Ministère de la Culture et des Communications
Répertoire du patrimoine culturel du Québec

Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Pêche au homard

Type :

Patrimoine immatériel

Région administrative :

  • Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine

Thématique :

  • Patrimoine industriel
  • Patrimoine maritime et fluvial

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques ludiques et sportives > Divertissement > Activité de plein air > Pratique
  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques d'acquisition > Pêche

Éléments associés

Patrimoine mobilier associé (6)

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Inventaires associés (1)

Description

En Gaspésie, la pêche commerciale au homard génère plus de 2300 emplois directs, incluant les pêcheurs, les aides-pêcheurs et les travailleurs d'usine. Les pêcheurs de homard gaspésiens pratiquent toujours la pêche traditionnelle à l'aide de casiers lestés et appâtés qu'ils mouillent dans les fonds rocailleux des eaux froides et profondes le long des côtes de la péninsule. Au cours des dernières années, on note une tendance à la hausse des prises de homard. Pas question de surpêche. Tous les pêcheurs doivent respecter plusieurs règles pour assurer l'avenir de cette pêche.

La Gaspésie se divise en trois zones de pêche du homard. La zone 19 s'étend de Mont-Louis à Cap-Gaspé, la zone 20, de Cap-Gaspé à Bonaventure, et la zone 21, de Bonaventure à Miguasha. Ces zones sont les premières parmi la quarantaine de l'Atlantique à lancer la saison de pêche du homard.

Printanière, la saison de pêche du homard de 68 jours en Gaspésie débute le 3e samedi d'avril si le temps le permet. À 4 h du matin, après la traditionnelle bénédiction des bateaux, les pêcheurs avec une hâte fébrile prennent la mer avec leur homardier rempli de casiers appâtés et se dirigent vers leurs fonds marins respectifs qu'ils veulent stratégiques. Alors s'amorce la mise à l'eau des cages.

La plupart des casiers sont mouillés en série de six ou plus sur une seule ligne avec une bouée aux extrémités afin de réduire le nombre de mouillages. Une fois la mise à l'eau des premières cages complétée, ils reviennent au quai chercher les autres cages et feront des allées et venues jusqu'à la dernière cargaison de cages. Les 163 détenteurs de permis de capture de homard gaspésiens mettent à l'eau 235 casiers chacun.

Le lendemain, la vraie pêche débute. Les pêcheurs et les aides-pêcheurs se lèvent avant l'aube et terminent leur journée à fin de l'avant-midi. Retirer les 235 cages de l'eau au moyen d'un treuil hydraulique, les vider de leurs prises, les appâter et les remettre à la mer, c'est leur routine quotidienne dans l'humidité, le froid, le vent sur un bateau brassé par les vagues pour près de dix semaines consécutives.

La journée n'est pas encore terminée pour certains pêcheurs. Ceux-ci vont profiter de l'après-midi ou la soirée pour aller relever leurs filets à harengs ou à maquereaux. Ces petits poissons servent d'appât ou de boëtte dans les casiers à homard. D'autres pêcheurs préfèrent acheter leurs appâts congelés d'un fournisseur. À l'heure actuelle, la population des appâts traditionnels est menacée. Mérinov, le Centre d'innovation de l'aquaculture et des pêches du Québec, fait des recherches pour trouver des appâts de remplacement.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Dans les années 1870, la pêche au homard en Gaspésie requiert un investissement modeste, car le homard vit sur les fonds rocheux des eaux profondes de moins de 30 m proches de la rive. Les pêcheurs ont seulement besoin d'une embarcation de petite taille qu'ils peuvent monter sur la plage après leurs sorties en mer. Ils repèrent les fonds de pêche à partir d'amers ou de marques terrestres tels que des maisons, des clochers ou des phares. L'hiver, ils réparent ou fabriquent leurs casiers à homard tout en bois et de ficelle de coton selon les savoirs acquis et transmis oralement de pe`re en fils. Ils en profitent également pour réparer leurs embarcations.
Les pêcheurs remontent leurs cages à bras. Les dimensions et la forme des casiers varient selon la localité. Le casier le plus populaire est de forme cylindrique avec un fond plat et fait de lattes de cèdre. Mais dans la région de Carleton, dans la baie des Chaleurs, les casiers ont plutôt une forme rectangulaire d'après l'archéologue Marcel Moussette qui a répertorié les engins de pêche dans son livre La pêche sur le Saint-Laurent publié en 1979.

Le nombre et la position des entrées du casier, constituées de rets en fil de coton tissé en entonnoir, diffèrent aussi d'une région à l'autre. Il peut être muni de deux entrées à chaque extrémité ou de chaque côté. Il peut même avoir une seule entrée latérale. À l'intérieur du casier, le filet de l'entrée est maintenu ouvert par un anneau de cèdre ou de métal. L'entrée dirige le homard sur la voie du non-retour. Au centre, l'appât est piqué sur un petit bâton de bois pointu. Au fond, un autre passage de filet en forme d'entonnoir et au bout, la prison du homard.

Le casier est pourvu d'un double fond où le pêcheur insère des pierres lourdes et plates qui servent de lest pour le déposer et le maintenir au fond de l'eau. À l'une des extrémités, un câble de chanvre fixé de chaque côté du double fond avec des épissures sert de ganse par laquelle le casier est attaché à une bouée qui indique son emplacement et son propriétaire. Une petite porte latérale sert à vider la cage de ses prises. Les pêcheurs vont lever leurs cages deux fois par jour avec leur embarcation en longeant le câble qui relie toutes les bouées.

Les pêcheurs gaspésiens vendent leurs prises à des établissements de mise en conserve. Un dénommé Campell est le premier Américain à commercialiser le homard dans la Baie-des-Chaleurs, en 1871. Quinze ans plus tard, la Gaspésie compte 18 « canneries » entre Carleton et Cap-aux-Os. Puis, d'autres conserveries s'installent sur la côte nord de la péninsule dans les années 1890.

Les conserveries de homard en Gaspésie appartiennent surtout à des gens d'affaires du Maine et à quelques compagnies locales comme la Robin Jones and Whitman de Paspébiac et la Mabe Brothers de Coin-du-Banc. Les homards sont mis en marché dans des contenants de fer blanc scellés. On met en conserve que la chair de la queue et des pinces. Le reste du homard est utilisé comme engrais dans les champs. L'avènement du moteur à essence au début du 20e siècle favorise une forte augmentation des casiers utilisés par les pêcheurs entrainant la rareté de la ressource. En 1941, il ne reste qu'une conserverie.

Au milieu des anne´es 1960, on apporte les premiers changements au casier en bois traditionnel. La ficelle de coton des filets cède sa place à la ficelle de nylon ou la ficelle synthe´tique, plus durable. Les câbles de chanvre font aussi place au câble de nylon. Puis, l'arrivée des casiers en treillis métallique demandant moins d'entretien évince quelque peu le savoir-faire artisanal. Mais, certains pêcheurs demeurent fidèles aux casiers de bois.

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Contexte

Aujourd'hui, la pêche au homard s'est modernisée. La chaloupe de bois à moteur appelée « flat » a fait place à des embarcations plus longues et plus grosses en fibre de verre, donc plus stables et plus sécuritaires. La plupart des bateaux sont munis d'un abri ou d'une cabine abritant les pêcheurs lors des mauvaises conditions météorologiques. Avec l'arrivée sur le marché des GPS, des radars et autres équipements de pointe, de nombreux pêcheurs laissent tomber les « amers » pour des appareils électroniques. Ils emploient ces derniers, pour estimer la limite de la zone de pêche, pour scruter les fonds marins et pour repérer les cavités rocheuses où se cachent les homards.
Les permis de pêche au homard sont tous entre les mains d'une flotte de 163 bateaux dont 12 appartiennent aux groupes autochtones de la Gaspésie. Les transferts de permis perdent peu à peu leur caractère familial, bien que les acheteurs doivent habiter la région et pratiquer la pêche depuis un certain nombre d'années.

Créé en 1992, le Regroupement des pêcheurs professionnels de homard du sud de la Gaspésie rassemble tous les pêcheurs de homards de Restigouche à Mont-Louis. Cette association dénombre un peu plus de 200 membres sur les quelque 350 pêcheurs et aides-pêcheurs de la région. Elle a dynamisé l'industrie en mettant en place de nombreuses mesures de protection de l'espèce. Résultat : la pêcherie de homard exploitée dans la péninsule gaspésienne est certifiée durable et bien gérée dans le cadre du programme international de certification scientifique du Marine Stewardship Council (MSC) depuis 2015. En effet, elle porte l'écolabel bleu du MSC.

La certification MSC correspond à trois grands principes. Premièrement, éviter la surpêche en adoptant une méthode de pêche respectant les stocks de homards. Pour ce faire, les pêcheurs utilisent des cages à évents, afin de laisser s'échapper les plus petits homards. Les plus gros homards pondant un plus grand nombre d'œufs et les femelles œuvées sont remis à l'eau. Deuxièmement, respecter les normes en vigueur dans la zone concernée. Troisièmement, limiter l'impact de la pêche sur les fonds marins ou sur les autres espèces. Comme réponse à cette exigence, les bateaux de la flotte tiennent un journal de bord électronique permettant d'enregistrer toutes les prises, suivre l'évolution des débarquements annuels et évaluer l'état des populations de homard.

De nos jours, les pêcheurs de homard ne prélèvent pas seulement la ressource, ils sont devenus les « fermiers » des flots. Ils mettent en place des récifs à homards sur le fond marin de certaines zones de pêche et ensemencent la mer pour lui donner un coup de pouce à se repeupler. Ils sont tournés vers un avenir prometteur, une seule ombre au tableau : la présence des baleines noires dans le golfe Saint-Laurent.

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Apprentissage et transmission

C'est en pêchant que l'on devient pêcheur. Les savoirs et les savoir-faire essentiels pour pratiquer le métier de pêcheur de homard se sont transmis dans les familles gaspésiennes de génération en génération. Ce partage des connaissances et d'expériences se fait aussi entre les pêcheurs et les aides-pêcheurs par contact direct au gré du travail quotidien. Certains pêcheurs de homard peuvent se fier à la génération suivante pour prendre la relève. Mais, pas tous. Les prises records des dernières années ont fait tripler le prix des permis ce qui freine la jeune relève.



Des activités de pêche en mer sont offertes au public pour en apprendre plus sur la pêche au homard. Ces activités donnent l'occasion d'accompagner un pêcheur de homard à l'aurore et de participer à la levée des 235 casiers, à l'appâtage et à la manipulation des homards.

La Nuit des homardiers à la Vieille Usine de L'Anse-à-Beaufils invite toute la population à un rassemblement pour la mise à l'eau des casiers à homard. Ainsi, avant de prendre la mer pour entamer leur saison de pêche, les pêcheurs en compagnie de la population se réapproprient alors la fierté et le sentiment d'appartenance liés au travail de la pêche au homard. La bénédiction des bateaux fait partie de ce rituel.

Une nouvelle tradition s'ancre peu à peu en Gaspésie et au Québec : le homard pour célébrer la fête des Mères. Depuis 2004, les Micmacs de Listuguj, dans la Baie-des-Chaleurs, offrent gracieusement du homard et du crabe des neiges dans leur communauté à l'occasion de cette fête.

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