Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Inscrit au Registre du patrimoine culturel

Pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent

Type :

Patrimoine immatériel

Autre(s) nom(s) :

  • Navigation en canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent
  • Traversée du Saint-Laurent en canot à glace

Thématique :

  • Patrimoine maritime et fluvial

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Pratique
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques ludiques et sportives > Activité de compétition > De glisse/glace > Pratique
  • Pratiques techniques > Liées au transport (métiers inclus) > Maritime et fluvial > Navigation

Éléments associés

Patrimoine immobilier associé (1)

Événements associés (1)

Patrimoine immatériel associé (1)

Description

La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent est une activité sportive qui s'exerce en équipe durant l'hiver. Elle relève du domaine des pratiques sociales et événements festifs. La pratique actuelle s'inscrit principalement dans un contexte de compétition, lors de courses où les sportifs se déplacent sur l'eau, sur les glaces ou dans le frasil. L'exercice demande un contrôle de l'embarcation et la connaissance des courants et des vents qui influencent la navigation sur le fleuve Saint-Laurent.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Désignation Élément du patrimoine immatériel Ministre de la Culture et des Communications 2014-02-06

Statuts antérieurs

  • Proposition de statut national, 2013-02-21
 

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Valeur patrimoniale

La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent a d'abord été une façon de se déplacer d'un lieu à un autre. Des écrits permettent d'en confirmer l'existence au XVIIe siècle. Les embarcations que les autochtones utilisaient pour se déplacer sur le fleuve l'hiver y sont décrites, tout comme leurs techniques de navigation entre les glaces. Des connaissances et des savoir-faire associés à la pratique du canot à glace auraient ainsi été transmis à la population euro-québécoise par contact direct.

La navigation en canot sur le fleuve Saint-Laurent pendant l'hiver a ensuite donné naissance au métier de passeur, qui consiste à transporter personnes, marchandises et courrier d'une rive à l'autre. La pratique du canot à glace est maintenant un sport de compétition, ce qui témoigne de sa recréation en permanence ainsi que de son adaptation dans le temps et à son environnement. Si la pratique du canot à glace n'est plus destinée au transport, elle repose toujours sur une grande connaissance du fleuve, des glaces, des vents et des courants. Des savoir-faire techniques, comme la fabrication des canots et de certaines pièces d'équipement, ainsi que des expressions de tradition orale, comme des contes, des légendes et des chansons, font aussi partie d'un ensemble de pratiques associées à la navigation en canot sur le fleuve Saint-Laurent en hiver.

Les courses en canot à glace s'inscrivent officiellement dans la programmation d'événements festifs depuis la fin du XIXe siècle. Elles renforcent la cohésion du groupe et marquent un temps fort pour les canotiers, qui s'entraînent durant des mois pour s'y préparer. Puissant symbole identitaire, la pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent est une représentation distinctive de la culture québécoise. Elle est source de grande fierté pour les canotiers, qui la reconnaissent comme un élément de leur patrimoine culturel et de celui de toute la population québécoise.

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Historique

La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent remonterait aux origines du pays. Des écrits de mémorialistes et de voyageurs comme Samuel de Champlain (1574-1635), Paul Le Jeune (1591-1664) et Pierre-François-Xavier de Charlevoix (1682-1761) permettent de confirmer son existence au XVIIe siècle. Ces écrits témoignent du fait que les autochtones naviguaient en canot l'hiver, en dépit des risques que cela représentait. Ce mode de déplacement précède donc la période de contact entre les autochtones et les Européens qui ont exploré le Québec. Des connaissances et des savoir-faire associés à la pratique ont été transmis à la population euro-québécoise par contact direct, soit par observation et imitation. Les colons empruntent ainsi aux autochtones leurs techniques de navigation. Or, ils délaissent les canots d'écorce, qu'ils jugent trop fragiles. Ils adoptent plutôt des embarcations de type pirogue, plus solides et plus sécuritaires en saison hivernale. Les colons développent par ailleurs des procédés qui améliorent leurs embarcations. Ils appliquent les principes de la charpenterie navale pour fabriquer leurs canots, qui deviennent ainsi plus résistants et se prêtent mieux à la navigation sur le fleuve durant l'hiver.

Durant la première moitié du XIXe siècle, l'augmentation de la population et des activités socio-économiques intensifie les échanges entre Québec et Lévis. Des navires sont alors construits pour assurer le lien entre les deux rives. La demande amène plusieurs canotiers à pratiquer le métier de « passeur ». Les passeurs transportent des personnes, des marchandises et du courrier. Leur métier se transmet généralement de père en fils, et certaines familles sont reconnues pour leur savoir-faire. Les passeurs traversent le fleuve en toute saison, mais ils sont particulièrement sollicités l'hiver parce que les bateaux à vapeur se retrouvent parfois prisonniers des glaces. Confrontés aux difficultés que représente la navigation hivernale, ils adaptent leurs embarcations par nécessité et par souci d'efficacité.

Dans les dernières décennies du XIXe siècle, les traversées en canot durant l'hiver se font de plus en plus rares. L'arrivée des brise-glaces sur le fleuve en 1904 met fin au métier de passeur. La pratique continuera néanmoins de s'exercer dans un tout autre contexte que le transport, celui de la compétition sportive. Alors que des canotiers rivalisaient déjà de manière informelle, la première course officielle est organisée en 1894 dans le cadre d'un carnaval d'hiver à Québec. L'événement attire un grand nombre de spectateurs qui observent les quatre équipes en compétition depuis les deux rives du fleuve. Près d'une trentaine d'hommes pratiquent le canot à glace pour l'occasion.

Une dizaine de courses sont organisées entre 1894 et la « renaissance » du Carnaval de Québec en 1955. À partir de ce moment, la pratique se développe et au moins une course d'envergure a lieu chaque année. Cela entraîne la formation d'équipes sportives et la mise sur pied d'associations qui regroupent et représentent les canotiers. Exclusivement masculine jusqu'au début des années 1980, la pratique est aujourd'hui exercée par des femmes. Au tournant des années 2010, l'Association des coureurs en canot à glace du Québec compte quelque 300 membres, femmes et hommes de différents âges. La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent n'a cessé de prendre de l'ampleur au cours des dernières décennies.

La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent est désignée en 2014.

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Contexte

La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent compte environ 300 adeptes sur le territoire québécois. Les canotiers forment aujourd'hui une cinquantaine d'équipes regroupées au sein de l'Association des coureurs en canot à glace du Québec. La majorité des hommes et des femmes qui pratiquent le canot sur le fleuve Saint-Laurent en hiver prennent part à diverses compétitions, notamment aux cinq courses du Circuit québécois de canot à glace (L'Isle-aux-Coudres, Québec [2], Portneuf et Montréal) qui ont lieu entre janvier et mars. Les canotiers s'entraînent durant des mois pour s'y préparer. Les événements auxquels ils participent débutent généralement par des qualifications qui se tiennent dans les rues. À cette occasion, les canots sont posés sur la neige plutôt que sur l'eau ou les glaces. Les canotiers parcourent alors une distance d'environ 500 mètres en utilisant la technique dite de la trottinette, c'est-à-dire une jambe repliée dans le canot et l'autre au sol permettant de pousser. Cette technique est aussi employée lors de la traversée du fleuve. Les équipes qui s'affrontent dans ces compétitions doivent atteindre un but, toucher des cibles ou rapporter un sac postal le plus rapidement possible. Cette dernière épreuve rappelle d'ailleurs l'une des anciennes fonctions de la pratique, soit le transport du courrier.

Les canotiers expérimentés développent des savoir-faire techniques, comme le fartage, en lien avec la fabrication, la préparation et l'entretien de leur canot. Le fartage est une étape préparatoire où les canotiers enduisent de cire leur embarcation afin d'éviter que la neige y adhère. Il s'agit d'une étape qui peut être décisive lors d'une course. Le canot doit aussi respecter certaines normes, notamment en ce qui a trait à ses dimensions et à son poids. Aujourd'hui, la plupart des canots sont fabriqués en résine époxy coulée sur une matrice en fibre de verre, matériaux qui ont remplacé le bois des embarcations traditionnelles. L'équipement des canotiers inclut des vêtements hivernaux, comme une combinaison isothermique, et des semelles à clous ou à crampons. En plus de se procurer le matériel nécessaire, les membres de l'équipe doivent s'entraîner pour être en excellente condition physique et veiller à consolider l'esprit d'équipe. Toute cette préparation est essentielle pour établir les meilleures stratégies lors d'une course, comme le choix d'un trajet en fonction des conditions climatiques et de l'état du fleuve.

La pratique ludique et sportive du canot à glace est en rupture avec sa fonction d'origine, strictement utilitaire. Bien qu'il n'y ait plus lieu de traverser le fleuve Saint-Laurent pour répondre à certains besoins fondamentaux et pour permettre les échanges, il demeure que les canotiers d'aujourd'hui exécutent les mêmes mouvements que leurs prédécesseurs, fondés sur une connaissance du fleuve, des glaces et des vents. La pratique contemporaine évoque la nécessaire adaptation des populations insulaires et riveraines d'autrefois à leur environnement et au climat. Elle a conservé des caractéristiques d'origine, dont le haut niveau de difficulté, et s'inscrit dans la continuation des savoir-faire exceptionnels développés par les anciens passeurs.

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Apprentissage et transmission

La transmission de la pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent s'effectue généralement de maître à apprenti, par observation et imitation. L'enseignement est assuré par un membre de la famille ou un mentor. Plusieurs canotiers sont initiés très jeunes à ce sport alors qu'ils assistent aux entraînements et aux courses auxquels participe un parent. De plus, certains canotiers initient des amis, qui font parfois leurs débuts en remplaçant un membre de l'équipe absent lors d'une course.

Amateurs de sports d'endurance, les athlètes qui pratiquent le canot à glace s'adonnent généralement à diverses activités sportives. Plusieurs canotiers s'entraînent intensivement toute l'année afin de maintenir la forme physique nécessaire à la pratique de leur sport. Après avoir exercé leur coup de rame durant l'été, les canotiers se regroupent dès novembre et participent à des entraînements hebdomadaires sur le fleuve, même si les eaux ne sont pas encore gelées.

Les canotiers qui sont initiés à la navigation en canot à glace par filiation dans le contexte naturel de la pratique (le fleuve) perpétuent une tradition séculaire. Liée à la spécificité géographique des régions riveraines, la pratique du canot à glace est familière à tous les membres de la communauté où elle s'exerce : même ceux qui ne pratiquent pas cette activité y sont généralement attachés et en retirent une grande fierté.

La pratique du canot à glace sur le fleuve Saint-Laurent structure la vie quotidienne des canotiers. Les événements festifs associés à la navigation en canot l'hiver constituent d'importantes occasions de rencontres pour les porteurs de la tradition. Ces festivités renforcent le sentiment d'appartenance des canotiers et la cohésion du groupe, ce qui favorise la transmission de la pratique. Même s'il règne un climat de compétition au moment des courses, les plus expérimentés ont tout de même la possibilité de partager leurs connaissances et leurs savoir-faire avec les plus jeunes lors des activités sociales qui se tiennent en marge des courses.

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Références

Notices bibliographiques :

  • CHAMPLAIN, Samuel de. Oeuvres de Champlain / publiées sous le patronage de l'Université Laval par C.-H. Laverdière, tome III. Québec, Geo.-E. Desbarats, 1870. s.p.
  • GENEST, Bernard. « Le canot à glace : un patrimoine immatériel unique et exceptionnel ». Rabaska : revue d'ethnologie de l'Amérique française. Vol. 8 (2010), p. 51-58.
  • LAVOIE, Richard. Naviguer en canot à glace, un patrimoine immatériel. Québec, Les Éditions GID, 2012. 236 p.
  • LE JEUNE, Paul. Relation de ce qui s'est passe en la Nouvelle France, en l'annee 1633 envoyée au R.P. Barth. Iacquinot, provincial de la Compagnie de Jesus en la province de France par le P. Paul Le Jeune de la mesme compagnie, superieur de la résidence de Kebec. Paris, Sebastien Cramoisy, 1634. 216 p.
  • Université Laval. « Le canot à glace ». Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique. Inventaire des ressources ethnologiques du patrimoine immatériel [En ligne]. http://www.irepi.ulaval.ca

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