Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Trappe et piégeage

Type :

Patrimoine immatériel

Région administrative :

  • Laurentides

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques d'acquisition > Chasse / Trappe

Éléments associés

Inventaires associés (1)

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Description

La trappe est une activité qui consiste essentiellement à capturer des animaux sauvages dans leur habitat naturel à l'aide de pièges spécialement conçus. Elle s'effectue dans le but de faire le commerce de la fourrure ou pour éliminer de façon sélective certains animaux jugés nuisibles. La trappe et le piégeage dans les Hautes-Laurentides s'appuient sur un ensemble de connaissances, de techniques et de savoir-faire hérités des premiers habitants du territoire, dont les Autochtones. Les animaux piégés comprennent, entre autres, certaines espèces plus courantes dans les forêts du nord du Québec, dont le loup gris et le lynx du Canada, en plus d'espèces communes à l'ensemble du Québec.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

La trappe et le piégeage sont pratiqués dans les Hautes-Laurentides depuis des temps ancestraux. Les nations autochtones qui occupent les vallées de la rivière du Lièvre et de la rivière Rouge avant l'arrivée des premiers colons, soient les Anishinàbeg et les Atikamekw, pratiquent la trappe pour se nourrir, se vêtir et s'abriter. Puis, à l'époque de la traite des fourrures, les peaux sont échangées dans les postes de traite, dont deux établis sur la Lièvre, contre diverses marchandises. Le déclin de cette industrie au XIXe siècle, les guerres intestines entre tribus autochtones et les coupes forestières intensives ont pour effet la dispersion des autochtones vers d'autres territoires. Les quelques familles autochtones demeurées sur place à l'époque de la colonisation s'assimilent à la population canadienne-française et transmettent plusieurs savoir-faire liés à la nature, dont le piégeage des animaux à fourrure.

Comme les autres métiers de la forêt (coupe du bois, drave), la trappe fournit par la suite un revenu d'appoint aux colons et aux guides de chasse et de pêche qui la pratiquent en saison morte. Au cours du XXe siècle, le rétrécissement des territoires de trappe, la prise en charge de la gestion de la faune par l'État de même que l'émergence de considérations morales ont une incidence importante sur l'évolution de la pratique du piégeage.

Aujourd'hui, la valeur de la fourrure ayant beaucoup diminué, la trappe n'est plus une activité très lucrative. Elle constitue dorénavant un loisir plutôt qu'un métier ou un mode de vie. Les trappeurs n'ont plus besoin de vivre en forêt sur de longues périodes, même si quelques-uns le font encore. La trappe n'est plus une technique exclusivement associée à l'industrie de la fourrure mais sert aussi à contrôler les espèces nuisibles. Certains trappeurs sont d'ailleurs engagés dans ce but par des municipalités ou des particuliers. Dans un souci de préservation de la faune, la pratique est aujourd'hui encadrée par des lois et des quotas. De même, depuis une trentaine d'années, des considérations éthiques sur la souffrance animale ont fait évoluer les pièges afin d'assurer la mort rapide de la proie.

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Contexte

Actuellement, plusieurs centaines de personnes pratiqueraient la trappe et le piégeage dans la région des Hautes-Laurentides. Jusqu'à une époque récente, la trappe était traditionnellement considérée comme une activité masculine, sauf chez les Autochtones où elle faisait également partie des tâches attribuées aux femmes. Aujourd'hui, de plus en plus de femmes s'adonnent à cette activité; de même, on remarque la présence de plusieurs jeunes apprentis trappeurs au sein de la relève. Plusieurs générations se côtoient dans la pratique du piégeage, certains s'y adonnant en famille, en couple ou en compagnie d'un mentor plus âgé.

De nos jours, la pratique est principalement encadrée par la Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec (FTGQ), qui assure la formation nécessaire à l'obtention d'un permis. Cette fédération regroupe des associations régionales, comme l'Association des Trappeurs Laurentides/Labelle, qui compte 188 membres en 2016. Il existe aussi beaucoup de trappeurs indépendants, c'est-à-dire qui ne sont affiliés à aucune association.

La trappe et le piégeage peuvent être pratiqués sur des terres privées (avec l'accord du propriétaire), sur des territoires libres ou sur des terres gouvernementales. Dans les Hautes-Laurentides, la trappe est notamment pratiquée dans les pourvoiries, dans les ZEC (zones d'exploitation contrôlées), dans les TNO (territoires non organisés) et dans les réserves fauniques; il est toutefois interdit de trapper sur les territoires protégés et conservés, comme les parcs nationaux. Pour piéger sur les terres gouvernementales, les trappeurs doivent louer un terrain de trappe auprès du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Les demandes étant nombreuses, le ministère procède par tirage au sort pour l'octroi annuel de terrains. L'achalandage peut varier en fonction des prix du marché de la fourrure. Certains terrains de piégeage comprennent des bâtiments, comme un camp de trappe permettant de séjourner plusieurs jours en forêt.

La saison de trappe varie en fonction des espèces, mais il est possible de pratiquer cette activité de la fin octobre jusqu'au mois d'avril. La fourrure est considérée plus belle au coeur de l'hiver, car elle est plus épaisse. Les espèces les plus recherchées sont la martre et le pékan, tandis que les animaux les plus difficiles à piéger, car ils sont très rusés et méfiants, sont les canidés : renard, loup, coyote. Pour les piéger, les trappeurs doivent parfois construire une sorte d'enclos et user de diverses astuces. Des particuliers et des municipalités font aussi appels à des trappeurs professionnels pour éliminer des castors, dont les barrages peuvent occasionner de coûteux dégâts.

Les trappeurs doivent posséder plusieurs connaissances et savoir-faire spécifiques à cette activité, dont une profonde connaissance des espèces fauniques, de leur habitat, de leurs habitudes et de leur caractère. En plus d'utiliser des collets et des pièges différents selon les espèces, les trappeurs utilisent des appâts et des leurres, dont l'odeur puissante attire les animaux. La fabrication des leurres à l'aide de glandes animales et de divers aromates est un savoir-faire jalousement gardé par les trappeurs, certains hésitant même à transmettre leurs recettes.

Les trappeurs doivent vérifier chaque jour leur ligne de trappe, en utilisant divers moyens de transport : ils s'y rendent en motoneige, en quad, à pied et aussi en raquettes, à la manière des Autochtones et des colons. Ils doivent ensuite écorcher les animaux et préparer la fourrure, à l'aide d'un moule spécifique à chaque espèce. La fourrure est tendue et fixée sur le moule à l'aide d'une multitude de clous, et dégraissée. La plupart des trappeurs exécutent cette tâche dans leur garage ou atelier attenant à la maison. La fourrure est ensuite vendue à des représentants de la North American Fur Auctions (NAFA), qui se déplacent dans chaque région deux ou trois fois par année.

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Apprentissage et transmission

Aujourd'hui, pour pratiquer la trappe et le piégeage, les trappeurs doivent obligatoirement suivre une formation dispensée par la Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec. S'ils réussissent le cours, ils obtiennent ensuite un permis de piégeage du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec. Cette formation, ainsi que d'autres ateliers d'échange et d'apprentissage, est donnée par des trappeurs expérimentés et des agents de la faune. La FTGQ fait également paraître diverses publications didactiques.

Parallèlement à cet apprentissage formel, la plupart des apprentis trappeurs s'initient et se perfectionnent auprès de mentors. Ces trappeurs d'expérience sont souvent des membres de la famille, comme un père, un grand-père ou un oncle. Un expert sera en effet plus enclin à divulguer ses trucs, ses conseils et ses secrets à des membres de sa propre famille.

Le trappeur Aurèle Ouellette, qui agrandi à Ferme-Neuve, a commencé à trapper durant son enfance notamment au contact d'autochtones travaillant comme guides dans un club de chasse et pêche voisin. Son frère et lui se sont ensuite inspirés de techniques apprises dans des magazines spécialisés. À l'époque, les pièges s'achetaient au magasin général. Au tournant des années 2000, monsieur Ouellette a commencé à fabriquer lui-même des pièges qu'il a fait breveter, pour finalement fonder l'entreprise Les Pièges Ouell, basée à Lac-des-Écorces. Aujourd'hui âgé de 78 ans, Aurèle Ouellette parraine souvent de jeunes trappeurs qui sollicitent ses conseils. Il les accompagne en forêt et leur transmet ses techniques.

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Évaluation d'inventaire

  • Inventaire du patrimoine culturel de la MRC d'Antoine-Labelle (2016)
    MRC d'Antoine-Labelle


  • La valeur patrimoniale de la trappe dans les Hautes-Laurentides repose sur ses intérêts historique et ethnologique. Cette pratique perpétue une tradition ancestrale héritée des premiers habitants du territoire. Les nations amérindiennes nomades ayant occupé la région avant l'arrivée de l'homme blanc ont toutes pratiqué la trappe et le piégeage comme moyen de subsistance. Bien que moins nombreux à l'époque de la colonisation du territoire par les Canadiens-français, les Anishinàbeg et les Atikamekw demeurés dans la région se sont intégrés aux nouveaux arrivants et ont transmis leurs connaissances et leurs savoir-faire. Les colons ont ensuite pratiqué la trappe à leur tour, cette activité leur fournissant un revenu d'appoint non négligeable. Les techniques se sont transmises oralement et par démonstration, de père en fils ou au sein d'une même famille. À partir des années 1970, des trappeurs se sont regroupés en associations et des instances gouvernementales ont encadré la pratique. Ces associations constituent aujourd'hui un lieu d'échange et d'apprentissage, même si la transmission par filiation (au sein d'une même famille) reste prépondérante. La trappe et le piégeage témoignent d'une relation privilégiée des habitants des Hautes-Laurentides avec l'environnement et la faune, tout en perpétuant une manière ancienne et durable d'occuper le territoire.

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    Références

    Notices bibliographiques :

    • COURSOL, Luc. Lac-du-Cerf. La Mémoire du temps. Lac-du-Cerf, Paroisse Notre-Dame-de-Lourdes, 1992. 306 p.
    • MEILLEUR, Lise. Un passé détenteur d'espoir. s.l. Société d'histoire et de généalogie des Hautes-Laurentides, s.d. s.p.

    Multimédias disponibles en ligne :

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    Gouvernement du Québec

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