Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Porter son identité: l'habit cérémoniel

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Regalia

Thématique :

  • Patrimoine autochtone (Patrimoine des Premières Nations)

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression
  • Pratique

Classification :

  • Pratiques vestimentaires > Port du vêtement > Parure
  • Pratiques vestimentaires > Port du vêtement > Tenue de cérémonie > Costume d'apparat
  • Pratiques vestimentaires > Port du vêtement > Vêtement d'appartenance à un groupe > Groupe ethnique
  • Pratiques vestimentaires > Production de l'habillement

Éléments associés

Patrimoine immatériel associé (2)

Inventaires associés (1)

Description

Lors de cérémonies officielles et religieuses, d'évènements culturels ou de rencontres sociales, les membres des Premières Nations portent des signes propres à leur culture : médaillons perlés, plumes sur les chapeaux décorés de motifs traditionnels, vêtements brodés et perlés en peau, colliers et bracelets en os ou ornés de griffes d'ours, mocassins. Ces référents culturels sont des marqueurs de l'identité autochtone.

Le vêtement communique l'identité individuelle et collective. Pour les Premières Nations, le vêtement était le support de la culture, des traditions, des croyances, du statut, de l'âge, du sexe de l'individu.

Lors des pow-wow, les habits d'apparat des danseurs sont, de loin, les manifestations les plus spectaculaires et les plus connues de l'identité autochtone. Le terme régalia est utilisé pour signifier le caractère cérémonial du vêtement et des accessoires. La regalia est le symbole de son appartenance aux Premières Nations, de son identité, de sa spiritualité, de ses croyances et des traditions spirituelles de sa nation. En ce sens, la regalia a un caractère sacré. Son acquisition ou sa confection, sa manipulation, son port sont soumis à certaines règles.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Les chroniqueurs de la Nouvelle-France ont témoigné des pratiques vestimentaires et corporelles des Premières Nations. Les coiffes de plumes étaient portées par les hommes lors des occasions solennelles. On portait différents ornements et parures aux pieds, au cou ou aux bras. Champlain relate que, lors des danses, les femmes portent : «plus de douze livres de porcelaine sur elles, sans les autres bagatelles, dont elles sont chargées et attourées». Les hommes et les femmes se peignent le visage et le corps de rouge, de blanc, de noir et de jaune pour la danse, pour assister à des rencontres sociales ou politiques, pour partir à la guerre et pour les cérémonies religieuses.

Les échanges avec les Européens modifièrent à la fois la coupe et les matériaux utilisés. Les objets de traite : pièces d'étoffes, perles de verre, grelots ronds ou en forme de cornets, les pièces d'argent, les boutons, rubans, fils de soie, remplaceront les matériaux traditionnels. Le métissage vestimentaire, dès le 18e siècle, est bien visible dans les tenues autochtones. Les couvertures de laine deviendront des «capots», les redingotes seront perlées de motifs traditionnels, des grelots de métal seront cousus aux mocassins et les bourses et les sacs seront brodés de perles de verre. Le vêtement autochtone était le fruit du métissage d'éléments de troc avec les autres groupes des Premières Nations, des produits de traite et de la mode européenne.

À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, la Loi sur les Indiens interdisait les cérémonies religieuses et culturelles, entraînant la disparition du vêtement d'apparat traditionnel. Vint ensuite l'obligation de fréquenter les pensionnats à partir des années 50 au Québec. Les jeunes perdaient leurs vêtements traditionnels pour les remplacer par des uniformes, leurs cheveux coupés, on leur interdisait de parler leur langue. Interdire les pratiques vestimentaires et corporelles niait l'identité autochtone. La transmission de génération en génération fut alors rompue.

Les regalias des pow-wow contemporains sont le résultat de l'adoption sélective de pratiques vestimentaires de différentes Premières Nations, d'éléments étrangers, de traditions locales, et de l'identité du danseur. La regalia est le produit d'un métissage juxtaposant tradition et modernité. Elle n'est pas une reconstitution du vêtement traditionnel, mais est l'expression de la fierté autochtone, des valeurs et des goûts du danseur. Le vêtement raconte l'histoire du danseur et celle de son peuple, la résistance et l'accommodement, les affiliations avec d'autres traditions autochtones, le partage de traditions communes, dans un esprit de création et d'innovation.

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Contexte

Pour les Autochtones, l'habit de danse maintient le lien spirituel qui les unit à leurs ancêtres et à leurs traditions. Les motifs ornant la regalia, les matériaux et les accessoires sont autant de repères culturels. La confection de la regalia est une activité spirituelle.

Porter sa regalia c'est se transformer physiquement et spirituellement; c'est porter ses croyances, le passé et le présent de son peuple, son statut, son sexe, sa famille. Les couleurs, les matières, les motifs, les accessoires sont des éléments symboliques choisis avec soin. Tout est a valeur symbolique ou rituelle: la plume d'aigle, les médaillons à miroir, les bâtons de danse, les clochettes attachées au robe, les mocassins, les motifs brodés ou perlés.

Les hommes porteront : des coiffes de porc-épic ou de plumes, des bouquets de plumes (bustle) fixés au dos, des ergots de cervidés ou des clochettes aux chevilles, des jambières, des chemises, des gilets, des hauts de chausses, des mocassins perlés, des éventails en plumes, des pelisses d'animaux, des bâtons de danse, ou encore des pièces entièrement couvertes de longs rubans, selon le style de danse. Souvent, l'habit est associé à la peinture faciale, comme on le faisait jadis pour la danse ou les cérémonies. Les femmes mettent de longues robes ou des jupes en cuir ou en tissus abondamment décorées de motifs, des châles à longues franges, des robes couvertes de clochettes, des ceintures à étui et des sacs, des mocassins et jambières ornés de motifs colorés.

En général, les danseurs fabriquent eux-mêmes, en tout ou en partie, leur habit de pow-wow. L'habit est personnel, l'acheter ou confier la confection à un tiers est mal vu. Confectionner son habit, c'est se réapproprier sa culture et raconter son histoire. Souvent, le rêve ou les visions donneront au danseur les éléments qui feront partie de l'habit et la manière de le porter. Par le rêve ou les visions, le danseur entre en communication avec le monde invisible. Le monde surnaturel, celui des esprits, livre un message et il est important de réaliser les consignes du rêve, sinon on s'expose à ne plus recevoir de messages. Pour concevoir sa regalia, il faut également avoir recours à ses ancêtres et s'inspirer de la nature, à défaut de quoi l'habit risque de se déchirer et de s'abîmer lors de la danse. Pour les danseurs, l'habit possède un pouvoir et une énergie. Cette énergie de la regalia peut se retourner contre le danseur s'il n'en prend pas soin, en le blessant ou en l'empêchant de danser. Une danseuse raconte que dans sa famille, au printemps, on prépare un mokocan (festin) pour honorer les regalias. Les habits sont sortis à l'extérieur et on leur fait une offrande de nourriture pour leur donner de l'énergie.

La regalia est continuellement remaniée au gré des rencontres, des dons reçus de danseurs ou de personnes chères, de l'évolution personnelle du danseur. Décrire sa regalia, c'est raconter son histoire en tant que membre des Premières Nations et en tant qu'individu. Cela peut prendre des années pour fabriquer ou acquérir toutes les pièces de l'habit. En général, le danseur possède plus d'une regalia. On ne met pas de côté une ancienne regalia, on doit la porter de temps à autre par respect. La regalia ne doit être portée que pour danser lors des pow-wow ou de cérémonies particulières. Elle est toujours remisée avec soin dans une valise et il est interdit d'y toucher à moins d'en avoir reçu la permission.

Avant de se vêtir, le danseur se purifie par la fumigation d'herbes sacrées, souvent de la sauge pour les hommes, du cèdre pour les femmes. Le matériel nécessaire à la fumigation est transporté avec la regalia dans une valise. Chaque pièce sera ensuite purifiée avec une prière au Créateur. Un danseur consacrera plus d'une heure pour se préparer et se vêtir.

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Apprentissage et transmission

Au gré des rencontres, en observant, en demandant conseils et en discutant avec les danseurs émérites, le néophyte composera sa regalia. Les danseurs suivent la route des pow-wow au Québec, au Canada, et parfois même aux États-Unis. Les enseignements qu'ils reçoivent lors de ces événements font partie de la culture de différentes nations autochtones. Pour plusieurs, c'est une façon de se réapproprier la culture, tout en créant une nouvelle identité partagée par plusieurs nations. Tout en se conformant aux exigences requises pour la danse, les danseurs s'inspirent de leur environnement, de la culture autochtone et des traditions de leur nation.

Ce sont souvent tous les membres de la même famille qui s'adonnent à la danse. Les enfants sont alors initiés très tôt à cette pratique. S'ils ne fabriquent pas eux-mêmes leur regalia, ils choisiront le tissu, les motifs et les accessoires qu'ils veulent porter. Lorsqu'ils seront en mesure de la confectionner, ils apprendront à coudre, à orner leur regalia et à fabriquer les accessoires. Les danseurs plus âgés aident les enfants à s'habiller en leur expliquant la signification et le rôle qu'ils vont jouer dans la danse.

Il y a des danseurs dans chaque communauté. Certains sont reconnus pour leur art et leur savoir. Ils deviennent des modèles pour les autres danseurs. Des groupes informels se forment pour aider les débutants, en partageant les connaissances. Dans certaines communautés, des ateliers de regalia sont organisés pour donner les enseignements spirituels sur la danse et la confection des regalias.

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Objets

La confection d'une regalia demande des connaissances sur la danse, et la maîtrise de savoir-faire traditionnels tels : le travail du cuir, le perlage et la broderie. Il faut savoir coudre et fabriquer les éventails, les bâtons et les différents accessoires.

Certaines pièces sont communes à tous les habits. Les danseurs portent des plastrons en os en guise de protection. Les os sont assemblés à l'horizontale pour les hommes et à la verticale pour les femmes. L'assemblage masculin symbolise le lien qui unit les hommes entre eux, le féminin : le lien qu'elles entretiennent avec le ciel en tant que gardiennes de la Terre-Mère. Les miroirs sont intégrés à différents accessoires. C'est une protection contre les mauvais esprits et les mauvaises influences extérieures.

Les hommes portent des ergots de cervidés ou des clochettes au pied pour appeler les ancêtres à danser. Ils portent également une coiffe de piquants de porc-épic ou entièrement confectionnée de plumes d'aigle. Les hommes personnifient des guerriers ou des chasseurs. Ils portent un bouclier et parfois un bouquet de plumes d'aigle fixé au dos (bustle). Cet accessoire est inspiré des Autochtones des Prairies et était réservé au guerrier émérite. Si, aujourd'hui, les guerriers ou les chasseurs ont perdu leurs rôles traditionnels, les plumes d'aigle doivent toujours se mériter. Il faudra parfois plusieurs années pour obtenir toutes les plumes nécessaires à la coiffe ou au bouquet de plumes.
Le danseur de l'herbe est un éclaireur. C'est lui qui prépare le terrain à la danse en écrasant symboliquement l'herbe. Sa regalia devra alors avoir de longues franges de rubans colorés pour donner fluidité au mouvement. Le gilet ou la cape des femmes participant à la danse traditionnelle est également agrémenté de franges, souvent en cuir. Elles portent une ceinture dans laquelle on insère des pochettes; dans l'une on met un couteau, dans l'autre de petits objets. Le couteau symbolise le travail de la femme après la chasse et, l'étui pour de menus objets, le fait qu'elle doit tout avoir en main pour subvenir aux besoins de sa famille. Leurs jambières et leurs mocassins sont brodés de plantes rappelant leur rôle de gardiennes de la nature.

La danse des clochettes (Jingle dance) est une danse de médecine pour demander la guérison. La robe terminée, 365 clochettes auront été cousues sur la partie inférieure de la robe; autant de jours de jeûne et de prières pour la couturière. Chaque clochette apposée est une prière pour la guérison d'une personne. Les clochettes étaient fabriquées à partir de pots de tabac en métal. Aujourd'hui, elles sont achetées dans des boutiques spécialisées.

Les motifs ornant les regalia sont inspirés de la tradition, de la nature et de la vie personnelle du danseur. Un danseur choisira des couleurs pastels pour signifier son caractère doux, des motifs de coeur pour représenter sa générosité et parsèmera sa regalia de figures représentant des traces d'ours pour symboliser le clan auquel il appartient et le chemin qu'il poursuit. Un autre l'ornera de motifs à la mémoire de son grand-père qu'il associera aux plantes médicinales de sa nation. Sur le châle, la danseuse brodera des papillons en se rappelant la légende de leur origine sur terre. Les motifs traditionnels figuratifs ou géométriques côtoient les motifs contemporains. Le tissu utilisé par un jeune danseur présentera des héros populaires symbolisant la force et le courage ou encore sa passion.

Les couleurs, les matériaux, naturels ou non, les motifs traditionnels et contemporains et les accessoires choisis, tout contribue à conférer un pouvoir à la regalia.

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Références

Notices bibliographiques :

  • Enregistrement avec BIROTÉ, Christiane, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La confection des régalias », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Wemotaci, 23 août 2013.
  • Enregistrement avec BOIVIN, Sabrina, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « L'habit de pow-wow », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Lac-Simon, 26 juin 2013.
  • Enregistrement avec FLAMAND, Sipi, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « Le déroulement d'un pow-wow et l'habit de pow-wow », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Manawa, 9 juillet 2013.
  • LABERGE, Marc. Affiquets, matachias et vermillon. Signes des Amériques, 11. Montréal, Recherches amérindiennes au Québec, 1998. 227 p.
  • Musée McCord. Porter son identité, la collection des Premiers Peuples. Montréal, Gallimard, 2013. 235 p.
  • Wapikoni mobile. Wapikoni mobile. Cinéma des Premières Nations [En Ligne]. http://www.wapikoni.ca

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