Répertoire dupatrimoineculturel du Québec

Pratique du tambour

Type :

Patrimoine immatériel

Thématique :

  • Patrimoine autochtone (Patrimoine des Premières Nations)

Vitalité :

  • Vivant

Type d'élément :

  • Expression
  • Savoir-Faire

Classification :

  • Pratiques éthiques > Pratique religieuse > Pratique rituelle > Élément utilisé dans un rituel
  • Pratiques expressives > Pratiques artistiques > Musique > Musique instrumentale et vocale

Éléments associés

Inventaires associés (1)

Description

La pratique du tambour fait partie intégrante de l'identité et du patrimoine des Premières Nations. Elle fait appel à des connaissances et des savoir-faire et transmet des valeurs et des croyances. Il existe différents types de tambours variant selon les nations, les ressources du territoire, les personnes, les familles. La pratique est individuelle ou collective et le répertoire des chants au tambour est traditionnel ou contemporain. Même si le tambour est utilisé dans un contexte profane, il garde toujours un caractère sacré.

Le battement du tambour se fait entendre dans les rituels de guérisons, dans diverses cérémonies et fêtes communautaires. Jouer du tambour et chanter sont un moyen de communiquer avec la Création, les esprits et les ancêtres, un moyen d'affirmer son appartenance, de partager une expérience ou de guérir son corps et son esprit.

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Statuts

Statut Catégorie Autorité Date
Inventorié --
 

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Historique

La musique, la danse et le chant marquaient les évènements importants, les rites de passage de la naissance à la mort, de guérison, de chasse et les réjouissances. Les récits des voyageurs et les relations des missionnaires donnent des transcriptions de chants, des descriptions des instruments de musique et du contexte dans lequel ils étaient utilisés. Crécelles, hochets, grelots, clapets et tambours étaient les plus usités. Mais, sans contredit, le tambour occupe une place dominante dans l'univers musical et spirituel des Premières Nations.

Le père Lejeune, chez les Montagnais, en 1634, décrit l'instrument comme un tambour basque (tambourin), composé d'un cercle large de «trois ou quatre doigts», d'un diamètre d'environ «deux palmes» et de deux peaux tendues de part et d'autre, entre lesquelles sont insérés de petits cailloux pour faire du bruit.

Les missionnaires comprirent rapidement que le tambour était un instrument essentiel de la spiritualité autochtone. Le tambour, véhicule de communication avec les esprits, utilisé par les jongleurs, magiciens et sorciers devint, pour les missionnaires, un obstacle à la conversion des âmes. Il est qualifié de diabolique, de superstitieux, de démoniaque. Des descriptions mettent en scène le guérisseur ou le sorcier convoquant les puissances spirituelles. En cela, le praticien et son tambour étaient en concurrence avec les missionnaires. En bannissant le tambour, les missionnaires croyaient éliminer les rites et les croyances «païennes».

Pour être baptisés, les Autochtones devaient abandonner leurs pratiques religieuses traditionnelles, entre autres la pratique du tambour. Les nouveaux convertis jettent leur tambour au feu, l'enterrent sous la neige, le donnent aux chiens, le mettent en pièces. L'interdiction du tambour, objet essentiel au déroulement des rituels, allait entraîner l'abandon de plusieurs pratiques spirituelles traditionnelles. Déjà en 1642, à Tadoussac, les pères jésuites racontent que «les festins à tout manger, les sorciers, les tambours, les chansons et les danses superstitieuses ne paraissent quasi plus».

Malgré ces interdictions, la pratique du tambour subsista loin des yeux et des oreilles des missionnaires. Avec la sédentarisation dans les réserves, les occasions de jouer du tambour se firent moins fréquentes. Le clergé veillait à rappeler les interdictions frappant l'usage du tambour. Encore aujourd'hui, les aînés sont réticents à parler du tambour. Sa réintroduction dans certains rituels et événements ne fait d'ailleurs pas l'unanimité. Certains considèrent le tambour comme un instrument sacré qui ne devrait pas être utilisé à d'autres fins que des rites religieux et privés, pour d'autres, la pratique du tambour est contraire aux enseignements de l'Église.

Au cours des dernières décennies, la pratique du tambour s'est démocratisée. Autrefois réservée aux aînés et aux guides spirituels, les jeunes se sont réappropriés cette pratique pour exprimer leur culture et leurs expériences individuelles et collectives. À partir des années 80, des groupes de tambour collectif se sont formés dans plusieurs communautés. Le tambour collectif accompagne les pow-wow, les évènements culturels, communautaires et politiques.

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Contexte

Le tambour à main est individuel et personnel. Son répertoire est composé de chants appartement à une personne, à une famille ou à un groupe. Il est surtout utilisé dans les cérémonies ou les activités à caractère privé. Les chants peuvent être reçus des esprits, par le rêve. Ils sont dédiés au Créateur, expriment le lien avec la nature, demandent une aide tangible ou expriment une vision. Le pouvoir du tambour provient des matériaux utilisés, des motifs peints et de sa forme. Le tambour est rond, symbolisant le cercle de la vie; il est orné de motifs traditionnels peints sur la peau ou le pourtour; le laçage, à l'endos, représente les quatre directions, les quatre grandes voies que l'individu doit explorer pour être en harmonie avec l'univers; une plume et un petit sac d'offrande de tabac peuvent y être attachés; l'embout de la mailloche se compose d'un tissu rouge, symbole de la vie et du retour aux traditions et des herbes sacrées y sont incorporées.

Son acquisition fait l'objet d'un rituel. Chez les Atikamekws, les aînés racontent qu'il faut l'accrocher et lui parler pendant quelques jours avant de pouvoir en jouer, pour ne faire qu'un avec son tambour. Chez les Innus, la fabrication et l'usage du tambour sacré étaient réservés aux chasseurs expérimentés ayant acquis des pouvoirs spirituels. Le répertoire des chants traditionnels du teueikan est acquis par le rêve et concerne la chasse, le territoire et la vie quotidienne. La transmission des chants et le don du tambour se font à un membre de la famille qui s'en montrera digne et aura reçu les enseignements. La transmission étant devenue difficile, certaines restrictions concernant l'utilisation du tambour et des chants ont donc été partiellement levées afin de transmettre la tradition : certaines femmes ont obtenu la permission de jouer et de chanter au teueikan, certains jouent du tambour sans y avoir rêvé. Bien que les chants soient parfois encore issus du rêve, ils font appel aujourd'hui aux valeurs et à réalité contemporaine des Innus.

Le tambour à main peut être joué collectivement, chaque joueur ayant son propre tambour. Le tambour collectif (environ 1 mètre de diamètre et d'une hauteur de 30 ou 40 cm), réunit souvent plus de huit musiciens. Les tambours collectifs utilisés aujourd'hui, principalement dans les pow-wow, sont originaires de l'Ouest. Le répertoire des chants est particulier au pow-wow, ils accompagnent la danse mais également les cérémonies. Les chants ont été rêvés, composés ou transmis d'autres nations. Ils sont interprétés dans la langue des musiciens ou en anglais lorsqu'il s'agit d'emprunts. On utilise également des vocables, c'est-à-dire des syllabes chantées (hé, ha, we, etc.). Il existe plusieurs styles de musique de pow-wow. Au Québec, la plupart des groupes chantent dans le style du Nord (Northern style), la tonalité de la voix est aiguë et le tempo rapide.

En se démocratisant, le tambour et la pratique n'ont pas perdu leur caractère cérémoniel et sacré. Le tambour collectif tout comme le tambour individuel est traité avec respect, «on doit le traiter comme un être vivant». D'ailleurs, on utilise le vocable «tambour» pour désigner le groupe de joueurs/chanteurs. La fabrication, l'usage et les soins qui lui sont apportés sont sujets à certaines prescriptions. Le tambour a un gardien, une personne qui, par son cheminement spirituel, peut en prendre soin : il est remisé dans une enveloppe et ne devra jamais être laissé sur le sol sans protection. Il est interdit d'y toucher sans permission. Pour battre le tambour, les musiciens doivent être sobres depuis quatre jours et se purifier par fumigation en commençant par la tête pour «enlever les pensées négatives», ensuite les yeux pour «mieux regarder», le coeur «pour être en harmonie». Chaque musicien fait ensuite une offrande en déposant sur la peau du tambour du tabac aux quatre directions.

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Apprentissage et transmission

La fabrication, l'utilisation et la pratique du tambour et des chants étaient étroitement liées à des pratiques traditionnelles de la vie nomade. Les pratiques reliées au tambour ont subi des transformations tant au niveau des répertoires, des groupes d'âge que des genres. Pour la génération des pensionnats et la jeune génération, la pratique du tambour est un mode de réappropriation de la culture autochtone. Selon les artisans et les praticiens, le tambour exprime un mode de vie, un savoir-être et valorise une pratique ancienne.

Tout en conservant des chants traditionnels, le répertoire s'est considérablement élargi par de nouvelles créations et des emprunts à d'autres nations qui font écho à des préoccupations contemporaines. Cependant, la dimension spirituelle est toujours bien présente, le tambour demeure un moyen privilégié de communiquer avec les esprits et les ancêtres.

L'oralité demeure le mode de transmission privilégié pour la fabrication du tambour et l'expression musicale. C'est dans un contexte interpersonnel, par observation et imitation qu'on apprend à fabriquer, à jouer et à chanter au tambour.

L'apprentissage du tambour à main est relativement court, il s'agit d'un instrument individuel que le praticien peut utiliser à sa guise. L'apprentissage du tambour collectif demande de la discipline et un esprit de corps entre les musiciens. Les chants et les jeux sonores sont transmis oralement et en imitant les joueurs expérimentés. Mais la pratique du tambour n'est pas un divertissement. Les enseignements spirituels font partie de l'apprentissage. Les jeunes sont invités à prendre le «chemin rouge» c'est-à-dire : adhérer aux valeurs de respect et de coopération, aux croyances et aux pratiques spirituelles traditionnelles afin de vivre en harmonie avec soi-même et le reste de la Création. La transmission de ces préceptes s'effectue lors de rituels où les enseignements sont donnés par des guides spirituels.

Traditionnellement, les femmes accompagnaient le tambour de leurs chants. Aujourd'hui, à certaines conditions, elles se joignent parfois au groupe pour jouer. Certaines ont reçu la permission d'un joueur de tambour de leur famille, d'un aîné ou lors d'une cérémonie. La pratique du tambour par les femmes ne fait cependant pas l'unanimité, puisqu'elle remet en cause le partage de rôles dans la société autochtone. Selon une légende anishnabe, lors de la création du monde, le Créateur aurait demandé à la femme et à l'homme ce qu'ils voulaient recevoir comme don, la femme aurait choisi celui de donner la vie, l'homme celui de jouer du tambour pour honorer toute la création, chacun devant exercer ce don de façon exclusive.

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Objets

Les tambours sont de formes et de dimensions variées et fabriqués de matériaux divers. Le choix et le traitement de la peau, l'essence de bois choisie et le traitement du bois, les ajouts décoratifs et les motifs symboliques en font des objets uniques.

Les peuples iroquoiens utilisent pour les cérémonies un tambour d'eau fabriqué d'un tronc d'arbre évidé (tilleul, cèdre, etc.) ou d'un baril de bois sur lequel est installée une peau humide retenue par un cerceau. Avant de battre le tambour avec une baguette, on y verse de l'eau ce qui maintient la peau humide et donne une sonorité particulière.

Chez les peuples algonquiens, le tambour individuel est généralement de forme circulaire ou à plusieurs côtés (8, 12 ou 16) et garni d'une seule peau. L'artisan utilise de la peau d'orignal, de caribou, de chevreuil et parfois de la peau de bovidés. La peau est écharnée, épilée et grattée pour ensuite être étirée et placée sur un cadre pour le séchage pendant quelques jours. On obtient du cuir cru, appelé babiche qui sera utilisée comme peau de frappe. Si la peau de chevreuil est plus facile à travailler, elle est plus mince donc plus fragile. On privilégiera pour le tambour collectif, la peau d'orignal qui est plus résistante et plus épaisse. La résonance du tambour sera plus basse ou plus élevée selon l'épaisseur de la peau. Certains artisans utilisent la peau des femelles de cervidés pour lier le tambour à la Terre-Mère.

Différentes essences de bois sont utilisées pour le cadre : bouleau, frêne, cèdre, etc. Le cadre est fait d'une planchette de bois mince qui, une fois trempée à l'eau chaude ou traitée à la vapeur, sera recourbée pour former un cercle. Des lanières de babiche maintiennent le fût. Le cadre sera accroché pour sécher pendant quelques jours.

Sur la babiche sèche, l'artisan découpe la peau en laissant un dépassement d'environ trois à quatre centimètres autour du cadre. La peau est ensuite mise à tremper pendant trois jours avant l'installation sur le cadre. Des trous sont perforés sur le pourtour de la peau humide pour y insérer les lacets de babiche. De longues lanières sont lacées de part en part du tambour en s'assurant que la tension reste la même sur toute la surface, sinon la peau risque de gondoler au séchage. Le tambour est accroché et sèchera pendant quatre jours. La fabrication d'un tambour à main nécessite une quinzaine d'heures de travail lorsque les peaux sont déjà traitées.

Le tambour innu est quelque peu différent. Il est composé d'un cadre circulaire sur lequel sont insérés des cerceaux qui maintiendront la peau en place. Une ficelle sur laquelle sont fixés de petits os (oiseaux, foetus de caribou, etc.) est installée sur la peau de frappe. Ces petits os font office de résonateurs et donnent un son particulier. De plus grande dimension que le tambour à main, il est accroché et tenu d'une main pour en jouer.

Le tambour de pow-wow est à deux peaux et à double face, mais il est fabriqué selon les mêmes techniques. Cependant compte tenu de sa dimension et de son poids, il est souvent fabriqué en cèdre et parfois en contre-plaqué. L'artisan fabrique quatre supports pour déposer le tambour.

Différents modèles de mailloches ou de baguettes sont utilisés selon le type de tambour. Elles sont généralement en bois, travaillé au couteau croche, et mesurent de 30 à 50 cm de longueur. Elles peuvent être sculptées, droites ou recourbées avec ou sans embout de cuir rembourré.

Pour entretenir le tambour, il est essentiel «d'en jouer souvent». Il doit être protégé de l'humidité qui détend la peau et change sa sonorité. Les musiciens réchauffent la peau au coin d'un feu jusqu'à l'obtention du son voulu. On peut également frotter la peau avec un peu d'eau et la réchauffer avec ses mains pour l'ajuster. La peau «reprend ainsi vie».

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Références

Notices bibliographiques :

  • HOEFNAGELS, Anna. « La musique des Premières Nations ». Historica Canada. L'encyclopédie canadienne [En ligne]. http://www.thecanadianencyclopedia.com/
  • HOFFMANN, Johanna. « Le tambour du pow-wow nord-américain, battement du coeur d'un peuple et rythme de sa spiritualité ». Cahiers d'ethnomusicologie. No 10 (1997), p. 249-272.
  • Maison Andicha. Tambour des femmes [En Ligne]. www.tambourdesfemmes.com
  • Enregistrement avec MOAR, Gilles, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La signification du tambour », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Manawan, 9 juillet 2013.
  • Musée régional de la Côte-Nord. Nametau innu : mémoire et connaissance du Nitassinan [En Ligne]. www.nametauinnu.ca
  • Enregistrement avec QUOQUOCHI, Guy, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « La fabrication des tambours », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Wemotaci, 22 août 2013.
  • Enregistrement avec ROUSSELOT, Jean-Yves, réalisé par SAINT-PIERRE, Louise, « L'apprentissage du tambour », Patrimoine immatériel des Premières Nations, Wapikoni mobile (dir.), Pessamit, 26 septembre 2013.
  • THWAITES, Reuben Gold. The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and explorations of the Jesuit missionaries in New France, 1610-1791. Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896. s.p.
  • Université Carleton. Tambours indigènes [En Ligne]. www.native-drums.ca
  • Wapikoni mobile. Wapikoni mobile. Cinéma des Premières Nations [En Ligne]. http://www.wapikoni.ca
  • WITMER, Robert. « Nord-Américains autochtones au Canada ». Historica Canada. L'encyclopédie canadienne [En ligne]. http://www.thecanadianencyclopedia.com/
  • Cahiers d'ethnomusicologie. No 10 (1997), 381 p.
  • Recherches amérindiennes au Québec. Vol. 15 (1985).

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