent plusieurs festivités telles que les journées des moulins au début de l'été. Des associations ou organismes à but non lucratif veillent également à la sauvegarde de la meunerie artisanale en assurant la transmission des connaissances et des savoir-faire qui lui sont propres. À titre d'exemple, l'Association des moulins du Québec offre des conférences dédiées au grand public et des rencontres entre meuniers. Quelques initiatives comme celle du Moulin des Éboulements, qui a produit un document de référence pour l'apprenti meunier, participent également à la pérennité du métier.

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Références

Notices bibliographiques :

  • ADAM-VILLENEUVE, Francine et Cyrille FELTEAU. Les moulins à eau de la vallée du Saint-Laurent. Montréal, Les Éditions de L'Homme, 1978. 476 p.
  • ADAM-VILLENEUVE, Francine. Les moulins à eau du Québec : du temps des seigneurs au temps d'aujourd'hui. Montréal, Éditions de l'Homme, 2009. 190 p.
  • BOILEAU, Gilles. « Les piqueurs de meules ». Histoire Québec. Vol. 2, no 2 (1997), p. 21.
  • BUREAU-CAPUANO, Mélissa, Léopoldine MARCOTTE et Martin TRUDEL. Un moulin au fil de l'eau : le moulin Légaré, 1762-2012. Saint-Eustache, Corporation du Moulin Légaré, 2012. 79 p.
  • DESCHÊNES, Gilles. Quand le vent faisait tourner les moulins. Trois siècles de meunerie banale et marchande au Québec. Québec, Septentrion, 2009. 312 p.
  • DESLOGES, Yvon. À table en Nouvelle-France. Québec, Septentrion, 2009. 232 p.
  • GRAVEL, Denis. Moulins et meuniers du Bas-Lachine, 1667-1890. Sillery, Septentrion, 1995. 122 p.
  • GRENIER, Benoît. Brève histoire du régime seigneurial. Montréal, Boréal, 2012. 245 p.
  • L'HEUREUX, Réjean. Vocabulaire du moulin traditionnel au Québec des origines à nos jours: documents lexicaux et ethnographiques. Québec, Les presses de l'Université Laval, 1982. 465 p.
  • LANGLOIS, Michel. Des moulins et des hommes 1608-1700. Drummondville, La maison des ancêtres, 2005. 287 p.
  • LAPERLE, Dominique. Le grain, la meule et les vents. Le métier de meunier en Nouvelle-France. Québec, Les Éditions GID, 2003. 128 p.
  • W. BRENNAN, Paul. « Meunerie ». Historica Canada. L'encyclopédie canadienne [En ligne]. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/meunerie

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