Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Pêche aux coques

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Cueillette des myes

Région administrative :

  • Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine

Municipalité :

  • Carleton-sur-Mer
  • Nouvelle

Thématique :

  • Patrimoine maritime et fluvial

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Pratique

Classification :

  • Pratiques alimentaires > Transformation > Recette et cuisine > Régionale
  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques d'acquisition > Pêche

Éléments associés

Patrimoine mobilier associé (4)

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Inventaires associés (1)

Description

La pêche aux coques (mye commune) est une activité traditionnelle des populations vivant le long du littoral québécois. Elle se pratique au printemps et à l'automne à marée basse ou descendante sur les plages et les bancs en zone intertidale (zone des marées), principalement pendant les marées de vives-eaux. Cette pêche à pied est artisanale et seule la cueillette manuelle est permise. La présence de coques est repérée grâce aux petits trous qu'elles font dans le sable pour respirer. Munis de pêche-coques, de pelles, de fourches, de bêches, de brocs, les cueilleurs creusent le sable pour y débusquer les coques. Les recettes de coques font partie du patrimoine culinaire des régions maritimes québécoises.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Les communautés autochtones fréquentant les côtes de l'estuaire et du golfe du Saint- Laurent exploitaient les richesses halieutiques du milieu. La présence de restes coquilliers près des campements autochtones confirme la consommation de différents mollusques pendant la période pré-contact. Champlain, lors de ses explorations de la côte atlantique raconte que les autochtones en hiver, lorsqu'ils ne vont pas à la chasse « vivent d'un coquillage qu'ils appellent coques ». Dans les Relations (1611-1613), le père Biard rapporte que de mai à la mi-septembre, après les durs mois d'hiver, les autochtones « sont hors de crainte pour leurs vivres : car les moules sont à la côte et avec toutes sortes de poissons et de coquillages ». Pendant la même période, Lescarbot souligne que sur les rives de Port-Royal « y a de grands parterres de moules dont nous remplissions nos chaloupes quant quelquefois nous allions en ces endroits; item des coques, qui ne nous ont jamais manqué. »

Lors de ces voyages sur les côtes de la Nouvelle-France, Nicolas Denys, colon et entrepreneur en pêcheries, ne manque jamais de noter l'abondance de mollusques: coques, moules, huîtres, bourgots, palourdes, couteaux. Il souligne que ces mollusques sont « bons à manger » et que les autochtones les pêchent au printemps. En Acadie, l'hiver, les pêcheurs cueillent des huîtres sous la glace et les font cuire sur le feu dans leur eau « avec de la mie de pain et un peu de poivre ou muscade ». Près de Percé et de Port-Daniel, on pratique « la pesche de toutes sortes de coquillages ».

En 1895, l'abbé Huard visite la Côte-Nord et l'île Anticosti. Il décrit la pêche aux coques à l'aide d'une bêche. Les coques servaient de bouette (appâts) pour la pêche à la morue en automne lorsque les autres appâts (capelan, maquereau, etc.) manquaient. Dans Croquis Laurentiens (1920) Marie-Victorin décrit la pêche aux coques dans les années 1910 aux îles de la Madeleine comme « l'une des plus rudes besognes des Madelinots et des Madelinotes ». Marie-Victorin souligne qu'on cache cette « curiosité » aux étrangers. Sur les « platins », les femmes et les enfants s'adonnent à la cueillette. Ils utilisent un pêche-coques, « sorte de trident formé d'un fer à cheval lié à une petite pique ». Les coques servent aussi dans un mélange de bouette (hachis composé de hareng salé, de coques, et de mélasse) pour attirer le maquereau.

Les sources révèlent peu d'information sur la consommation des coquillages. Mis à part les huîtres du Nouveau-Brunswick appréciées au 19e siècle, les autres mollusques étaient considérés comme la nourriture des pauvres. La tradition orale nous renseigne sur le statut de la coque comme aliment. La légende du Géant des grèves raconte qu'à la fin du 19e siècle, les habitants des Méchins vivaient de peu : de lard, de sucre d'érable et de coques considérées comme une manne. Un géant vivant dans une grotte près des battures empêchait les habitants d'aller cueillir les coques jusqu'à ce qu'un missionnaire le fit fuir avec un crucifix. Les habitants purent ainsi cueillir leurs coques sans danger. La consommation domestique était donc présente comme en fait foi également le patrimoine culinaire des régions maritimes : pâté et soupe aux coques, coques frites ou à la vapeur, pot-en-pot, etc.

La pêche commerciale débuta dans les années 1930. Plusieurs petites entreprises familiales virent le jour sur la Côte-Nord et en Gaspésie dans les années 1940. Après la Deuxième Guerre mondiale, certains bancs de myes étaient surexploités par les pêcheurs pour faire la bouette ou pour approvisionner les conserveries. Différentes techniques étaient alors utilisées : le bêchage, la drague hydraulique avec bateau hors-bord et la cueillette dans les sillons retournés par une charrue. En 1970, 80 % des myes étaient mises en conserve, 20 % étaient vendues fraîches. Aujourd'hui, la pêche commerciale se pratique exclusivement sur la Côte-Nord.

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Contexte

Quelque 350 secteurs coquilliers étaient répertoriés au Québec en 2016. La pêche aux coques était ouverte sur 87 sites. En Gaspésie, sept sites étaient ouverts au printemps et en automne. Les sites de même que les périodes d'ouverture varient selon les années en fonction du niveau de toxicité ou de conservation de la ressource.

Sur le barachois de Nouvelle (Carleton-sur-Mer, secteur Saint-Omer et Nouvelle, secteur Miguasha) en Gaspésie, la pêche aux coques se pratique de deux manières : à sec sur les battures à marée basse ou dans l'eau à marée descendante. Aussitôt que la glace a dégagé le barachois, généralement en mars, les pêcheurs se rendent sur les battures pour la cueillette. La pêche se termine en juin, lorsque les arbres sont en bourgeons, pour reprendre à l'automne. Autrefois, on pêchait les coques de mars à décembre.

Les marées les plus propices à la cueillette sont celles de vives-eaux. Ces marées durent pendant quelques jours avant et après la pleine et la nouvelle lune. Les cueilleurs qui pêchent au jusant s'acheminent à plus d'un kilomètre des côtes deux à trois heures avant la marée basse. La pêche débute dans environ 70 cm d'eau. Lorsque les eaux sont calmes, il est facile de localiser les trous des coques. Le vent ou la pluie rendent le repérage plus difficile.

Pour pratiquer cette pêche, les pêcheurs portent des bottes-culottes et des gants de pêche en caoutchouc montant jusqu'à l'épaule. Il faut être bien vêtu puisque l'eau est à moins de 1 degré Celsius. Ils utilisent un bac de plastique pour transporter le panier en treillis métallique et la chaudière pour recueillir les coques. Le bac est attaché à la ceinture. Pour fouiller le sol, ils se munissent de fourches bêches. Certains utilisent d'anciennes fourches à charbon de forme arrondie et munie de plusieurs dents.

Après avoir repéré les trous, les pêcheurs plantent leurs fourches dans le sable et le gravier. Ils versent le sable dans le panier servant de tamis et recueillent les moules de taille règlementaire (51 mm et plus). Chaque pêcheur a droit à 300 coques par jour. Ils les déposent dans la chaudière avec de l'eau de mer. La pêche dure de deux à trois heures selon la richesse du gisement.

La pêche à sec se fait à marée basse. Facilement accessible à tous, nécessitant peu d'équipement, cette pêche est une activité familiale. Une paire de bottes, un seau et parfois un tamis sont utilisés. Les outils pour le bêchage sont multiples : pelle, fourche, bêche ainsi que différents types d'instruments de fabrication artisanale sont employés. La technique de cueillette est la même que celle utilisée pour la pêche à marée descendante. Au retour, on fait dégorger les coques dans de l'eau de mer pendant un jour et une nuit pour libérer le sable prisonnier de la coquille.

Même si la pêche à sec se pratique au printemps et en automne, c'est pendant la période de Pâques qu'on rencontre le plus de cueilleurs sur l'estran. Cette période coïncide avec l'équinoxe du printemps, période de grandes marées. En Gaspésie, c'est le Vendredi saint, jour férié, que des centaines de cueilleurs se rendent en famille ou en groupe sur les sites coquilliers. Cette tradition est établie depuis fort longtemps. La soupe aux coques, recette familiale traditionnelle, est souvent préparée pendant cette période.

Les coques sont également cuisinées en pâté, en pot-en-pot ou frites. Elles sont cuites dans l'eau de mer et pour les conserver, on les met en conserve ou on les congèle.

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Apprentissage et transmission

La pêche aux coques est une tradition qui se perpétue depuis plusieurs générations. Autrefois pêche de subsistance, pratiquée du printemps à l'automne, la pêche aux coques est aujourd'hui une activité familiale et sociale qui marque le début du printemps.

La technique de cueillette, les connaissances liées à la marée, l'identification et la localisation des coques ainsi que la préparation sont transmises oralement et par démonstration. Dès leur enfance, la plupart des cueilleurs accompagnent leurs parents à la pêche. Il faut un certain doigté pour les déloger de leur lit et ne pas briser la coquille fragile. Les jeunes apprennent les rudiments de la cueillette auprès de leurs aînés et poursuivent la tradition locale.

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Emplacement

Region administrative :

  • Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine

MRC :

  • Avignon

Municipalité :

  • Carleton-sur-Mer
  • Nouvelle

Localisation informelle :

Saint-Omer et Miguasha

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Références

Notices bibliographiques :

  • CHAMPLAIN, Samuel de. Oeuvres de Samuel de Champlain. Montréal, Éditions du Jour, 1973. s.p.
  • DENYS, Nicolas. Description géographique et historique des costes de l'Amérique septentrionale avec l'histoire naturelle du païs. Paris, Chez Claude Barbin, 1672. 308 p.
  • DUPONT, Jean-Claude. Légendes de la Gaspésie et des Îles de la Madeleine. Sainte-Foy, Éditions J.-C. Dupont, 1995. 63 p.
  • HUARD, Victor-Alphonse. Labrador et Anticosti : journal de voyage, histoire, topographie, pêcheurs canadiens et acadiens, indiens montagnais. Montréal, C.-O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs, 1897. 505 p.
  • Enregistrement avec LABILLOIS, Nicole, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche aux coques », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Nouvelle, 14 avril 2017.
  • LAMOUREUX, Paul. Inventaire des stocks commerciaux de myes (Mya arenaria L.) au Québec : 1971-1973. Cahier Information, 62. Québec, Ministère de l'Industrie et du Commerce, 1974. 24 p.
  • Enregistrement avec LANDRY, Marcellin, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche aux coques », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Nouvelle, 13 avril 2017.
  • LESCARBOT, Marc. Histoire de la Nouvelle France contenant les navigations, découvertes, & habitations faites par les François [...]. Paris, Jean Milot, 1609. 888 p.
  • Enregistrement avec MALTAIS, Rénald, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche aux coques », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Nouvelle, 13 avril 2017.
  • MARIE-VICTORIN, Frère. Croquis laurentiens. Collection du Nénuphar. Montréal, Fides, 1920. 262 p.
  • Enregistrement avec PICHETTE, Léopold, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche aux coques », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Nouvelle, 14 avril 2017.
  • THWAITES, Reuben Gold. The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and explorations of the Jesuit missionaries in New France, 1610-1791. Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896. s.p.

Multimédias disponibles en ligne :

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