Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Trappe aux castors

Type :

Patrimoine immatériel

Région administrative :

  • Côte-Nord
  • Saguenay--Lac-Saint-Jean

Thématique :

  • Patrimoine autochtone (Patrimoine des Premières Nations)

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques d'acquisition > Chasse / Trappe

Éléments associés

Inventaires associés (1)

Description

La trappe au castor constitue une activité traditionnelle qui s'inscrit dans le cycle annuel de la chasse. Après le grand gibier (orignal, ours, caribou), le castor occupe une place importante dans le bestiaire autochtone. Présent sur une grande partie de la forêt boréale, il constitue une denrée alimentaire accessible toute l'année, fournit la matière première pour la composition de médicaments en médecine traditionnelle et sa fourrure offre un revenu d'appoint.

La chasse et la trappe au castor, le traitement des peaux, la préparation de sa chair et des médecines sont associés à un ensemble de connaissances, de savoir-faire, de pratiques expressives et de prescriptions transmis de génération en génération.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

Différents récits historiques décrivent les techniques de chasse et de trappe, les usages alimentaires, médicinaux et vestimentaires du castor. Selon les saisons et l'environnement, le castor était chassé, piégé ou pêché : des dards, des flèches, des fusils, des filets, des pièges étaient utilisés.

En hiver, les activités du castor se déroulent sous la glace et dans sa cabane. Le castor était pêché au filet ou chassé «à la tranche» (Lejeune, 1634). Deux trous étaient pratiqués dans la glace autour de la cabane, le filet étendu sous la glace entre les deux ouvertures. On brisait la cabane pour faire sortir les castors dans l'eau. Lorsqu'ils se prenaient dans le filet, on les assommait avec un bâton. La chasse «à la tranche» se pratiquait sur la glace. La cabane étant détruite, les castors devaient alors fuir. Pris sous la glace, ils cherchent un endroit pour respirer. Muni d'un os de baleine, le chasseur sonde la glace en écoutant le son pour trouver l'endroit ou le castor pourrait venir respirer. L'endroit repéré, la glace est cassée avec un bâton muni «d'une tranche de fer» et la bête est assommée.

En eaux libres libres, les castors se prenaient à «l'attrape» (Lejeune, 1634). On utilisait alors des pièges assommoirs «lesquels venant à se détendre, une grosse pièce de bois tombe sur l'animal et l'assomme» (Lejeune 1634). La chasse à la main et au harpon était également pratiquée. L'utilisation des pièges de métal se propagea dès le XIXe siècle.

L'importance et la valeur du castor dans la vie traditionnelle se mesurent à la place qu'il occupait dans l'univers symbolique de la culture, et les différentes prescriptions reliées à sa consommation. Le castor fut de tout temps le centre de plusieurs récits. Une légende innue raconte l'histoire d'un homme épousant une femelle castor; une autre relate les aventures des castors géants chassés par Mishtâpeu (être géant); ses particularités anatomiques (queue, double griffe sur les pattes arrières, glandes odorantes, entre autres) sont aussi mises en évidence dans plusieurs récits.

Le castor était servi lors des festins largement décrits dans les Relations des Jésuites. C'était l'occasion d'un partage communautaire, d'affirmer le prestige des chasseurs et de renforcer les liens sociaux. Les meilleures pièces (tête et queue) allaient aux chasseurs. Plusieurs prescriptions accompagnaient sa consommation selon le statut, l'âge ou le sexe de la personne. Chez les Innus, l'avant-train, les pattes, le foie, le coeur et le contenu stomacal étaient réservés aux femmes (Rousseau, 1955). Il était interdit de donner les restes aux chiens. Les os devaient être jetés à l'eau pour remercier l'animal et assurer son retour.

Pour préparer la fourrure, la peau était ouverte sur le ventre avec une gouge fabriquée d'un os canon aiguisé à l'une des extrémités. La peau était ensuite écharnée et tendue sur un moule circulaire pour le séchage. Les peaux étaient ensuite offertes en cadeaux lors des rencontres intertribales ou des mariages ou servaient de linceuls pour les funérailles. On en faisait des couvertures, des robes et des sacs.

Les dents et la tête du fémur servaient à fabriquer des couteaux et des ciseaux à bois. Les glandes à castoréum faisaient oeuvre de panacée.

Lors d'une mission, un Montagnais décrit au père Lejeune les usages du castor «Le castor fait toutes choses parfaitement bien : il nous fait des chaudières, des haches, des épées, des couteaux, du pain, bref, il fait tout».

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Contexte

La trappe est surtout pratiquée à la fin de l'automne et en hiver. L'animal est alors plus gras et son poil plus fourni. Le reste de l'année, la chasse est surtout destinée à l'alimentation.

La trappe coïncide avec le piégeage d'autres animaux tels : la martre, la loutre, le vison, le lynx. Les trappeurs sillonnent les lignes de trappe à partir de campements ou de cabanes. Le castor aménage sa hutte, son barrage et ses catèches (terriers) au bord d'un cours d'eau. L'eau monte et permet de voyager sous la glace afin d'atteindre les caches de nourriture. Les trappeurs repèrent facilement ces huttes en forme de monticule. Le trappeur connaît le potentiel de son territoire et le prélèvement se fait de façon sélective afin d'assurer la survie de l'espèce. Sur huit à douze castors par hutte, on ne piégera pas plus de deux castors.

La pose d'une vingtaine de pièges prend environ une semaine. La tournée des lignes de trappe demande environ deux semaines, pour une quarantaine de captures. Les pièges en x sont utilisés aujourd'hui. Ils sont faits de deux cadres carrés, en acier, réunis par un rivet. Suite à une pression, deux ressorts se referment et la colonne vertébrale est brisée. En automne, le piège est installé sur les sentiers empruntés par le castor. Il faut d'abord couper le bois pour ancrer le piège et construire une palissade de chaque côté pour y diriger l'animal. Pour appât : une branche de tremble ou de bouleau enduite du liquide des glandes cloacales (glandes à castoréum ou glandes anales). Installer un piège de ce type prend environ 30 minutes. En hiver, le trappeur repère au son, à l'aide d'un bâton, les chemins qu'emprunte le castor sous la glace. On perce la glace et on installe le piège.

En dehors de la période de trappe, le castor est chassé, pour l'alimentation, à la carabine, à la brunante. Pour l'attirer, on imite le bruit d'un castor se nourrissant.

Les peaux sont traitées au campement. L'écorchage prend environ une heure et la peau est coupée de la mâchoire à la queue et enlevée un côté à la fois. Les écorchoirs traditionnels faits d'un tibia affûté sont encore parfois utilisés. La peau est ensuite tendue sur des moules circulaires faits d'un bois flexible (le mélèze, par exemple) et s'adaptant à la grandeur des peaux. Un trappeur peut traiter de 5 à 6 peaux par jour.

Le castor fait partie des mets appréciés lors de fêtes familiales ou communautaires. Un castor peut nourrir de six à huit personnes. Les abats sont consommés bouillis. Les intestins sont utilisés pour faire de la saucisse. La chair peut être fumée, bouillie ou encore grillée. La carcasse empalée sur un piquet ou encore suspendue au-dessus de la braise, on met les abats à l'intérieur et l'on dépose un récipient plus bas pour recueillir le sang et la graisse. Le liquide recueilli est ensuite mélangé avec les abats. Les parties les plus tendres (foie, rognons) et les plus grasses (queue) vont aux aînés.

Les glandes à castoréum sont prélevées et mises à sécher pour la médecine traditionnelle. On en fait des pommades ou des infusions, pour les maladies respiratoires, entre autres. Les trappeurs en portent souvent sur eux pour les aider dans leur marche.

Certaines pratiques rituelles et coutumières traditionnelles subsistent chez les Innus : le partage de la viande, l'offrande des parties non consommables au Créateur et à l'esprit de l'animal, la suspension des crânes en guise de respect et l'interdiction de donner les restes aux chiens. Ces pratiques sont d'ailleurs partagées par plusieurs communautés algonquiennes.

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Apprentissage et transmission

Les populations innues sont aujourd'hui sédentarisées. Les longs séjours de trappe sont moins fréquents. Cependant, certains trappeurs innus continuent de fréquenter le territoire pour de plus longues périodes et vivent selon le mode vie traditionnel. Pour eux, c'est un moyen d'entretenir le lien avec le territoire et de garder sa culture vivante. Être un bon chasseur ou un bon trappeur est un statut valorisé.

L'apprentissage de la trappe et de la chasse se fait dès le plus jeune âge. Un trappeur innu se souvient que son père profitait des repas pour donner des enseignements sur le castor. Il utilisait un os du bassin comportant une petite cavité. En fermant les yeux ou en mettant l'os au dessus de sa tête, l'enfant devait entrer son doigt dans la cavité. Leur père leur disait qu'il était à la chasse au castor. Ce jeu avait pour but de susciter l'intérêt de l'enfant pour la chasse. Il se souvient également que son père chantait des chants reliés à la chasse. Lors des séjours en forêt son père lui disait «Observe et écoute». C'est en accompagnant son père, en écoutant ses chansons de chasse, les récits mettant en vedette le castor, en participant aux activités de trappe qu'il a appris à connaître l'habitat et le comportement du castor. Les activités de trappe étaient l'occasion d'enseignements : par exemple, le dépeçage et la préparation des peaux donnaient lieu à une leçon d'anatomie et à des conseils sur les usages du castor. Il a transmis son savoir et son savoir-faire à ses enfants selon les mêmes méthodes.

Lorsqu'il a commencé à trapper avec son père, son grand-père et un aîné de la communauté, il a appris les techniques de chasse anciennes et à fabriquer des pièges traditionnels. Au-delà des aspects techniques de la trappe, les aînés lui ont également appris à respecter certaines règles : ne prélever que ce dont on a besoin, respecter les os du castor et ne jamais les donner aux chiens, partager le gibier. En effet, le non-respect de ces règles peut mener à un déséquilibre et amener les sanctions des esprits.

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Références

Notices bibliographiques :

  • CLÉMENT, Daniel. Le Bestiaire innu : les quadrupèdes. Mondes autochtones. Québec, Presses de l'Université Laval, 2012. 530 p.
  • CLERMONT, Norman. « Le contrat avec les animaux : bestiaire sélectif des Indiens nomades du Québec au moment du contact ». Recherches amérindiennes au Québec. Vol. 10, no 1-2 (1980), p. 91-108.
  • ROUSSEAU, Jacques. « Le partage du gibier dans la cuisine des Montagnais-Naskapi ». Anthropologica. No 1 (1955), p. 215-217.
  • Enregistrement avec ROUSSELOT, Jean-Yves, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La trappe et la préparation du castor », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Pessamit, 25 septembre 2013.
  • THWAITES, Reuben Gold. The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and explorations of the Jesuit missionaries in New France, 1610-1791. Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896. s.p.
  • Wapikoni mobile. Wapikoni mobile. Cinéma des Premières Nations [En Ligne]. http://www.wapikoni.ca

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