Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Fondation de la Brasserie du Roy en 1668, première brasserie en Amérique du Nord

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Synthèse

En 1663, l'intendant Jean Talon arrive en Nouvelle-France avec la mission de développer la colonie d'un point de vue économique. Pour ce faire, il établit sur les rives de la rivière Saint-Charles ce qui peut être considéré comme le premier « parc industriel » du Canada. On y retrouve un chantier naval, une tannerie, un moulin à scie, deux briqueteries, trois moulins à farine ainsi qu'une brasserie. Cette dernière, en plus de rapporter des profits à la colonie et de diversifier les cultures, doit encourager les colons à consommer de la bière, une boisson abordable et moins forte en alcool que le vin ou les eaux-de-vie.

La brasserie est érigée entre 1668 et 1669 au pied de la falaise adjacente à l'Hôtel-Dieu de Québec. Au printemps 1670, la production peut commencer. L'édifice principal, constitué de blocs de schiste et de calcaire montés sur une fondation de bois et de pierre, fait 45 mètres de long et s'élève sur quatre niveaux. Un dallage de calcaire recouvre les planchers intérieurs du sous-sol – le germoir – et du rez-de-chaussée de la brasserie. Des cocons de vers tubifex prospérant facilement en milieu humide trouvés par les archéologues dans les vestiges du sous-sol confirment d'ailleurs la présence d'un germoir sur place. L'orge préalablement germée est ensuite torréfiée dans la touraille, une structure dans laquelle le grain est étendu et asséché sur de grandes toiles au-dessus d'un four. Ce malt est alors concassé, puis trempé dans de grandes cuves de bois munies de faux-fonds dont aucun vestige n'ont été retrouvés à la Brasserie du Roy. Le moût est ensuite transvidé à l'intérieur de deux grandes chaudières de cuivre pour y être bouilli avec du houblon. Ces chaudières se retrouvent dans la portion ouest de la brasserie et reposent sur un massif de maçonnerie construit au-dessus de grands foyers. Elles peuvent contenir environ 10.000 litres de moût chacune et valent alors plusieurs centaines de livres françaises. Le moût cuit est enfin fermenté une première fois dans la « cuve guilloire », puis une seconde fois à l'intérieur de tonneaux. La bonne facture des équipements de la Brasserie du Roy, des installations grandement similaires à ce que Diderot et D'Alembert recommandent dans leur encyclopédie pourtant publiée près de cent ans plus tard, contribue probablement à la qualité de la bière produite sur place. Quant à la qualification ou la provenance des employés de la brasserie, un autre facteur influençant la qualité de la bière, les historiens ne peuvent qu'émettre des hypothèses. On sait par exemple qu'au 17e siècle, plusieurs colons arrivent en Nouvelle-France de Picardie et de Normandie, deux régions où on retrouve une vive tradition brassicole. De plus, un certain sieur de Battanville, identifié comme étant un brasseur de profession, habite à proximité de la Brasserie du Roy, mais rien n'indique qu'il n'y travaille.

En effet, le savoir-faire brassicole est largement répandu dans la colonie et plusieurs s'adonnent à cette activité dans l'environnement domestique. Les différentes communautés religieuses ainsi que les colons brassent ainsi de manière autonome différents styles de bière dont le « bouillon », une bière primitive fabriquée à partir d'une boule de pâte au levain laissée à tremper dans une quantité d'eau. Ainsi, malgré ses qualités, la bière de Jean Talon peine à se vendre dans la colonie. De plus, se conservant plutôt mal et ne tolérant pas les longs voyages, cette dernière ne trouve pas preneur dans les Antilles où l'Intendant prévoit écouler la moitié des 20.000 litres brassés annuellement.
Jean Talon met donc fin aux opérations en 1675. Malgré sa volonté affirmée de dynamiser l'économie coloniale, il est possible que Jean Talon ait moins décidé d'établir la Brasserie du Roy « pour la production de bière que pour le prestige que lui apportait la magnificence de ce bâtiment et surtout les profits que sa vente pourrait lui rapporter. »

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Références

Notices bibliographiques :

  • FERLAND, Catherine. « De la bière et des hommes : Culture matérielle et aspects socioculturels de la brasserie au Canada (17e-18e siècles) ». Terrains et travaux. No 9 (2005), p. 32-50.
  • FISET, Richard. Brasseries et distilleries à Québec (1620-1900) : Profil d'archéologie industrielle. Université Laval, 2001. 538 p.
  • MOUSSETTE, Marcel. « La bière à l’époque de Jean-Talon ». Cap-aux-Diamants. No 28 (1992), p. 18-20.
  • MOUSSETTE, Marcel. Le site du Palais de l'Intendant à Québec : Genèse et structuration d'un lieu urbain. Nouveaux cahiers du CÉLAT, 10. Québec, Septentrion, 1994. 229 p.
  • SIMONEAU, Daniel. « The Intendant’s Palace site : new insight into its physical evolution and initial occupation ». Post-Medieval Archaeology. Vol. 43, no 1 (2009), p. 171-182.

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