Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Pêche au capelan

Type :

Patrimoine immatériel

Région administrative :

  • Bas-Saint-Laurent
  • Capitale-Nationale
  • Côte-Nord
  • Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine

Thématique :

  • Patrimoine maritime et fluvial

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Pratique

Classification :

  • Pratiques alimentaires > Transformation > Conservation des aliments > Séchage
  • Pratiques coutumières > Pratiques coutumières liées au temps > Année > Saison
  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques d'acquisition > Pêche

Éléments associés

Inventaires associés (1)

Description

La pêche au capelan marque le retour de la belle saison et est l'occasion de se réunir en famille ou entre amis pour prendre ce petit poisson. Pêché traditionnellement par des riverains de la Côte-Nord, de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent, le capelan « roule » d'avril à juillet selon la région. À l'aide d'une épuisette et d'un seau, des centaines de pêcheurs pratiquent cette pêche à pied le long des côtes. Chaque année, les pêcheurs de tous âges se rencontrent sur la plage attendant que le capelan roule, venu frayer suivant le mouvement des vagues à marée haute.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Les Premières Nations qui se déplaçaient le long des berges du Saint-Laurent ont pêché le capelan pour leur subsistance. Appelé Keshkennemekuesh (petit poisson des vagues) par les Innus, le capelan était pêché au début de l'été. Cette pêche est encore pratiquée par les Innus de la Côte-Nord et les Mik'mags de la Gaspésie.

Plusieurs témoignages font état de l'arrivée du capelan au début de l'été. Selon l'abbé Casgrain, au début du 19e siècle, les capelans échoués à marée basse dans les pêches à fascine du Kamouraska formaient un monticule de plusieurs pieds sur deux ou trois arpents. On en tirait, entre autres, une huile. Robert Michael Ballantyne, écrivain et commerçant de fourrure pour la Compagnie de la Baie d'Hudson, a aussi décrit sa première pêche au capelan à Sept-Îles, sur la Côte-Nord, dans les années 1840. Muni d'une salebarde (épuisette), il s'était avancé dans un banc de poissons « so dense that they seemed scarcely able to move ». Certains observateurs ont signalé qu'il était si abondant qu'il offrait de la résistance aux rames des chaloupes.

La pêche au capelan était étroitement associée à celle de la morue. Le capelan était - avec le hareng, le maquereau, l'encornet et les coques - une des espèces servant de boëtte (appât) pour la pêche à la morue. Dans son Traité des pesches (1769), Duhamel du Monceau décrit la pêche au capelan. Il était pêché en juin et en juillet à la senne de grève ou en chaloupe pour approvisionner les morutiers. En plus de servir d'appât, il était consommé frais ou salé. Sur la Côte-Nord et en Gaspésie, l'arrivée du capelan annonce le début de la pêche à la morue. Si le capelan est abondant, la pêche à la morue sera bonne. À la poursuite du capelan dont elle se nourrit, la morue s'approche des côtes. Les pêcheurs recueillent le capelan soit à gué, soit en chaloupe : « à chaque coup de verveux, ils retirent plus d'un demi-minot de ce poisson » souligne l'abbé Ferland (1877). Dans les années 1880, la Gaspésie comptait 181 seines à capelan et recueillait 9600 barils de capelan utilisé comme engrais ou appât.

Dans la baie des Chaleurs, des milliers de « charretées sont halés tous les ans dans le but d'engraisser les terres ». À L'Isle-aux-Coudres, les cultivateurs en une seule marée pouvaient emplir cinquante tombereaux de capelan qu'ils étendaient sur leur champ de pommes de terre. Les terres de la Côte-Nord profitaient également de cette manne. Le capelan et les restes de morue étaient étendus dans les potagers, ce qui fait dire au père Huard (1897) que « les brises parfumées qui d'aventure arrivent des grands bois du Nord ne sont plus reconnaissables quand elles ont passé par ces endroits ».

Facile à capturer sur les plages en saison, nécessitant peu ou pas d'équipements, le capelan a conservé son importance comme ressource alimentaire pour les populations côtières, particulièrement pendant les périodes difficiles. Sur la Côte-Nord, les ouvriers des nouvelles compagnies de Sept-Îles se servaient de boîtes de conserve vides pour faire bouillir du capelan sur la plage. Si on le mangeait frais, les familles en faisaient également des provisions. Il était salé et séché au soleil sur les rochers ou sur des vigneaux. Il nourrissait également les chiens attelés pour le transport en hiver, servait d'appât dans les pièges des trappeurs et de nourriture dans dans l'élevage d'animaux à fourrure.

Jusque dans les années 1920, le salage et le séchage sont le seul moyen de conservation. Le capelan est ainsi vendu salé-séché. On tente de le commercialiser en boîte pour concurrencer la sardine et le petit hareng, sans grand succès. De 1948 à 1958, une entreprise nord-côtière salait et séchait le capelan, méthode qui sera remplacée par la congélation dès 1959. Aujourd'hui, la pêche commerciale au Québec s'effectue principalement en Basse-Côte-Nord, mais on fait également une petite pêche commerciale à l'aide de senne ou dans les pêcheries fixes de l'estuaire du Saint-Laurent.

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Contexte

La pêche au capelan est une tradition bien vivante, particulièrement sur la rive nord du Saint-Laurent. Le capelan roule en général d'avril à juillet selon les conditions climatiques : la température de l'eau, les grandes marées, le cycle lunaire et les vents peuvent retarder le frai. Les pêcheurs sont à l'affût. La nouvelle de l'arrivée du capelan sur les plages se transmet de bouche à oreille et par les réseaux sociaux.

On surveille l'heure des marées hautes de soir et de nuit pour aller le pêcher sur les plages. Les familles et les amis se réunissent et s'installent autour d'un feu en attendant le capelan. De temps à autre, un pêcheur se détache du groupe et, avec sa lampe de poche, va vérifier les vagues. Lorsqu'une vague argentée chargée de capelan s'échoue sur le rivage, on sonne l'alarme, « il roule ». Munis de bottes, de salebardes (épuisettes), de récipients en quantité, les pêcheurs se précipitent vers le rivage.

La technique de pêche demeure la même : l'épuisette bien en main, les pêcheurs avancent de quelques pas, attendant que la prochaine vague déferle. Dans un mouvement, ils plongent l'épuisette dans la déferlante et la ramènent vers eux. La lumière des lampes et le ressac font fuir le poisson au large. Quelques coups d'épuisette suffisent à remplir les seaux, chaudières ou tout autre récipient à portée de main. Lorsque le capelan est très abondant, certains l'attrapent à mains nues.

La pêche est de courte durée, mais si la température le permet, les participants se réunissent par groupe autour de feux de plage pour discuter. Certains font griller sur le feu une partie de leur prise tout en commentant la grosseur du capelan de l'année, la période de frai et racontent des histoires de pêche. L'activité est souvent accompagnée de feux d'artifice, de musique et de chants, et elle dure jusqu'à tard dans la soirée.

Le capelan peut se manger frais, surtout en friture, ou être salé-séché selon une technique traditionnelle. Il est d'abord mis dans une saumure de sel et d'eau. Pour savoir si la saumure est prête, on met une pomme de terre dans le récipient. Lorsque la pomme de terre flotte, la saumure est à point. Le capelan est mis en saumure jusqu'à ce que ses yeux soient « blancs » ce qui prend de 10 à 12 heures. Il est ensuite mis à sécher sur des vigneaux ou embroché sur une tige de métal. Les vigneaux sont souvent munis de moustiquaires et de couvercles comme protection contre les mouches et les corneilles. Le séchage dure de trois à quatre « soleils » (journées de soleil). S'il pleut et qu'on veut « sauver » son capelan, il faut le mettre à l'abri.

Le capelan salé-séché est mangé comme collation. Certains le mangent entier, d'autres enlèvent la tête et ne consomment que les filets. On le fait parfois « dégourdir sur le poêle » (chauffer) pour qu'il dégage toute sa saveur.

Encore aujourd'hui sur la Côte-Nord, le capelan sert d'engrais dans les jardins. Pendant le temps des semailles, on le répand dans le potager dans les sillons où il se décompose rapidement. Selon les utilisateurs, cette fumure assure de bonnes récoltes, surtout pour les pommes de terre.

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Apprentissage et transmission

La pêche au capelan est un rite saisonnier qui marque le retour de la belle saison. Activité familiale et sociale, la pêche au capelan est un moment de rencontres et de sociabilité.

Les rudiments de la pêche, les techniques de conservation et la tradition culinaire associée au capelan se transmettent depuis plusieurs générations. Les parents se font un devoir d'amener leurs enfants à la pêche, tout comme leurs parents l'ont fait pour eux. C'est par observation et imitation que les plus jeunes sont initiés à la pêche. Le capelan est souvent leur première pêche et leur première prise : le succès de la pêche est presque toujours assuré et la capture du capelan demande peu de technique. Les parents tiennent à transmettre cette pratique à leurs enfants puisqu'ils considèrent que cette tradition est typique de la culture de leur région et importante dans l'histoire de la Côte-Nord.

De 1978 à 1992, à Sept-Îles, les pratiques festives associées à la pêche au capelan étaient mises à l'honneur lors d'un festival annuel, le Frolic du Capelan (frolic : mot acadien emprunté à l'anglais signifiant un évènement festif). Aujourd'hui, les fêtes célébrant ce rite saisonnier sont improvisées sur les plages reconnues pour l'abondance du capelan.

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Emplacement

Region administrative :

  • Bas-Saint-Laurent
  • Capitale-Nationale
  • Côte-Nord
  • Gaspésie--Îles-de-la-Madeleine

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Références

Notices bibliographiques :

  • BALLANTYNE, Robert Michael. Hudson bay : Everyday life in the wilds of North America, during six years' residence in the territories of the hon. Hudson bay company. London; New York, Nelson and sons, 1879. 367 p.
  • CASGRAIN, Henri-Raymond. Une paroisse canadienne au XVIIe siècle. Québec, Imprimerie de Léger Brousseau, 1880. 216 p.
  • COMITÉ ZIP, Côte-Nord du Golf. Une histoire de pêche... La pêche au capelan sur la Côte-Nord de 1831 à nos jours, racontée par les aînés de la Côte-Nord. Sept-Îles, Imprimerie B&E, 2008. 64 p.
  • DUHAMEL DU MONCEAU, Henri-Louis et L. H. de LA MARRE. Traité général des pesches, et histoire des poissons qu'elles fournissent: tant pour la subsistance des hommes que pour plusieurs autres usages qui ont rapport aux arts et au commerce. Paris, Saillant & Nyon, 1769. s.p.
  • FERLAND, Jean Baptiste Antoine. La Gaspésie. Québec, Imprimerie A. Côté et cie, 1877. 303 p.
  • FERLAND, Jean Baptiste Antoine. Opuscules. Québec, Imprimerie A. Côté et cie, 1876. 190 p.
  • Enregistrement avec HÉON, Éric, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche au capelan », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Sept-Îles (secteur Rivière-Brochu), 27 mai 2017.
  • HUARD, Victor-Alphonse. Labrador et Anticosti : journal de voyage, histoire, topographie, pêcheurs canadiens et acadiens, indiens montagnais. Montréal, C.-O. Beauchemin & fils, libraires-imprimeurs, 1897. 505 p.
  • Enregistrement avec LANDRY, Albéric, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche au capelan », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Sept-Îles (secteur Gallix), 26 mai 2017.
  • Enregistrement avec MÉTHOT, Bruno, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La pêche au capelan », Pêches traditionnelles, Ministère de la Culture et des Communications (dir.), Sept-Îles (secteur Gallix), 26 mai 2017.

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