Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Chasse à la sauvagine

Type :

Patrimoine immatériel

Région administrative :

  • Chaudière-Appalaches

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Pratique
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques techniques > Liées aux matières premières > Pratiques d'acquisition > Chasse / Trappe

Éléments associés

Inventaires associés (1)

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Description

La chasse à la sauvagine est une activité traditionnelle qui s'exerce dans la région de Montmagny depuis des siècles. Cette activité se pratique à l'automne lorsque, par milliers, les oies, les canards, les bernaches (communément appelées « outardes ») et les sarcelles s'arrêtent sur les rives du fleuve Saint-Laurent ou dans les îles environnantes pour s'alimenter pendant leur migration annuelle. La saison de la chasse prend fin lorsque les oiseaux migrateurs quittent les lieux pour se diriger vers le sud où ils hivernent. La chasse à la sauvagine se pratique principalement dans des caches creusées à même le sol sur les battures du fleuve ou sur les terres avoisinantes. Depuis quelques années, elle se pratique aussi sur les terres agricoles de la région où les oies, de plus en plus nombreuses, ont migré pour s'alimenter. Même s'ils disposent aujourd'hui d'équipements et d'accessoires plus sophistiqués qu'autrefois, les résidents de Montmagny utilisent des techniques éprouvées depuis très longtemps pour attirer et chasser les oiseaux migrateurs, perpétuant des savoirs et savoir-faire transmis d'une génération à l'autre.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

La chasse à la sauvagine existe dans la région de Montmagny depuis le XVIIe siècle et même fort probablement bien avant puisque les Autochtones chassaient les oiseaux migrateurs avant l'arrivée des Européens en Amérique du Nord. Les premiers Européens à s'établir dans la région pratiquaient la chasse à la sauvagine. Charles Huaut de Montmagny, qui deviendra le premier propriétaire de la seigneurie de la Rivière-du-Sud en 1646, aurait d'ailleurs été attiré dans cette région en raison de l'abondance du gibier composé surtout d'oiseaux migrateurs. Son successeur, Louis Couillard de Lespinay, qui prend possession de la seigneurie en 1653, y pratiquera aussi la chasse avant d'ouvrir le territoire à la colonisation. Les premiers colons profiteront eux aussi du passage des oiseaux migrateurs au printemps et à l'automne. La chasse était une activité très appréciée aux XVIIe et XVIIIe siècles puisque la sauvagine constituait une part importante de l'alimentation et de l'économie des résidents de Montmagny. Des fouilles archéologiques ont d'ailleurs permis de retracer de nombreux os de sauvagines datant de cette époque sur le site de Pointe-à-Lacaille, berceau de Montmagny. Au XIXe siècle, le déclin de la population ailée amènera les résidents de Montmagny à signer une convention régissant la chasse sur la devanture de leurs terres. À partir de 1803, la chasse en dehors des heures d'ensoleillement et le tir sur les oiseaux posés sur les battures seront interdits. De plus, les signataires s'engagent à ne pas faire lever les outardes posées dans le bassin de Montmagny sans en avertir les autres. Malgré ces mesures, la situation des oies blanches et des outardes devient critique. L'oie blanche, tout particulièrement, est en voie d'extinction. Des mesures sévères limitant la durée de la chasse, le nombre de prises et les méthodes utilisées, seront alors imposées par les autorités fédérales et provinciales pour préserver les oiseaux migrateurs. Au XXe siècle, soucieux de protéger la faune ailée, les résidents de Montmagny entreprendront diverses actions pour encadrer la chasse à la sauvagine sur leur territoire: mise sur pied du Club de chasse et de pêche en 1903, constitution d'un sanctuaire d'oiseaux migrateurs sur les battures du fleuve en 1962 et création d'une ZEC, seule zone d'exploitation contrôlée au Québec exclusivement réservée à la chasse à la sauvagine, en 1987. Même si plusieurs mesures législatives encadrent la chasse à la sauvagine, cette dernière est toujours fortement ancrée dans les m¿urs des résidents de Montmagny qui attendent avec impatience le retour des oiseaux migrateurs chaque automne. De nos jours, la chasse à l'oie dans les champs est de plus en plus populaire dans la région. Il faut dire que l'augmentation fulgurante du troupeau d'oies blanches au cours des dernières années a fait en sorte qu'elles s'aventurent de plus en plus loin du fleuve pour se nourrir. Il est même désormais permis de les chasser au printemps. Les possibilités de chasse ont donc rarement été meilleures qu'aujourd'hui, alors que les oies et autres oiseaux migrateurs abondent.

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Contexte

La chasse à l'affût, pratiquée dans des caches creusées dans la vase sur les battures du fleuve ou dans les champs, constitue la manière la plus courante de chasser la sauvagine dans la région de Montmagny. Le creusage des caches se fait habituellement quelques semaines avant l'ouverture de la chasse qui a lieu vers la fin du mois de septembre. Les chasseurs creusent une fosse et y enfoncent une boîte de bois. Les caches creusées sur les battures ne sont accessibles qu'à marée basse et il faut les vider avant de s'y installer. Certains chasseurs utilisent aussi des caches qui ne sont pas creusées. Elles sont simplement construites avec des matériaux récupérés sur place (branches mortes, bouts de bois, feuillage, herbage) disposés de façon à former un abri à l'aspect naturel derrière lequel les chasseurs pourront se cacher. L'équipement des chasseurs se compose essentiellement de fusils (principalement de calibre 12), munitions, appelants (leurres imitant la forme et l'aspect d'une oie ou d'un canard) et appeaux (instruments sonores destinés à appeler les oiseaux). Autrefois, les chasseurs fabriquaient eux-mêmes leurs appelants en utilisant du papier et de la boue qu'ils façonnaient de façon à reproduire la silhouette d'un canard ou d'une oie, mais de nos jours, ils utilisent plutôt des appelants fabriqués industriellement.

L'ouverture de la chasse est attendue avec fébrilité car les oiseaux sont plus faciles à abattre au début de la saison n'ayant pas encore subi le coup de feu. Certains moments de la journée, comme l'aurore ou le crépuscule, ont aussi la réputation d'être meilleurs pour la chasse parce que les oiseaux se déplacent davantage. La chasse à l'affût se caractérise par le fait que c'est le gibier qui vient au-devant du chasseur et non l'inverse. Pour pratiquer ce type de chasse, le chasseur doit donc se camoufler soigneusement sur les lieux de passage de l'animal et attendre que ce dernier soit à sa portée. Dès l'aube et même avant le lever du soleil, les chasseurs se dirigent vers leurs caches et les vident si nécessaire. Ils disposent les appelants en tenant compte de la direction du vent et de l'avancement de la saison. Ils s'installent ensuite dans leur cache en position assise et tentent de se faire le plus discrets possible. Pour attirer les oiseaux, ils lancent parfois un appel en utilisant un appeau ou en imitant leur cri. L'appel doit être bien maîtrisé pour ne pas les effaroucher. Lorsque les oiseaux sont à bonne portée, les chasseurs se lèvent et les tirent au vol. Le tir à l'avance soutenue est le plus souvent utilisé. Il consiste à viser à une courte distance devant l'oiseau et à prévoir sa trajectoire afin que les projectiles l'atteignent au moment précis où il passera à portée de tir. Pour ne pas manquer leur coup, les chasseurs doivent tenir compte de la vitesse de l'oiseau et de celle du vent. Il faut aussi qu'ils connaissent bien la portée de leur fusil. Une fois la chasse terminée, les chasseurs récupèrent le gibier et enlèvent les appelants. Cette chasse n'est pas facile. Les chasseurs doivent passer de longues heures dans des conditions souvent pénibles, puisque la pluie et le vent, surtout s'il souffle du nord ou du nord-est, sont favorables à la chasse. Les techniques utilisées dans les champs sont semblables, mais le nombre d'appelants est souvent plus élevé et certains chasseurs les laissent en place durant toute la saison.

La majorité des chasseurs consomment les oiseaux qu'ils abattent et savent les apprêter. Autrefois, on récupérait les plumes et le duvet pour bourrer les oreillers et les matelas. On conservait aussi les ailes pour en faire des plumeaux. Les oiseaux étaient donc plumés avec soin et on mettait le gibier en conserve. De nos jours, la plupart des chasseurs ne plument pas les oiseaux, ils les dépouillent, c'est-à-dire qu'ils leur arrachent la peau et les plumes en même temps. L'éviscération est faite rapidement et la congélation a remplacé la mise en conserve.

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Apprentissage et transmission

Depuis 1993, les chasseurs doivent suivre deux cours avant d'obtenir leur permis de chasse: un de juridiction fédérale portant sur le maniement des armes à feu, l'autre de juridiction provinciale portant sur les lois et règlements en vigueur dans la province. Mais l'apprentissage des savoirs et savoir-faire relatifs à la chasse à la sauvagine se fait encore principalement au contact de chasseurs plus âgés et expérimentés appartenant très souvent à la même famille.

Dès l'âge de 7 ou 8 ans, le jeune garçon accompagne parfois son père à la chasse. Comme il est interdit aux enfants de moins de 12 ans de chasser avec une arme à feu, le jeune pourra aller récupérer le gibier tiré par les adultes. Lorsqu'il sera en âge de porter une arme, il sera initié aux tactiques de la chasse par son père ou un autre chasseur plus expérimenté. L'apprentissage se fait surtout par l'observation, car les chasseurs parlent peu. C'est en répétant les gestes posés par leurs aînés que les jeunes apprennent à fabriquer une cache, disposer les appelants, utiliser les appeaux, maîtriser les vocalises qui servent à berner les oiseaux, atteindre leur cible et apprêter le gibier.

C'est aussi en observant et en écoutant leurs aînés que les jeunes chasseurs se familiarisent avec certains savoirs et savoir-faire transmis de génération en génération. Les chasseurs expérimentés partagent leurs connaissances et habiletés acquises au fil du temps en donnant aux plus jeunes des trucs et conseils pour perfectionner leurs techniques et en leur racontant leurs histoires de chasse. Au contact de ceux-ci, les jeunes chasseurs acquièrent la connaissance des habitudes comportementales des oiseaux migrateurs et de l'environnement; deux éléments essentiels pour réussir à se dissimuler dans la nature et attirer les espèces convoitées.

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Emplacement

Region administrative :

  • Chaudière-Appalaches

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Références

Notices bibliographiques :

  • Enregistrement avec BOULET, Jean-Guy, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « La chasse à la sauvagine », Inventaire du patrimoine immatériel magnymontois, Ville de Montmagny (dir.), Montmagny, 26 mars 2014.
  • BOURQUE, Ève-Lucie. « Les oies blanches : de l'extinction à l'invasion ». Québec Science. Vol. 29, no 2 (1990), p. 26-29.
  • HÉBERT, Yves. Montmagny et la Côte-du-Sud. Québec, Éditions GID, 2005. 125 p.
  • HÉBERT, Yves. Montmagny une histoire 1646-1996 : la seigneurie, le village, la ville. Montmagny, Montmagny 1646-1996 inc., 1996. 304 p.
  • Enregistrement avec LACHANCE, Jean-Marc, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « La chasse à la sauvagine », Inventaire du patrimoine immatériel magnymontois, Montmagny, 24 mars 2014.
  • Enregistrement avec LACHANCE, Joseph, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « La chasse à la sauvagine », Inventaire du patrimoine immatériel magnymontois, Ville de Montmagny (dir.), Montmagny, 25 mars 2014.
  • LAVOIE, Richard. La chasse à la sauvagine : au-delà du plomb et du sang. Université Laval, 1998. 259 p.
  • MARTIN, Paul-Louis. La chasse au Québec. Montréal, Boréal, 1990. 408 p.
  • ST-PIERRE, Serge. « Une manne ailée : la chasse à la sauvagine ». Cap-aux-Diamants. Vol. 2, no 4 (1987), p. 27-33.
  • Enregistrement avec TARDIF, Claude, réalisé par MARCHAND, Suzanne, « La chasse à la sauvagine », Inventaire du patrimoine immatériel magnymontois, Ville de Montmagny (dir.), Montmagny, 25 mars 2014.

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