Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Biens mobiliers à caractère religieux (Décors peints)

Description

Le décor peint fait référence à l'ensemble des peintures monumentales qui agrémentent ou mettent en valeur une architecture et en sont indissociables, par opposition à un décor composé de tableaux simplement accrochés aux murs et qui peuvent être retirés sans nécessiter des moyens importants. Un décor peint impose habituellement, à son concepteur, d'envisager au préalable le programme iconographique et ornemental complet et de l'élaborer en fonction des particularités du bâtiment à décorer pour s'assurer qu'il s'intègre parfaitement au lieu.

Diverses techniques permettent de créer un décor peint. Souvent utilisé erronément comme synonyme de « peinture murale », le terme de fresque ou buon fresco désigne un procédé spécifique qui consiste à appliquer des pigments détrempés à l'eau sur un enduit de chaux ou de plâtre frais. Cette technique présente un niveau de difficulté élevé puisqu'elle ne permet pas de retouche et exige une rapidité d'exécution de la part du peintre qui doit appliquer la peinture avant que l'enduit ne sèche. Pour ces raisons, peu de décors à la vraie fresque ont été produits au Québec.

Plus répandue que la fresque, la peinture murale ou technique a secco se pratique sur un enduit sec et nécessite l'emploi d'un liant à base d'huile, de colle, de cire ou d'œuf. Le peintre muraliste, tout comme le fresquiste, aura souvent recours à des pochoirs pour produire les motifs ornementaux et à des cartons perforés pour reproduire les compositions figuratives élaborées en atelier. Un autre procédé fréquemment employé pour créer un décor mural consiste à maroufler, c'est-à-dire à encoller, directement sur les murs et les plafonds, des toiles déjà peintes en atelier. Cette technique présente l'avantage d'éviter les conditions exigeantes associées au travail in situ, soit les positions inconfortables, l'usage d'échafaud et les désagréments causés par la température et l'humidité de certains lieux à décorer. Plus d'une technique peut être utilisée dans la création d'un même décor.

La plupart des décors peints dans les lieux de culte du Québec se composent d'un agencement d'éléments ornementaux et de compositions historiées (c'est-à-dire figuratives) qui occupent l'ensemble ou une grande part des plafonds, des voûtes et des parois. La peinture ornementale peut servir à agrémenter les surfaces, à créer des illusions architecturales, à reproduire des matériaux nobles en trompe-l'œil, ou à encadrer les compositions historiées. Ainsi circonscrit grâce aux éléments ornementaux, le décor historié devient souvent le point focal de l'ensemble et assume une fonction didactique et cultuelle. Pour assurer l'unité architecturale, les artistes optent fréquemment pour une palette restreinte. Il n'est donc pas rare de retrouver un décor historié peint en grisaille, soit en nuances de gris parfois légèrement colorées, qui imite les bas-reliefs et semble faire corps avec l'architecture.

Dans un décor peint, les compositions historiées s'inscrivent habituellement dans un programme iconographique complexe élaboré autour d'un thème central choisi par le commanditaire ou proposé par l'architecte ou l'artiste qui produira les œuvres. Cette thématique peut être liée au saint patron de la paroisse, à la spiritualité d'une communauté religieuse ou à une dévotion particulière. Elle se déploie en différents tableaux représentant des épisodes bibliques ou hagiographiques, ou illustrant des personnages ou des scènes à caractère symbolique. Si certains artistes produisent des compositions originales conçues spécifiquement pour un décor, plusieurs ont recours à la copie ou à la citation d'œuvres célèbres pour accélérer l'ouvrage et en réduire les coûts.

En tant que partie intégrante du bâtiment, le décor peint est particulièrement à risque d'être endommagé ou altéré lors de sinistres ou de rénovations. Au Québec, plusieurs décors peints ont subi de tels dommages ou transformations au fil des ans.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Informations historiques

Avant le début du XIXe siècle, la plupart des lieux de culte catholiques au Québec ont des décors intérieurs où domine la sculpture sur bois, tandis que les tableaux qui ornent les murs et les autels changent suivant les occasions et les modes. L'un des premiers décors peints recensés, aujourd'hui disparu, est réalisé par l'artiste italien Angelo Pienovi à l'église Notre-Dame de Montréal vers 1828. Toutefois, le goût pour ce type de décor se développe véritablement à partir des années 1860 par l'entremise de peintres d'origine germanique, tels que Daniel Müller qui décore l'église du Gesù (Montréal) et Wilhelm Lamprecht qui œuvre à l'église de Saint-Romuald (Lévis). Ces artistes couvrent les murs et les plafonds d'éléments ornementaux et de scènes historiées travaillés à la fresque ou à la peinture murale à la manière des Nazaréens, un groupe d'artistes allemands préconisant un retour à l'art religieux prérenaissant.

Au début des années 1870, Napoléon Bourassa devient le premier artiste canadien-français à exécuter des peintures murales religieuses. S'appropriant lui aussi l'esthétique nazaréenne, il crée cependant des programmes décoratifs entièrement originaux, rompant avec la pratique de ses prédécesseurs de copier ou de s'inspirer d'œuvres de grands maîtres. Le chantier de la chapelle Notre-Dame-de-Lourdes (Montréal) est l'occasion pour Bourassa de former des émules, dont François-Édouard Meloche et Toussaint-Xénophon Renaud qui deviendront des muralistes prolifiques.

Dans les années 1880 et 1890, la vogue des décors peints se répand graduellement et des artistes d'horizons aussi divers que Luigi Capello, maître d'Ozias Leduc, Charles Huot et Joseph Thomas Rousseau, qui formera Suzor-Coté, répondent à la demande, chacun usant d'approches et de styles personnels. Si la technique a secco demeure privilégiée pour les éléments ornementaux, les compositions historiées sont désormais souvent peintes sur toile en atelier, puis marouflées sur les murs et les plafonds.

L'engouement pour les décors peints atteint son apogée au tournant du XXe siècle et perdure jusqu'en 1930. Le peintre et décorateur Ozias Leduc se distingue de ses contemporains par l'esthétisme et l'originalité de ses décors, maîtrisant mieux l'art d'intégrer l'ornementation peinte au bâtiment grâce à ses choix de palette et de sujets. Les décors de l'église de Saint-Hilaire, de la chapelle de l'Archevêché de Sherbrooke et de l'église de Notre-Dame-de-la-Présentation de Shawinigan témoignent du renouveau qu'il cherche à insuffler à chacune de ses œuvres.

Originaire de Florence, Guido Nincheri est une autre figure majeure de l'âge d'or de la peinture monumentale au Québec, notamment en raison du nombre important de ses réalisations. S'adaptant au style du bâtiment, il crée des décors élaborés qui peuvent emprunter autant à l'art byzantin que renaissant. Sa palette aux accents pastel évoque la fresque, technique qu'il maîtrise d'ailleurs grâce à sa formation européenne et à laquelle il a recours à l'occasion, notamment à l'église Saint-Léon-de-Westmount. Selon les projets, il opte d'autres fois pour la peinture murale ou le marouflage.

À partir de 1930, la vogue des décors peints s'essouffle, malgré la persistance de certains artistes, dont Leduc et Nincheri, qui poursuivent dans la même lignée jusqu'à la fin de leur carrière. Apparu en France et diffusé au Québec grâce aux pères français Dom Bellot et Marie Alain Couturier, le mouvement pour le renouveau de l'art sacré veut s'affranchir des décors passéistes pour proposer des œuvres en phase avec les préoccupations artistiques contemporaines. Dans ce contexte, des artistes, tels que le père Wilfrid Corbeil ou Marguerite Giguère Boileau, créent des peintures monumentales aux compositions stylisées qui font appel au symbolisme, œuvres qui viennent rehausser des décors autrement dépouillés.

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Références

Notices bibliographiques :

  • BÉLAND, Mario, dir. Napoléon Bourassa : la quête de l'idéal. Arts du Québec. Québec, Musée national des beaux-arts du Québec / Les Publications du Québec, 2011. 319 p.
  • BELLEROSE, Véronique. Le champ des décors polychromes dans les églises au Québec entre 1850 et 1930. Université du Québec à Montréal, 2019. 105 p.
  • BELLEY, Cécile. François-Édouard Meloche (1855-1914) : muraliste et professeur, et le décor de l’église Notre-Dame-de-la-Visitation de Champlain. Université Concordia, 1989. 134 p.
  • CROTEAU, André. Les belles églises du Québec. Vol. 1, Montréal. Saint-Laurent, Éditions du Trécarré, 1996. s.p.
  • CROTEAU, André. Les belles églises du Québec. Vol. 2, Québec et la vallée du Saint-Laurent. Saint-Laurent, Éditions du Trécarré, 1996. 222 p.
  • GRONDIN, Mélanie. The Art and Passion of Guido Nincheri. Montréal, Vehicule Press, 2018. 236 p.
  • KAREL, David. « Décoration ». KAREL, David. Peinture et société au Québec. Explorer la culture. Québec, Éditions de l'IQRC / Presses de l'Université Laval, 2005, p. 87-94.
  • LACROIX, Laurier, dir. Ozias Leduc : une oeuvre d'amour et de rêve. Québec / Montréal, Musée du Québec / Musée des beaux-arts de Montréal, 1996. 318 p.
  • LACROIX, Laurier. « La peinture murale dans les églises du Québec ». Société canadienne d'histoire de l'Église catholique. Vol. 18 (1951), p. 95-98.
  • LAROCHE, Ginette. « Les jésuites du Québec et la diffusion de l’art chrétien : L’église du Gesù de Montréal, une nouvelle perspective ». Journal of Canadian Art History / Annales d’histoire de l’art canadien. Vol. 14, no 2 (1991), p. 6-27.
  • MCKAY, Marylin Jean. A national soul: Canadian mural painting, 1860s-1930s. Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2002. 304 p.
  • RENAUD, Marc. Toussaint-Xénophon Renaud, décorateur d’églises et artiste peintre : élève de Napoléon Bourassa, disciple d’Édouard Meloche. Outremont, Carte Blanche, 2006. 211 p.

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