Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Inscrit au Registre du patrimoine culturel

Veillée de danse

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Soirée de danse traditionnelle

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Pratique

Classification :

  • Pratiques coutumières > Pratiques coutumières des groupes > Vie de relations (sociabilité) > Loisir et divertissement
  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Danse > Danse en groupe

Éléments associés

Patrimoine immatériel associé (5)

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Description

La veillée de danse est un rassemblement festif basé sur la pratique collective de danses, principalement le set carré, la contredanse et le quadrille. Elle est habituellement menée par un calleur qui indique aux danseurs les figures à exécuter. Le calleur dirige la danse avec la complicité des musiciens, qui jouent des airs du répertoire traditionnel québécois. La veillée est un temps de divertissement qui relève à la fois du domaine des expressions artistiques et de celui des pratiques sociales. Elle est participative : danseurs expérimentés et néophytes se regroupent dans un esprit communautaire et une ambiance conviviale.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Désignation Élément du patrimoine immatériel Ministre de la Culture et des Communications 2015-03-21

Statuts antérieurs

  • Proposition de statut national, 2013-03-26
 

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Valeur patrimoniale

La veillée de danse est une tradition séculaire au Québec. La pratique collective de danses de figures est déjà un mode de divertissement en Nouvelle-France. Au fil des siècles, la veillée est demeurée un lieu d'expression artistique, un espace de sociabilité et un temps d'amusement en groupe. Marquée d'emprunts et de métissages culturels, la veillée de danse se renouvelle tout en conservant ses fonctions d'origine : mettre en oeuvre les connaissances et les savoir-faire des animateurs et des musiciens tout en rassemblant dans la convivialité des hommes et des femmes qui ont en commun l'envie de danser. Un esprit communautaire anime généralement les participants, qui sont appelés à danser collectivement, sans égard à l'âge ou aux appartenances socioculturelles. Les activités qui composent la veillée contribuent à renforcer les liens entre ceux qui les pratiquent. Il se développe ainsi un sentiment d'appartenance à la communauté que forment les amateurs de veillées de danse, regroupant des calleurs, des musiciens et des danseurs. Propice à la transmission du répertoire traditionnel québécois, la veillée participe au sentiment de continuité de ceux qui y prennent part. La veillée de danse est un élément du patrimoine culturel et une composante de l'identité québécoise.

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Historique

La veillée de danse découle d'un mode de divertissement déjà présent en Nouvelle-France. Des écrits du XVIIIe siècle témoignent de la pratique collective de danses dans la colonie. La veillée prend alors plusieurs formes, notamment en fonction de l'appartenance socioculturelle des participants. Qu'elles soient dansées lors d'un bal mondain ou dans les maisonnées, les figures proviennent surtout de la France. Or, des emprunts et métissages culturels s'opèrent déjà à la veille du Régime anglais et s'accentuent avec l'établissement d'Irlandais et d'Écossais au Québec au cours du XIXe siècle. Les échanges entre le Canada français et les États-Unis s'intensifient aussi durant cette période, ce qui favorise l'implantation de nouvelles danses au Québec.

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les veillées de danse sont généralement privées et s'adressent à un groupe spécifique. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les veillées publiques organisées en milieu urbain deviennent plus fréquentes. Les veillées de danse que les associations organisent pour leurs membres sont progressivement ouvertes au public et celles offertes par des propriétaires d'établissements commerciaux se multiplient. Dans ce contexte, il devient plus courant pour les danseurs de payer pour leur activité récréative et de rencontrer des inconnus qui, comme eux, ont envie de danser des contredanses, des quadrilles et des cotillons.

Les sets carrés apparaissent dans les veillées de danse au Québec au tournant du XXe siècle et s'implantent rapidement dans la plupart des régions. L'une des particularités du set carré est qu'il est mené par un calleur qui indique aux danseurs les figures à exécuter. Adaptation québécoise des « square dances » américaines, le set carré est d'abord callé en anglais, puis en français à partir des années 1920.

Dans la première moitié du XXe siècle, pendant que les danses américaines comme le fox-trot et le one-step gagnent en popularité, l'anthropologue Marius Barbeau (1883-1969) documente un peu la musique et les danses anciennes qui, selon lui, « se meurent ». En 1919, Barbeau met en scène les « Veillées du bon vieux temps ». Les représentations théâtrales qu'offre Barbeau diffèrent toutefois des veillées de danse participatives qui, malgré les interdictions du clergé, continuent à se tenir régulièrement.

Il faut attendre les années 1950 pour que les veillées de danse investissent le champ des loisirs paroissiaux, tant en milieu urbain que rural. Dans ce contexte, il se forme plusieurs troupes de danse qui pratiquent des chorégraphies, notamment pour les présenter à des spectateurs. Dès 1960, des amateurs de danses chorégraphiées participent à l'émission hebdomadaire « Soirée canadienne ». Au moment où le Québec entre dans la modernité, une partie de la population rejette les formes de danse qui font référence au passé rural et aux traditions.

Un nouveau mouvement « revivaliste » se développe au début des années 1970. La veillée de danse fait partie des sources auxquelles bien des jeunes retournent, dont des centaines d'étudiants qui participent aux veillées offertes par l'établissement universitaire qu'ils fréquentent. Certains s'intéressent aux traditions dansantes et musicales et font de la collecte ethnographique. Ils forment des groupes d'intérêt et fondent, dans les années 1980, des organismes à but non lucratif autour de la danse désormais qualifiée de traditionnelle. Dès lors, le milieu associatif assume l'organisation, la tenue et la promotion de veillées de danse, rôles qu'il joue encore aujourd'hui. La veillée demeure un rassemblement festif basé sur la pratique collective de danses.

La veillée de danse est désignée en 2015.

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Contexte

La veillée de danse peut prendre différentes formes selon les circonstances qui président à sa tenue, les participants qui y prennent part et l'endroit où elle a lieu. Comme son nom l'indique, la veillée se déroule en soirée, même si des danses callées sont parfois pratiquées durant la journée. Le calleur détermine les danses qui seront exécutées au cours de la veillée et en informe les musiciens, qui choisissent des pièces du répertoire traditionnel québécois et des rythmes pour l'accompagner. Le nombre de musiciens varie d'une veillée à l'autre, mais le violon est omniprésent. Les autres instruments les plus joués pour soutenir les sets carrés, les contredanses, les quadrilles et les cotillons sont l'accordéon diatonique, le piano et la guitare. Pendant la pause ou en fin de soirée, des personnes peuvent interpréter des chansons, réciter des contes ou danser des gigues. Chaque veillée de danse est ponctuée de valses et certaines comportent une période de jeu, comme celui de la chaise musicale.

Mis à part la gigue, toutes les danses de la veillée sont dansées en couple. Quand le calleur invite les participants à se placer, ceux qui forment un couple occupent rapidement l'espace. Les autres doivent alors se trouver un partenaire. Certains dansent avec le même partenaire durant toute la veillée, alors que d'autres changent plusieurs fois au cours de la soirée. De manière générale, les danseurs expérimentés se placent près des musiciens et du calleur. Ils montrent souvent l'exemple pendant que le calleur annonce les figures qui s'enchaîneront, ce qu'il fait avant chaque danse. D'autres danseurs d'expérience se placent volontairement parmi les débutants qui ont besoin d'être guidés. Ces derniers sont de plus en plus nombreux et jeunes. Quelques-uns viennent avec leurs enfants, qui dansent avec les adultes ou qui jouent en retrait. Il y a des personnes assises qui attendent leur tour, qui prennent une pause, qui bavardent ou encore qui préfèrent regarder les autres danser. Dans certaines veillées, il y a un espace réservé à d'autres divertissements, comme des jeux de cartes, et un moment pour prendre une bouchée. Bien que de l'alcool soit parfois vendu, la consommation est généralement modérée compte tenu de la place qu'occupe la danse au cours de la soirée. La veillée de danse donne ainsi lieu à de nombreuses pratiques de socialisation dans une ambiance conviviale, voire festive. Cette ambiance est non seulement attribuable au dynamisme des animateurs et des participants, mais aussi à d'autres facteurs comme les dimensions de la salle, l'éclairage, la ventilation et la qualité du son. Le plancher a aussi une incidence sur la fluidité des mouvements. Ainsi, l'aisance des danseurs et le succès de la soirée peuvent dépendre en partie du lieu où se déroule la veillée. Les veillées de danse les plus fréquentes se tiennent dans une salle communautaire qui offre suffisamment d'espace pour accueillir les danseurs et qui ne présente aucune entrave, comme des colonnes ou un mur, qui gênerait les déplacements.

Quel que soit le lieu de son accomplissement, la pratique contemporaine de danses callées demeure une activité ludique et expressive, dont la fonction principale est de divertir ceux qui s'y adonnent. Elle a souvent lieu dans des endroits publics - les participants paient alors un droit d'entrée aux organisateurs -, mais elle s'observe aussi dans la sphère privée (famille, amis, voisinage). Le plaisir que procure une veillée de danse repose sur l'harmonie qui s'établit momentanément entre le calleur, les musiciens et les danseurs, soit les trois acteurs indispensables à son accomplissement.

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Apprentissage et transmission

La veillée de danse donne l'occasion au calleur et aux musiciens de mettre leur art en pratique. Elle est également propice à l'apprentissage des figures dansées et du vocabulaire qu'emploie le calleur lorsqu'il mène la danse. Les nouveaux danseurs sont parfois invités à arriver avant le début de la veillée pour assister à un atelier d'initiation. Généralement offerte par le calleur qui animera la soirée, cette formation de base prépare les néophytes à exécuter les mouvements et les familiarise avec les termes qui y sont associés : main gauche au coin, « do-si-do », demi-chaîne des dames, étoile main droite et promenade sont des exemples d'expressions dont il faut connaître la signification pour bien exécuter la danse.

Les veillées de danse qui ont lieu une seule fois dans l'année, dans le cadre d'un festival par exemple, réunissent généralement un plus grand nombre de novices, alors que celles qui sont organisées par le milieu associatif rassemblent plusieurs danseurs assidus. Dans les deux cas, des danseurs expérimentés se placent volontairement parmi les débutants pour les guider et faciliter leur apprentissage des figures de danse. Cet apprentissage se fait essentiellement par observation et imitation, au contact d'autres danseurs.

Pour le calleur et les musiciens, l'acquisition du répertoire traditionnel québécois se fait aussi en observant et en imitant des porteurs de tradition chevronnés, mais chacun développe par la suite son propre style. Certains calleurs sont reconnus pour leurs expressions imagées, d'autres pratiquent un « call » qui rappelle la technique vocale d'un encanteur. La plupart des calleurs ont appris à mener des danses au contact d'autres calleurs d'expérience. Plusieurs se sont aussi adonnés à la collecte ethnographique pour documenter leur pratique et constituer leur répertoire. Ils ont généralement écouté des disques et consulté des cahiers de « call », qui ont été populaires entre les années 1920 et 1960. Aujourd'hui, le milieu associatif organise des ateliers de formation portant sur le « call » quelques fois durant l'année.

Les musiciens qui accompagnent le calleur au cours d'une veillée doivent connaître le répertoire approprié pour l'exécution des figures de danse. Endurants, ces musiciens apprennent à doser leur énergie pour pouvoir jouer avec vigueur et constance pendant les trois ou quatre heures que durent généralement les veillées de danse. Le succès de la soirée repose entre autres sur la synergie entre les musiciens et le calleur.

Le « call », le répertoire musical et la pratique des danses de figures se transmettent dans un contexte de socialisation élargie, qui dépasse la sphère privée, notamment familiale. Parce qu'il voit à l'organisation, à la tenue et à la promotion de nombreuses veillées au Québec, le milieu associatif joue un rôle prépondérant dans la mise en valeur et la sauvegarde des pratiques culturelles traditionnelles qui composent ces veillées. Plusieurs organismes offrent de plus des ateliers de formation en musique et en danse traditionnelles. Depuis quelques années, de nombreuses prestations ou démonstrations sont aussi diffusées sur Internet, qui devient par le fait même un nouveau canal permettant l'apprentissage et la transmission des pratiques associées à la veillée de danse.

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Références

Notices bibliographiques :

  • Enregistrement avec BERTHIAUME, Jean-François, réalisé par BRICAULT, Christine, « Le call et la veillée de danse », Montréal, 27 février 2014.
  • Bibliothèque et Archives Canada. « Gramophone virtuel ». Bibliothèque et Archives Canada. Bibliothèque et Archives Canada [En ligne]. http://www.collectionscanada.gc.ca/gramophone/index-f.html
  • BRAULT, Michel et André GLADU. La révolution du dansage. Film cinématographique. Le son des Français d'Amérique. Société Radio-Canada, Nanouk Films, 1976. s.p.
  • BRICAULT, Christine. Rapport d'étude ethnologique sur la veillée de danse traditionnelle au Québec. Études patrimoniales. Québec, Ministère de la Culture et des Communications, Direction générale du patrimoine et des institutions muséales, 2014. 56 p.
  • BROCHU, Camille. « La danse au Poulailler ». Bulletin Mnémo. Vol. 10, no 3 (2007), s.p.
  • CHARTRAND, Pierre. « Du set au cotillon... Petite introduction à la danse traditionnelle québécoise et à ses genres ». Bulletin Mnémo. Vol. 1, no 4 (2007), s.p.
  • CHARTRAND, Pierre. « La danse en Nouvelle-France ». Bulletin Mnémo. Vol. 5, no 1 (2000), s.p.
  • CHARTRAND, Pierre et Normand LEGAULT. La danse traditionnelle dans le Bas-Saint-François (MRC Drummond et Nicolet-Yamaska). Traditions régionales. Drummondville, Mnémo, 1996. 150 p.
    • L'image intitulée Formations (dispositif spatial) et genre de danse associée. Reproduction d'une illustration tirée de l'ouvrage de Pierre Chartrand et Normand Legault, « La danse traditionnelle dans le Bas-Saint-François » (1996). dans l'onglet Images en fait partie.
  • CHARTRAND, Pierre. « La pratique de la danse traditionnelle, d'hier à aujourd'hui ». Cap-aux-Diamants : la revue d'histoire au Québec. Vol. Paroles, Gestes et Mémoires : du folklore au patrimoine vivant, no Hors série (2002), p. 36-39.
  • Enregistrement avec CHARTRAND, Pierre, réalisé par BRICAULT, Christine, « Le call et la veillée de danse », Étude patrimoniale sur la veillée de danse traditionnelle québécoise, Montréal, 18 février 2014.
  • FRÉCHETTE, Julien (2013). « Pas de calleur, pas de danse ». Toast Studio. Savoir-faire [En ligne]. calleur.ca
  • GUILBERT, Daniel. « La légende des Veillées du bon vieux temps ». Bulletin Mnémo. Vol. 12, no 4 (2010), s.p.
  • Enregistrement avec LEGAULT, Normand, réalisé par BRICAULT, Christine, « Le call et la veillée de danse », Étude patrimoiniale sur la veillée de danse traditionnelle québécoise, Sainte-Hélène-de-Breakyville, 30 janvier 2014.
  • Enregistrement avec LEMAY, Jean, réalisé par BRICAULT, Christine, « La veillée de danse », Étude patrimoniale sur la veillée de danse traditionnelle québécoise, Québec, 26 avril 2014.
  • MARSH, Jane. Terre de nos aïeux. Film cinématographique. Les Éboulements, compté de Charlevoix, Office national du film, 1943. s.p.
  • ROQUIGNY, Peggy. Les plaisirs de la danse à Montréal : Transformation d'un divertissement et de ses pratiques, 1870-1940. Université du Québec à Montréal, 2012. 540 p.
  • SÉGUIN, Robert-Lionel. La danse traditionnelle au Québec. Québec, Presses de l'Université du Québec, 1986. 176 p.
  • TREMBLAY, Ginette et Simonne VOYER. La danse traditionnelle québécoise et sa musique d'accompagnement. Explorer la culture. Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001. 159 p.

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